Les temps forts de la journée du lundi 28 octobre 2002 : très violents combats où les populations civiles paient un lourd tribut


Durs combats pour la quatrième journée consécutive à Bangui

Bangui (Reuters), 28 octobre 2002  22:35 - Pour la quatrième journée consécutive, la capitale centrafricaine, Bangui, a été lundi le théâtre de combats acharnés entre les forces gouvernementales, soutenues par la Libye, et les rebelles, proches du général François Bozizé.

Ces affrontements, qui ont éclaté vendredi, ont relancé la tension entre le Centrafrique et le Tchad voisins. Bangui a annoncé dimanche que des Tchadiens aidaient les rebelles, qui soutiennent le général Bozizé, un ancien chef d'état-major exilé un moment en France et grand rival du président Ange-Félix Patassé.

D'après des Banguissois, le crépitement des armes automatiques a résonné à quelque deux km au nord de la résidence du chef de l'Etat, à la périphérie d'un quartier tenu par les rebelles depuis vendredi. Cela tendrait à indiquer qu'aucun camp n'a gagné véritablement du terrain malgré les pilonnages intenses effectués par les forces loyalistes durant le week-end.

"J'ai aperçu trois personnes tuées par un obus", a raconté un homme venu des quartiers nord de la capitale.

Des témoins ont fait état d'une vingtaine de morts, parmi lesquels figurerait un neveu de Patassé. Mais selon eux, le bilan serait beaucoup plus élevé.

Des centaines de Centrafricains ont profité d'une apparente accalmie en milieu de matinée pour fuir la ville.

Gabriel Koyambounou, porte-parole du gouvernement, a annoncé dimanche que les forces loyalistes encerclaient les rebelles. "(Ils sont) condamnés soit se rendre, soit à être écrasés", a-t-il expliqué.

Aux NATIONS UNIES, le secrétaire général, Kofi Annan, a exprimé sa "profonde préoccupation" face aux événements en RCA, condamné le recours à la force pour s'emparer du pouvoir à Bangui et invité les rebelles à déposer les armes. Selon son porte-parole, Fred Eckard, Kofi Annan a également exhorté la communauté internationale à aider au déploiement en RCA d'une force régionale légère comme le principe en a déjà été acquis.

Une série d'incidents frontaliers ont opposé des forces du Tchad et du Centrafrique ces derniers mois, mais les deux pays ont décidé le 2 octobre du déploiement d'une petite force régionale et d'oeuvrer à l'amélioration de leurs relations.

RIVALITE DE PERSONNES?

Cet accord a été mis à mal par l'annonce à la radio nationale centrafricaine, faite par Koyambounou, que des Tchadiens figuraient au nombre des forces d'agression.

Selon lui, les récentes accusations formulées par le Tchad, à savoir que la RCA héberge des rebelles hostiles au président tchadien Idriss Déby, laissent penser que N'Djamena cherche à justifier l'attaque en cours lancée pour tenter de chasser Patassé du pouvoir.

Le président centrafricain, âgé de 65 ans, a été élu en 1993, puis réélu en 1999. Comme Bozizé, il est originaire du nord du pays, mais d'une ethnie différente. Et la lutte pour le pouvoir que se livrent ces deux hommes tient avant tout de la rivalité de personnes.

Tout combat près de la frontière tchado-centrafricaine pourrait faire peser un danger sur les champs pétrolifères mis en valeur du côté tchadien par un consortium dominé par ExxonMobil.

Aux prises avec une série de mutineries et de tentatives de putsches depuis 1996, le Centrafrique espère elle aussi pouvoir trouver du pétrole afin de pouvoir enfin s'attaquer à la pauvreté du pays.

L'an dernier, le colonel Mouammar Kadhafi avait dépêché des troupes et des avions dans l'ex-territoire français de l'Oubangui-Chari pour aider les forces de Patassé à mater une rébellion de soldats. Au moins 200 soldats libyens sont restés sur place auprès de la garde présidentielle.

Des diplomates ont dit qu'une bonne centaine de rebelles venus de la République démocratique du Congo (RDC, ex-Zaïre) avaient franchi l'Oubangui pour venir en aide à Patassé, comme ils l'avaient déjà fait l'an dernier. La région de RDC qui fait face à Bangui est tenue par les rebelles du MLC (Mouvement pour la libération du Congo), dirigés par le Dr Jean-Pierre Bemba.

