Les razzias et les tortures sont toujours de mise en Centrafrique
Des violences et des massacres viennent s'ajouter aux plaies béantes des centrafricains qui n'ont cesse de vivre en paix. Des années de traumatisme physique, moral, s'enchaînent. Le peuple centrafricain a peur : il a peur de sortir de chez lui, d'aller aux champs, de se déplacer d'un village à l'autre ou d'une ville à l'autre, car le risque des escarmouches et des bandits de grands chemins est grand. Pourtant les chefs des trois états voisins se disent bien "frères, parents et amis"; mais rien n'est fait pour rassurer et assurer la sécurité des citoyens à l'intérieur des zones respectives - centrafricaine, tchadienne, soudanaise. Les razzias, les tortures, les enlèvements s'installent impunément, rappelant étrangement une époque révolue.
Les habitants des villages d'Oulou, de Koré et d'Otomassa dans le nord-est de la République Centrafricaine, viennent de faire l'expérience douloureuse.
BANGUI, 21 sept (AFP) - 12h19 - Plus d'une vingtaine de villageois centrafricains, habitant dans une zone du nord-est de la République centrafricaine (RCA), ont été tués depuis la fin du mois d'août par des hommes armés venus du Soudan voisin, ont rapporté samedi à l'AFP deux rescapés de ces massacres.
"Plusieurs dizaines de personnes, hommes, femmes et enfants confondus, ont été tués, et des dizaines d'autres blessés", ont affirmé ces deux rescapés, admis depuis le 17 septembre à l'Hôpital communautaire de Bangui pour des blessures par balles.
Les deux hommes ont raconté que leur village d'Oulou, situé dans la sous-préfecture de Birao (à plus de 1.000 km au nord-est de Bangui), a été attaqué à la mi-septembre par des hommes armés se déplaçant à dos de cheval ou de chameau.
Deux autres villages, Koré et Otomassa, avaient subi le même sort à la fin août, ont-ils ajouté.
Les assaillants "ont encerclé les lieux à la nuit tombante, puis ils ont incendié les maisons et tiré sur ceux qui tentaient d'échapper aux flammes", a expliqué l'un des blessés, qui ont préféré garder l'anonymat.
"Dans notre seul village, il y a eu plus d'une dizaine de morts et autant de blessés. Des enfants en bas âge ont même été projetés dans les flammes qui consumaient les maisons", a précisé ce dernier.
Les deux rescapés ont affirmé que les assaillants, des éleveurs soudanais appuyés par des braconniers venus d'Am Dafog (région du Darfour, ouest du Soudan), avaient agi en représailles à des affrontements tribaux en RCA, qui avaient fait, selon Khartoum, plus de 60 morts côté soudanais.
Un sommet tripartite entre les présidents du Tchad, de la RCA et du Soudan, prévu en août dernier à Khartoum avant d'être repoussé sine die, était censé mettre un terme aux problèmes d'insécurité et de violences tribales dans les zones frontalières des trois pays.
N'DJAMENA, 20 sept (AFP) - 21h52 - Des éléments non-identifiés en provenance de l'extrême nord de la Centrafrique ont attaqué jeudi une localité du sud-est du Tchad, a annoncé vendredi le gouvernement tchadien dans un communiqué.
"Des éléments non-identifiés venus de la République centrafricaineont attaqué jeudi 19 à 5 heures du matin (04H00 GMT) la localité de Tissi" et "ont été mis en déroute", selon les autorités tchadiennes.
L'armée tchadienne a riposté à cette attaque, tuant un assaillant et en blessant un autre.
Elle a fait un prisonnier qui a déclaré que les assaillants venaient de la localité centrafricaine de Birao, proche de la frontière entre le Tchad, la RCA et le Soudan, précise le communiqué, sans faire état de victime côté tchadien ni fournir plus de détails sur les circonstances de l'attaque.
C'est la première fois qu'un accrochage de ce genre est signalé dans cette partie de la zone frontalière entre les deux pays.
Les précédents troubles frontaliers déplorés depuis bientôt un an dans cette zone se situaient beaucoup plus à l'ouest, à proximité du bassin pétrolifère tchadien de Doba.
Dans son communiqué, le gouvernement tchadien "interpelle les autorités centrafricaines sur la recrudescence des attaques armées au niveau des frontières entre les deux pays", et souligne qu'il "ne peut continuer indéfiniment à tolérer les attaques venant de la RCA".
N'Djamena demande aux autorités de Bangui de "prendre toutes les mesures pour arrêter ces incursions en territoire tchadien, mettant en mal les bonnes relations qui existent entre les deux pays".
Les rapports entre le Tchad et la RCA se sont durablement dégradés à partir de novembre 2001, date à laquelle l'ancien chef d'état-major de l'armée centrafricaine, le général François Bozizé, s'est réfugié au Tchad après avoir échappé à une tentative d'arrestation par les autorités centrafricaines qui l'accusaient de préparer un coup d'Etat.
