Ce que je
pense
LE DIALOGUE NATIONAL EST INÉVITABLE,
MAIS PAS LE DIALOGUE À LA PATASSÉ...
Je ne comprends pas que les Centrafricains ne comprennent pas qu'il s'agisse d'un dialogue politique, d'un "débat national", d'une "conférence nationale", les notions importent peu. Car il est surtout question que des citoyens d'un pays sans exclusive acceptent de s'asseoir autour d'une même table pour discuter des problèmes de leur pays. Or, personne n'est à même de soutenir aujourd'hui que nous vivons présentement dans un pays où tout marche comme sur des roulettes.
La RCA est assurément un pays malade. Tous les fils et toutes les filles de ce pays doivent se faire "médecins" afin d'examiner ce malade qui a besoin de soin non pas approximatifs mais plutôt appropriés.
La crise de la société centrafricaine est un problème qui mérite d'être discuté en toute sérénité modération et transparence sur la place publique. De ce point de vue, si nous sommes démocrates au sens plein du terme, nous ne devons pas faire l'économie d'un débat ou d'une discussion, car la démocratie est d'abord une discussion. Des questions pertinentes méritent d'être soulevées au cours de cette "discussion" qui devrait éviter de se transformer en une "diarrhée verbale" ou à un "discours schizophrénique" qui sont le propre des intellectuels mal assurés et en mal de science théorique. Nous avons beaucoup déliré, fantasmé et dégoisé des inutilités pour qu'on s'asseye autour d'une table pour recommencer avec nos verbiages creux qui cachent souvent mal nos petits calculs d'intellectuels petit-bourgeois toujours en quête d'une part de gâteau ou d'une place au soleil.
Une question qui mériterait d'être soulevé à l'occasion d'un dialogue national est celle de savoir si la crise centrafricaine n'est pas en dernier lieu le véritable mode de fonctionnement de la société centrafricaine.
Crise réelle, crise permanente ou
simple projection de nos fantasmes et de notre "mal de vivre" ? On aimerait tant
le savoir enfin pour éviter justement les soubresauts répétitifs ou les crises à
répétition.
"Les Français aiment la France mais ne s'aiment pas entre eux".
Ce constat avait été fait par un intellectuel à propos de la France qui, malgré
l'apparence de stabilité, n'est pas à l'abri d'une crise...
On pourrait peut-être appliquer ce constat à la République centrafricaine, en affirmant que peut-être "les Centrafricains aiment la RCA mais ne s'aiment pas entre eux". Possible ! Mais pourquoi donc ? Et c'est justement là où se situe tout l'intérêt d'un débat sans complaisance entre tous les Centrafricains sans exclusif.
On se rendra peut-être compte qu'en vérité les Centrafricains que nous sommes tous ne connaissent pas leur pays. Ils n'aiment pas la République centrafricaine qui aurait dû être en tout temps et en tout lieu un point d'orgueil et de fierté pour eux. L'orgueil et la fierté d'appartenir à une communauté d'histoire, de langue et de culture, c'est-à-dire à une "communauté de destin". Cette communauté de destin n'est autre que la nation centrafricaine qui occupe aujourd'hui un "espace vital" de 623.000 km2 effectivement béni des dieux quand on mesure la diversité de ses richesses naturelles qui ne demandent qu'à être mises en valeur pour que le peuple centrafricain connaisse le bonheur. Le bonheur partagé.
Les Centrafricains ont besoin de se parler et de se dire la vérité au-delà de la méfiance généralisée, du soupçon permanent et des fausses revendications idéologiques, philosophiques, politiques et partisanes. La vérité, il est vrai est la condition "sine qua non" de la vraie réconciliation qui n'oublie pas en chemin une part d'acrimonie, de haine ou d'esprit revanchard.
Peut-être que toutes les crises vécues dans le pays trouvent leur fondement dans un "mensonge collectif". Lequel mensonge entretient l'hypocrisie collective, source de toutes les tensions qui ont pour noms : tribalisme, népotisme, clientélisme, exclusion, discrimination et division nationale.
En démantelant les sources de ces tensions, on peut reconnaître aux Centrafricains de pacifier leurs relations sociales en se fondant sur un "code de bonne conduite" accepté et respecté. Car c'est bien parce que nous n'avons jusqu'ici (au pouvoir ou en dehors du pouvoir) aucune règle de jeu que les institutions de la République, si démocratiques soient-elles connaissent un dysfonctionnement grave au point de tétaniser l'Etat dont les insuffisances notoires ont été révélées au grand jour lors des événements du 25 octobre 2002.
Discuter de notre relation à la Patrie, de notre relation à l'Etat, de notre relation aux lois et règlements de la République, de la gestion de la chose publique, du respect des engagements pris et des droits de la personne humaine, de la responsabilité des uns et des autres dans la crise à répétition, du respect de nous-mêmes et de notre pays, tels devaient être les sujets à inscrire au cœur d'un dialogue national.
De ce dialogue ouvert et à "cœur ouvert" dépendra l'avenir de la RCA, c'est-à-dire celui de nos institutions, de notre économie et de la vie nationale. Ce sera l'occasion pour les uns de défendre leur vision de la démocratie, ses dérapages et manquements, et pour les autres peut-être de justifier la radicalisation de leur exigence politique qui vise justement la personne du président de la République considéré comme celui par qui arrive tous les malheurs de la République. Partira ou partira pas ?
Si le dialogue national devait exorciser la RCA de son mal endémique, pourquoi tant de résistance de la part de certains dirigeants politiques qui ont plutôt peur de se voir déposséder du pouvoir ? Ce pouvoir qui donne à manger aux uns et qui prive les autres du bonheur même relatif...
Le chef de l'Etat s'est enfin adressé à la nation ce jour. Au sujet du dialogue. Mais aucune excuse pour les victimes des Nyama-Mulengués. Mais les accusations sur le Tchad nous inquiètent. Car le jour où le Tchad se fâchera, on risque de le regretter. La Libye ne nous démentira pas. La version en Sango de l'intervention du premier centrafricain est déplorable.
Un message finalement délirant et particulièrement en déphasage par rapport à la gravité de la crise. C'est un Patassé insensible à la souffrance de son peuple qui est décidé à rester au pouvoir quoi qu'il arrive. C'est un "surhomme" qui détient son pouvoir directement de Dieu et non des Centrafricains qui l'ont élu et qu'il peut bombarder comme il entend... Il n'a de compte à rendre à personne sauf à Dieu. Car il vient d'un autre monde que nous ignorons... Mais est-ce avec ce "surhomme" insensible que les partis politiques et la société civile vont discuter ? A voir !
LC
Editorial du quotidien Le Citoyen, du
26 novembre 2002