La France a désavoué dimanche la tentative de coup de force où sont impliqués des hommes fidèles au général Bozizé. "La France condamne toutes les tentatives de renversement par la force de pouvoirs issus d'élections, en particulier celle que revendique l'ancien général Bozizé", a dit une porte-parole du Quai d'Orsay.

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Poursuite des combats, progression des éléments de Bozizé

Bangui, 28 oct (AFP) - 21h09 - Les combats se sont poursuivis lundi à Bangui pour la quatrième journée consécutive entre forces loyalistes épaulées par des éléments libyens et congolais (RDC) et partisans de l'ancien chef d'état-major centrafricain François Bozizé qui ont progressé vers la résidence du chef de l'Etat Ange-Félix Patassé.

Au moins un soldat libyen a trouvé la mort dans ces combats, a-t-on appris de source diplomatique.

Selon certains témoignages, les rebelles auraient progressé à proximité de l'assemblée nationale, distante de 400 à 500 mètres de la résidence du chef de l'Etat centrafricain, défendue par un contingent libyen.

Certains témoins ont également affirmé avoir vu, dans les quartiers nord, des combattants centrafricains ou congolais se débarrasser de leurs treillis pour enfiler des vêtements civils.

Les Congolais, dont le nombre était estimé samedi soir entre 100 et 300, ont reçu depuis des renforts en hommes et en matériel en nombre indéterminé.

La radio nationale a diffusé lundi soir un communiqué invitant les responsables sanitaires à se réunir mardi matin pour mettre en place une cellule de crise.

Dans des quartiers populaires, les civils ont été pris dans des tirs croisés entre les deux parties. Le correspondant de l'AFP a ainsi vu un obus tomber à proximité de son domicile, tuant deux civils, mais aucun bilan global n'était disponible lundi.

La population, qui paie dans ces combats un tribut humain important qu'il était impossible de chiffrer lundi soir, accueillait plutôt favorablement les rebelles, ont souligné des sources diplomatiques.

Des éléments venus de République démocratique du Congo, d'appartenance politique indéterminée, ont appuyé de leur côté les forces gouvernementales dans leur effort de progression dans les quartiers nord.

Le général Bozizé, qui a revendiqué depuis Paris la paternité de l'opération, a effectué dimanche un retour inopiné à N'Djamena, ramenant sur le devant de la scène les interrogations sur le rôle du Tchad dans les évènements.

L'ancien militaire centrafricain avait quitté la semaine précédente N'Djamena pour la France dans le cadre d'un accord visant à désamorcer la tension entre le Tchad et la République centrafricaine, persistante depuis un an.

Cet ancien proche du président Patassé réclame "le dialogue (du pouvoir) avec l'ensemble de l'opposition" ou, en cas de refus des autorités, le "départ" de l'actuel chef de l'Etat "en vue de mettre en place une transition consensuelle".

Ce retour à N'Djamena du général Bozizé ne peut que renforcer les responsables centrafricains dans leur conviction que l'opération n'a pu être menée qu'avec un appui tchadien.

Lundi, une source proche des autorités centrafricaines affirmait à nouveau que les partisans du général Bozizé "sont lourdement équipés" et qu'un tel équipement n'a été possible qu'avec "un appui tchadien".

Lundi soir, le ministre gabonais des Affaires étrangères, Jean Ping, a annoncé que les évènements en Centrafrique ne remettent pas en cause l'accord conclu le 2 octobre dernier à Libreville, en vue de désamorcer la tension tchado-centrafricaine et de permettre le départ du contingent libyen de Bangui.

"Il n'y a pas d'alternative à l'accord de Libreville", a déclaré à l'AFP M. Ping.

"Les Libyens (ndlr, présents à Bangui depuis 18 mois) ont demandé de partir. (..) Mais pour sécuriser le président (centrafricain Ange-Félix Patassé), il va falloir amener une autre force à Bangui", a expliqué le ministre gabonais.

L'accord de Libreville, conclu sous l'égide de la CEMAC (Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale) prévoyait notamment le déploiement en RCA "dans un délai d'un mois" d'une force de 300 à 350 hommes.


