L'insurrection se poursuit dans la capitale, bilan incertaindes victimes
BANGUI, 29 octobre (IRIN)
- Ce mardi, aussi bien les forces gouvernementales fidèles au président de la
République centrafricaine (RCA), Ange-Félix Patassé, que les troupes rebelles
cherchant à le renverser, maintenaient leurs positions dans la capitale
centrafricaine, Bangui.
Pendant que des tirs nourris continuaient de se faire entendre par
intermittence, deux avions de combat libyens ont survolé la ville, tentant
selon toute vraisemblance, de localiser les positions rebelles en vue d'une
prochaine attaque. Les troupes centrafricaines bénéficient de l'appui d'environ
200 soldats libyens, qui ont d'abord été envoyés à Bangui au lendemain d'une
tentative de coup avortée lancée en mai 2001 par l'ancien président de la RCA
André Kolingba.
Des milliers d'habitants auraient fui Bangui pour tenter de gagner la ville
de Mbaiki, à environ 175 km au sud-ouest de Bangui. On ne connaissait pas
encore ce mardi le bilan exact des pertes humaines, mais plusieurs témoins
interrogés par IRIN ont affirmé qu'un grand nombre de civils ont été victimes
des échanges de tirs entre le gouvernement et les forces rebelles.
Mardi matin, IRIN a rencontré trois jeunes miliciens provenant de la
République démocratique du Congo (RDC), qui venaient de rendre leurs armes aux
militants armés du général François Bozizé, ancien chef d'état-major de l'armée
régulière de la RCA, qui a revendiqué ce dernier soulèvement. Les miliciens ont
indiqué qu'ils allaient retourner immédiatement en RDC car ils ne « veulent pas
mourir ». Ils n'ont pas précisé s'ils étaient membres du
groupe rebelle congolais de Jean-Pierre Bemba, le Mouvement de libération du
Congo (MLC).
Occupant la moitié de la capitale, les hommes de Bozizé ont également
capturé le porte-parole de M. Patassé, Prosper Ndouba. M. Ndouba, qui a pu
recevoir la visite des membres de sa famille, a lancé un appel au gouvernement
pour que celui-ci entame des négociations avec les rebelles.
Quant à M. Patassé, les organes d'information signalent qu'il a réussi, avec sa
famille, à quitter le palais présidentiel. On ignore, pour l'heure, où ils ont
trouvé refuge.
Bien que le calme ait prévalu ce mardi dans le centre de Bangui où
circulaient des patrouilles gouvernementales, les rebelles ont poursuivi leur
offensive pour tenter de prendre le palais présidentiel ainsi que l'Assemblée
nationale.
Parallèlement, aucun heurt n'a été signalé en dehors de la capitale.
Radio Centrafrique - organe officiel -toujours la seule station ouverte ce
mardi, a diffusé quelques bulletins d'information fournis par Radio France
Internationale (RFI) et Africa No 1 Radio.
Faisant allusion aux soupçons de M. Patassé selon lesquels le Tchad
soutenait le général Bozizé, le ministre de la Communication de la RCA, Gabriel
Jean Edouard Koyambounou a déclaré lundi au micro de Africa No 1 Radio, «
Maintenant l'histoire prouvera si le président Patassé avait
raison. Il y a un fossé entre les déclarations officielles [du Tchad] et ses
actions. »
M. Bozizé et un certain nombre de ses militants se sont réfugiés au Tchad en
novembre 2001 après avoir mené une résistance armée contre le mandat d'arrêt de
M. Bozizé dans le cadre de l'enquête sur la tentative de coup d'Etat de mai
2001.
Quant à M. Bozizé, qui a revendiqué l'opération militaire lancée vendredi,
des sources tchadiennes et françaises ont confirmé mardi qu'il quittait ce
jour la capitale tchadienne, Ndjamena, à destination de Paris, capitale
française.
« Le général Bozizé est rentré à Paris avec l'assentiment de la France, » selon
les propos du ministre tchadien de la communication, Moctar Wawa Dahab,
rapportés par l'Agence France Presse (AFP).
Le porte-parole du chef de la diplomatie française, François Rivasseau, a
parallèlement déclaré que « les autorités tchadiennes avaient mis M. Bozizé sur
le vol de Paris avec notre consentement », selon l'AFP.
Face à la nouvelle reprise des hostilités en RCA, le secrétaire général de
l'ONU, Kofi Annan, a appelé lundi à un arrêt immédiat des violences, et a
recommandé l'appui d'une force internationale d'interposition en RCA, selon
le Centre de nouvelles de l'ONU.
« Le secrétaire général réitère sa condamnation de toute tentative de prise de
pouvoir par la force des armes et appelle les insurgés à déposer les armes, » a
fait savoir un porte-parole de M. Annan.
Kofi Annan a lancé un appel à la communauté internationale pour qu'elle
«fournisse de toute urgence l'assistance logistique et autres moyens nécessaires
» pour déployer la force d'observation interafricaine en RCA,une initiative
adoptée par les dirigeants de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de
l'Afrique Centrale) à l'occasion de leur sommet tenu au début du mois d'octobre
au Gabon, a précisé le porte-parole.
Cette force serait composée de 300 à 350 soldats provenant du Gabon, du
Cameroun, de la République du Congo, de la Guinée équatoriale et du Mali. Le
mandat de cette force d'observation consisterait à assurer la sécurité du
président Patassé, de participer à la restructuration des forces armées du pays
et de garantir la sécurité à la frontière avec le Tchad. Prenant la parole au
micro de Africa No 1 Radio ce mardi, le ministre gabonais des affaires
étrangères, Jean Ping, a déclaré que l'accord de Libreville du 2
octobre était encore en vigueur.
Il a ajouté que le premier contingent de la force d'interposition, fort de
150 soldats gabonais, devait arriver dans la semaine. Il n'a pas,
néanmoins,précisé si les combats actuels retarderaient leur déploiement.
Depuis l'élection de M. Patassé en 1993, la RCA a essuyé plusieurs crises
armées internes. En outre, les multiples affrontements attribués aux
partisans de Bozizé basés au Tchad et au présumé chef rebelle tchadien,
Abdoulaye Miskine, basé en RCA, ont eu lieu le long de la frontière commune des
deux Etats depuis que M. Bozizé et ses partisans ont pris la fuite vers le Tchad
en novembre 2001.
On pensait que le sommet de Libreville avait permis de mettre un terme au
conflit entre la RCA et le Tchad. Dans le cadre de l'accord de Libreville, M.
Miskine devait être réinstallé au Togo en Afrique de l'ouest tandis que la
France accordait l'asile politique à M. Bozizé.
Les analystes régionaux craignent aujourd'hui que cette nouvelle crise
n'entraîne rapidement une détérioration des relations entre le Tchad et la RCA.
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