LIBREVILLE, 20 nov (AFP) - 14h33 - Près d'un mois après la dernière tentative de coup d'Etat, le 25 octobre, la Centrafrique s'enlise dans la crise alors que le pouvoir se refuse à toute négociation politique et qu'une solution militaire semble hors d'atteinte.
Le président Ange-Félix Patassé, dont le mandat court jusqu'en 2005, doit désormais faire face à une rébellion armée hétéroclite et mobile à travers le pays, mais dont les objectifs politiques restent flous.
Cette rébellion réduit encore le contrôle déjà précaire exercé par le pouvoir sur une vaste partie du territoire.
"Hors de Bangui, le pays va devenir incontrôlable alors qu'avant ces événements, la partie est était déjà quasiment déserte en raison des raids des bandes armées soudanaises", souligne-t-on de source diplomatique. "Maintenant, la route du Tchad est coupée et certains camionneurs hésitent à emprunter la route du Cameroun pour aller jusqu'au port de Douala", principale voie d'approvisionnement du pays, à 1.600 km de Bangui.
Le pouvoir tient désormais Bangui et ses environs immédiats, grâce à ses alliés étrangers, dont environ 200 soldats libyens qui ont bombardé ces deniers jours, selon les Nations unies, les villes de Damara et Bambari.
Aux Libyens s'ajoutent plus d'un millier de miliciens du rebelle congolais Jean-Pierre Bemba, qui ont joué un rôle décisif dans les combats et continuent à terroriser la population.
Face à ces effectifs d'au moins 1.200 hommes, la force de paix que doit déployer la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC) pour prendre leur relais ne comptera que 300 à 350 éléments. Pas étonnant, dans ce contexte, que le président Patassé manifeste peu d'empressement pour sa venue.
Au plan politique, le vif débat en fin de semaine dernière à l'Assemblée nationale s'est terminé en queue de poisson. Les déclarations virulentes à l'égard des autorités sur la gestion de la crise, émanant y compris de députés de la majorité présidentielle, ne se sont même pas traduites pas une simple résolution.
Interrogé par l'AFP, avant ce débat, sur un éventuel schéma de sortie de crise, le président de l'Assemblée, Luc-Apollinaire Dondon Konamabaye, expliquait: "il faut remanier le gouvernement avant la fin du mois. Le président fera des ouvertures, il y a des cadres compétents en dehors du MLPC (Mouvement de libération du peuple centrafricain, au pouvoir)".
"Il faut aussi, soulignait-il, que l'autorité de l'Etat se fasse sentir. Quand des erreurs sont commises, il faut sanctionner et mettre un peu d'ordre dans l'armée, la police, l'administration".
Le versement des salaires des fonctionnaires, dont les arriérés cumulés dépassent fréquemment les deux ans, générant une grogne sociale récurrente, figure également parmi les mesures préconisées par le président de l'Assemblée.
"La population supporte très mal que le gouvernement trouve de l'argent pour payer les gens de Bemba alors qu'il n'est pas en mesure de payer ses fonctionnaires", relève une source onusienne.
Enfin, le président Patassé reste persuadé d'être en osmose avec son peuple. Mais le divorce est patent avec les habitants de ses fiefs électoraux des quartiers nord de Bangui.
La population ne lui pardonne pas d'avoir été bombardée pour repousser les assaillants, ni d'avoir été livrée sans défense aux milices de Bemba.
Celles-ci avaient déjà sévi en mai 2001, lors de la précédente tentative de coup, mais dans les quartiers sud, acquis à son ennemi juré, l'ancien président André Kolingba.
Dans ce contexte, le refus du président Patassé d'un dialogue politique réclamé de toutes parts est porteur de lourdes inquiétudes.
Mais, assure un diplomate, "le président est capable d'entendre la voie de la raison si l'enjeu pour sa sécurité personnelle est important".