Les éléments de Bozizé ont progressé dans la journée

Bangui, 28 oct (AFP) - 20h44 - Les partisans de l'ancien chef d'état-major centrafricain François Bozizé ont progressé vers la résidence du chef de l'Etat Patassé dans la journée de lundi, marquée par une très grande intensité d'échanges de tirs jusqu'à la nuit tombée, a constaté le correspondant de l'AFP.

Selon divers témoignages, les rebelles n'ont pas décroché de leurs positions et, selon certains, ils auraient même progressé à proximité de l'assemblée nationale, distante de 400 à 500 mètres de la résidence du chef de l'Etat centrafricain Ange-Félix Patassé, défendue par un contingent libyen. De sources concordantes, ces rebelles sont beaucoup mieux équipés qu'il n'avaient semblé l'être aux premiers jours des combats.

Certains témoins ont également affirmé avoir vu, dans les quartiers nord, des combattants centrafricains ou congolais (RDC) se débarrasser de leurs treillis pour enfiler des vêtements civils.

Les Congolais, dont le nombre était estimé samedi soir entre 100 et 300, ont reçu depuis des renforts en hommes et en matériel en nombre indéterminé. Par ailleurs, au moins un soldat libyen a trouvé la mort dans ces combats, a-t-on appris de source diplomatique.

La population, bien qu'elle paie dans ces combats un tribut humain important qu'il était impossible de chiffrer lundi soir, accueille plutôt favorablement les rebelles, beaucoup espérant voir "cette fois, la fin du régime", ont souligné des sources diplomatiques.

Outre les tirs d'armes automatiques et d'artillerie lourde, deux appareils libyens de type Marchetti ont effectué de nombreuses missions de reconnaissance dans la journée mais ont également tiré fréquemment sur des positions supposées des rebelles, situées dans des quartiers populaires.

La radio nationale a diffusé lundi soir un communiqué invitant les responsables sanitaires à se réunir mardi matin pour mettre en place une cellule de crise.


Le film des événements en Centrafrique 
Bangui, 28 oct (AFP) - 16h00
- Voici un film des événements en Centrafrique depuis le 25 octobre:


--VENDREDI 25 OCTOBRE 2002--

Des tirs à l'arme lourde et à l'arme automatique sont entendus dans divers quartiers de Bangui. Selon des témoins, les partisans de l'ancien chef d'état-major, François Bozizé, à l'origine des tirs, tiennent plusieurs sites dans le nord de Bangui.

Dans le même temps, des informations en provenance de N'Djamena font état d'une attaque par des partisans du général Bozizé de plusieurs localités du nord de la Centrafrique.

Le porte-parole de la présidence et son chauffeur sont interceptés par des assaillants alors qu'ils circulaient dans les quartiers nord de la capitale.


--SAMEDI 26--

La population quitte massivement les quartiers nord de Bangui.

Après une nuit et une matinée d'accalmie, des affrontements reprennent à Bangui. Les tirs sont entendus principalement dans les quartiers nord, ainsi qu'au sud-ouest de la ville dans le secteur de l'aéroport.

Les forces loyalistes, déjà appuyées par un contingent libyen présent à Bangui depuis la tentative de coup d'Etat en mai 2001, reçoivent le soutien d'éléments armés venus de République démocratique du Congo (RDC).

Le chef de la rébellion de RDCongo du Mouvement de libération du Congo (MLC) affirme que son mouvement n'est pas impliqué.

Washington demande à ses ressortissants de ne pas se rendre en Centrafrique.


--DIMANCHE 27--

François Bozizé affirme diriger le soulèvement et réclame le départ du président Patassé. "C'était programmé depuis longtemps. (...) J'ai été contraint de diriger les opérations", déclare-t-il dans un entretien sur la radio RFI.

Des témoins affirment que le général Bozizé, accueilli en France il y a peu dans le cadre d'un accord visant à désamorcer la tension entre le Tchad et la Centrafrique, est arrivé le matin par le vol Air France reliant Paris à N'Djamena.