BANGUI, 21 sept (AFP) - 20h15 - La République centrafricaine (RCA) n'est pas impliquée dans l'attaque lancée jeudi, selon N'Djamena, contre une localité du sud-est du Tchad par des éléments armés venus de RCA, a affirmé samedi à l'AFP le Premier ministre centrafricain, Martin Ziguélé.
"Nous n'avons envoyé personne à la frontière et nous ne savons rien de ce qui s'est passé, car c'est sur les ondes de RFI (Radio France Internationale) que nous avons appris qu'il y a eu une attaque contre la localité de Tissi", a affirmé M. Ziguélé à un correspondant de l'AFP à Bangui.
"Puisque les autorités tchadiennes disent qu'elles ont fait un prisonnier, a-t-il poursuivi, qu'elles demandent à ce prisonnier qui l'a envoyé là bas", a ajouté le Premier ministre.
Le gouvernement tchadien a affirmé vendredi dans un communiqué que des "éléments non-identifiés venus de la RCA" avaient attaqué la veille Tissi. L'armée tchadienne a riposté à cette attaque, tuant un assaillant, en blessant un autre et en faisant un prisonnier, selon ce même communiqué.
"Le poste le plus avancé au niveau de cette frontière est Gordil (une localité du nord-est de la RCA), qui se trouve à plus de 2OO km du Tchad. Alors comment cela est-il arrivé? Et pourquoi le ferions-nous?", s'est interrogé le Premier ministre centrafricain.
"Utilisons les canaux diplomatiques pour favoriser la paix, le Tchad est un pays frère et un pays voisin, nous n'avons aucune intention de l'agresser", a souligné M. Ziguélé, rappelant qu'un sommet tripartite entre les présidents du Tchad, de la RCA et du Soudan destiné à mettre un terme aux problèmes d'insécurité aux frontières entre ces pays devait se tenir en août dernier avant d'être reporté sine die.
"Le président (centrafricain Ange-Félix) Patassé souhaite qu'il se tienne au début du mois d'octobre pour permettre la mise en place d'un mécanisme d'apaisement et de contrôle des mouvements transfrontaliers nocifs aux relations entre nos deux pays", a-t-il encore assuré.
(d1 et d2) : voir réaction de l'ANR : Communiqué de presse de l'ANR, Khartoum, 21 septembre 2002: Douze morts et treize prisonniers à Tissi (22 septembre 2002)
Un mouvement rebelle tchadien revendique l'attaque de la localité de Tissi
LIBREVILLE, 23 sept (AFP) - 12h36 - L'Alliance nationale de la résistance (ANR), une formation regroupant des mouvements armés tchadiens, a revendiqué l'attaque, jeudi dernier, de la localité tchadienne de Tissi, dans un communiqué daté de Khartoum et reçu lundi par l'AFP à Libreville.
"Les forces combattantes de l'ANR ont attaqué le 19 septembre à l'aube la localité de Tissi", proche des frontières centrafricaine et soudanaise, a déclaré le vice-président de ce mouvement, inactif depuis des années, le colonel Badoulaye Issakha Sarwa, dans un communiqué daté de samedi.
L'ANR affirme avoir tué 12 militaires tchadiens, en avoir blessé sept et en avoir capturé 14 autres au cours de cette attaque.
"Contrairement aux allégations du régime de N'Djamena, les forces de l'ANR ne venaient pas de la localité centrafricaine de Birao (nord de la Centrafrique), mais elles sont stationnées en territoire tchadien et luttent pour le démantèlement du régime et l'instauration d'un régime démocratique", affirme encore ce texte.
Le gouvernement tchadien avait annoncé vendredi avoir repoussé à Tissi une attaque d'éléments non-identifiés venus de Birao en Centrafrique, et avait mis en demeure les autorités centrafricaines de prendre des mesures pour éviter les incursions armées sur son territoire.
Le Premier ministre centrafricain, Martin Ziguélé, a démenti samedi toute implication de la RCA dans l'attaque de Tissi, déclarant à Radio France Internationale (RFI): "Nous n'avons envoyé personne à la frontière et nous ne savons rien de ce qui s'est passé".
Dans un second communiqué, l'ANR a affirmé que l'armée tchadienne a mené des représailles contre la population locale qui se seraient soldées par "le massacre de sept villageois et l'arrestation de 11 autres", accusés de complicités avec les assaillants.
L'ANR, formée en novembre 1995 par cinq mouvements politico-militaires hostiles au régime du président Idriss Déby n'avait plus fait parler d'elle depuis août 1999, date à laquelle une centaine de rebelles s'étaient ralliés au gouvernement tchadien.
La frontière tchado-centrafricaine est le théâtre de tensions armées depuis que l'ancien chef d'état-major centrafricain, le général François Bozizé, a trouvé refuge au Tchad en novembre 2001, après avoir résisté à une tentative d'arrestation des autorités de Bangui qui l'accusaient de préparer un coup d'Etat.
Mais l'attaque de Tissi, située beaucoup plus à l'est que les précédents accrochages, est la première à s'être déroulée dans une localité proche de la frontière soudanaise.