BANGUI, 8 nov (AFP) - 12h37 - D'habitude grouillant de vie, le marché au bétail de Bangui, où les autorités tchadiennes affirment que 150 civils tchadiens ont été massacrés, n'est que l'ombre de lui-même depuis la tentative de coup d'Etat du 25 octobre.
Pas un seul boeuf n'est visible sur la vaste esplanade herbeuse située à une douzaine de kilomètres au nord du centre-ville de Banqui, au lieu-dit "PK13", lors d'une visite organisée par les autorités centrafricaines. Les alignements d'échoppes bancales en bois ou en tôle ondulée sont aux trois-quart désertes.
"Les jours de marché, il peut y avoir jusqu'à 500 ou 600 boeufs venus du Tchad et de toute la Centrafrique. Ca grouille de monde", explique en sango, la langue nationale, Hamed Dandi, un vieil homme sec et longiligne dans sa jellaba beige et président des négociants centrafricains de bétail.
Autour de nous, dans ce lieu considéré comme encore non "sécurisé", ont pris position, fusils mitrailleurs ou lance-roquettes à la main, une dizaine de militaires centrafricains et des banyamulengués, les rebelles congolais venus soutenir le président Ange-Félix Patassé contre les assaillants.
"Maintenant, les commerçants tchadiens ne veulent pas revenir au marché. Ils disent que tant qu'ils n'auront pas la certitude que leur sécurité est assurée, ils ne mettront plus les pieds ici", affirme l'homme, dont les propos sont traduits en français par un capitaine de l'Unité de sécurité présidentielle (USP) centrafricaine.
Les autorités tchadiennes ont affirmé que 150 civils tchadiens avaient été "massacrés" dans ce secteur par des forces loyalistes le 31 octobre,au lendemain de la fin des combats et de l'échec de la tentative de coup d'Etat.
Au milieu de l'esplanade affleure une grande tâche de latérite rouge, fraîchement remuée: une fosse commune.
"Nous avons inhumé ici 11 négociants centrafricains qui ont été tués par les assaillants aux premières heures des combats", soutient M. Dandi.
"Les funérailles se sont déroulées à la mosquée. On les a enterrés là ensemble, mais on ne sait pas pourquoi ils les ont tués", affirme-t-il.
Le président des négociants assure qu'il y a eu d'autres morts, en nombre indéterminé, mais que les corps ont vite été récupérés par les familles.
Des Tchadiens ont-ils été tués ici après la fin des combats? Il l'ignore.
Ce qu'il sait en revanche, c'est que les 200 ou 300 boeufs qui se trouvaient sur place lors de l'attaque, en prévision du marché du samedi, ont tous été emmenés par les assaillants.
Le marché de Bangui draine le bétail de l'ensemble de la Centrafrique -une richesse du pays dont l'activité est à 80% agricole- et d'une partie du Tchad.
Les animaux y sont amenés par des bergers, après plusieurs jours ou semaines de marche, pour le compte de patrons, parmi lesquels de nombreux Tchadiens résidant dans la capitale centrafricaine.
Maintenant que le marché ne fonctionne plus, les négociants sont obligés d'aller à la recherche des éleveurs, Peuls centrafricains ou Tchadiens, pour leur acheter des animaux et alimenter Bangui en viande.
Prochain étape de la visite: l'abattoir, à un kilomètre du marché. D'autres Tchadiens y auraient été massacrés, selon N'Djamena. Nombre de bouchers y exerçant sont des Tchadiens, qui abattent les bêtes selon les règles de l'islam.
Mais, soudain, changement de programme annoncé par le responsable de l'escorte: lors de leur attaque, les assaillants "ont posé des mines sur la route qui mène à l'abattoir". Impossible d'aller plus loin sans risques. Il faut faire demi-tour.