Les forces loyalistes lancent une offensive contre les partisans de l'ancien chef d'état-major. Les forces gouvernementales, épaulées par le contingent libyen et des éléments venus de RDC, font reculer les assaillants, repoussés vers les quartiers nord. Des témoins font état de la mort d'une vingtaine d'assaillants auxquels s'ajoutent un nombre indéterminé de civils, victimes de tirs d'obus.

Le ministre de la Communication affirme que les agresseurs à l'origine des combats sont "condamnés à se rendre ou à être réduits", dans la première communication officielle du gouvernement. Il affirme que "parmi les agresseurs tombés, la plupart sont de nationalité tchadienne sur qui d'importants documents, des pièces à conviction, ont été découverts".

La France "condamne" la tentative de prise de pouvoir et appelle les soldats rebelles à "déposer les armes".

Le porte-parole de la présidence, intercepté le 25 par les partisans de François Bozizé, rencontre des membres de sa famille. Son chauffeur avait été libéré le 26.


--LUNDI 28--

Après une nuit calme, tirs à l'arme lourde à Bangui, qui s'intensifient vers midi. Dans plusieurs secteurs de la ville, la population civile est prise dans des tirs croisés.

De nombreux habitants continuent à fuir les quartiers nord.

Le Gabon condamne "le coup de force à Bangui contre les autorités légitimes".

Un collectif de "patriotes centrafricains", composé de représentants d'une large palette de formations politiques ou associatives centrafricaines, réclame depuis Paris, "la démission" du président Patassé. Des opposants tchadiens condamnent "l'implication du régime de N'Djamena" dans les événements en cours à Bangui.


Pas de remise en cause de l'accord de Libreville (ministre gabonais des Affaires étrangères)

Libreville, 28 oct (AFP) - 20h19 - Les évènements en Centrafrique ne remettent pas en cause l'accord conclu le 2 octobre dernier à Libreville, en vue de désamorcer la tension tchado-centrafricaine et de permettre le départ du contingent libyen de Bangui, a affirmé lundi le ministre gabonais des Affaires étrangères, Jean Ping.

"Il n'y a pas d'alternative à l'accord de Libreville", a déclaré à l'AFP M. Ping.

"Les Libyens (ndlr, présents à Bangui depuis 18 mois) ont demandé de partir. Leur volonté de partir est plus évidente que jamais (..) Mais pour sécuriser le président (centrafricain Ange-Félix Patassé), il va falloir amener une autre force à Bangui", a expliqué le ministre gabonais.

L'accord de Libreville, conclu sous l'égide de la CEMAC (Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale) prévoyait notamment le déploiement en RCA "dans un délai d'un mois" d'une force de 300 à 350 hommes.

"Les troupes sont prêtes. Nous attendons des moyens de transport" et, si la situation se calme à Bangui, "les premiers éléments de cette force devraient arriver à Bangui la semaine prochaine", a dit M. Ping.

Le contingent libyen, qui participe activement aux combats en cours depuis vendredi à Bangui pour protéger le palais présidentiel, assure la sécurité du président Patassé depuis la tentative de coup d'Etat de mai 2001. Plusieurs pays d'Afrique centrale avaient exprimé leur inquiétude face à la permanence de cette présence libyenne en Centrafrique.

L'accord de Libreville prévoit également l'éloignement de Centrafrique et du Tchad de deux personnalités dont la présence a envenimé les relations entre les deux pays: l'ex-général centrafricain François Bozizé, réfugié au Tchad depuis un an, et qui a revendiqué l'opération en cours à Bangui, et le colonel de l'armée centrafricaine Abdoulaye Miskine, considéré comme un ex-rebelle tchadien par N'Djamena.

Le général Bozizé avait été accueilli en France il y a une semaine dans le cadre de cet accord, mais il est rentré à N'Djamena dimanche matin. Miskine devait, selon Bangui, être accueilli au Togo mais il se trouve toujours dans la capitale centrafricaine.

Le Gabon a réaffirmé lundi dans un communiqué "son rejet de toute action visant l'accession au pouvoir par des voies non constitutionnelles et condamne le coup de force perpétré à Bangui contre les autorités légitimes".

Ce communiqué s'achevait par "un appel à la communauté internationale et aux pays amis de la République centrafricaine en particulier pour qu'ils apportent leur soutien effectif à la mise en place de cette force".

Des voix condamnant l'opération menée par les insurgés à Bangui


Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 12