Centrafrique : La sécurité alimentaire demeure inquiétante, selon l'ONU
allAfrica.com , 29 Novembre 2002 - Quelque 32 jours après que des rebelles de la République centrafricaine (RCA) aient attaqué la capitale, Bangui, la sécurité alimentaire demeure une cause d'inquiétude et ce, même le seuil de crise n'a pas été atteint, selon le bureau du Coordonnateur résident de l'ONU dans ce pays.
Dans son bulletin publié mercredi, le bureau souligne qu'une pénurie d'aliments a été causée par la difficulté à circuler en véhicule entre Bangui et un certain nombre de villes de province, "notamment au nord et à l'est" du pays. En temps normal, ces régions approvisionnent la capitale en denrées alimentaires.
Selon l'ONU, le système de surveillance de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) signale une rareté de viande et de végétaux, particulièrement les oignons. La plupart de ces denrées proviennent habituellement du nord. Or, leurs "prix ont augmenté de plus de 200 pour cent" au cours des quatre dernières semaines.
Depuis le début de la crise, le prix du boeuf a augmenté de 100 pour cent et celui du poisson fumé, de 67 pour cent. Les bouchers ont abandonné les abattoirs mieux contrôlés pour utiliser plutôt des installations de fortune.
L'ONU estime qu'en raison des risques sanitaires posés par ces pratiques, le public doit être sensibilisé à la nécessité de bien cuire toutes les viandes avant de les consommer.
La FAO, ajoute l'ONU, continuera jusqu'à la semaine prochaine de soutenir les petits fermiers et pêcheurs en analysant les effets de la crise sur leurs activités.
Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies (PAM) a achevé de mettre en place des secours alimentaires d'urgence en plusieurs sites de regroupement à Bangui, et, pour les personnes déplacées, le long de la route du nord, entre Bangui et Boali, rapporte l'ONU. "La prochaine phase comportera une action d'urgence visant les groupes touchés de la population dans les zones auxquelles nous n'avons pas accès, surtout dans l'est du pays. Elle comprendra aussi une intensification du soutien ciblé apporté aux groupes vulnérables, dont le nombre augmente jour après jour", d'ajouter l'Organisation.
Le bulletin mentionne un signe éloquent d'une recrudescence de la pauvreté jour après jour, soit le fait que les gens vendent leurs biens personnels à très bas prix pour pouvoir s'acheter de la nourriture et des médicaments. L'ONU prévient toutefois que "le PAM n'est pas en mesure d'alimenter une large proportion de la population". L'organisme d'aide alimentaire a plutôt décidé de concentrer ses ressources et ses efforts supplémentaires pour aider à nourrir les jeunes enfants, les femmes enceintes ou qui allaitent, les patients hospitalisés et les groupes vulnérables que l'on peut atteindre efficacement.
Toujours selon l'ONU, le PAM s'efforce en outre de rassembler des contributions pour son Opération de secours prolongés et de relance, "dont une partie importante servira à venir en aide aux populations les plus durement touchées, pour qu'elles reconstituent leurs avoirs et rebâtissent leurs vies, une fois le conflit terminé".
Santé et assainissement
On aura besoin de plus de matériaux et produits sanitaires, signale l'ONU, pour exhumer et enterrer à nouveau les cadavres mis en terre à la hâte. Il s'agit d'un effort pour prévenir que des corps mal enterrés, en redevenant exposés à l'air libre, ne soient éventuellement emportés par de fortes intempéries et provoquent des maladies. Un financement initial pour cette activité a été injecté par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Mais des organismes non reliés aux Nations Unies doivent maintenant être trouvés pour poursuivre cette tâche.
Deux importantes zones sanitaires demeurent isolées de leurs dépôts de réapprovisionnement situés à Bangui, révèle aussi le bureau de l'ONU, en raison de la fermeture de la route menant de Bangui à Damara et Sibut. Cette situation a provoqué une pénurie de médicaments et vaccins essentiels (BCG, DTC, poliomyélite et fièvre jaune) dans les dépôts pharmaceutiques régionaux. "En outre, ces zones manquent de carburant pour leurs équipements de refroidissement, ce qui a causé la destruction d'importantes réserves de vaccins dans certaines parties du pays", révèle aussi l'Organisation.
Celle-ci poursuit en prévenant que la situation épidémiologique est devenue plus alarmante depuis la découverte de cas présumés de méningite à Bambari et Ndele. Dans ces deux endroits, les réserves de vaccins ont été détruites à cause de l'insuffisance de carburants pour maintenir leur entreposage au froid. L'ONU rappelle à cet effet que l'Organisation mondiale de la santé avait fait don de 75 000 vaccins contre la méningite et de 38 000 doses de chloramphénicol.
"Toutefois, la véritable solution à ce problème réside dans l'impérative réouverture de la route Bangui-Damara-Sibut, ainsi que des autres routes essentielles sur lesquelles les fournitures médicales sont transportées vers les diverses parties du pays", insiste le bulletin de l'ONU.
Situation des réfugiés
Un peu plus de 50 700 réfugiés vivant en Centrafrique et provenant de 22 États africains différents, ont été affectés par l'invasion rebelle de la capitale et les combats qui ont suivi, toujours selon l'ONU. Ces gens vivent surtout à Mboki, Bangui et Molangue, par ordre décroissant d'importance.
Les Soudanais (36 000) constituent la plus grande partie de la population de réfugiés, suivis par un groupe de 10 000 provenant de la République démocratique du Congo (RDC). "Les Tchadiens, Congolais [de la République du Congo] et Angolais constituent les autres groupes les plus significatifs", précise l'ONU.
Même s'il semble que les réfugiés, en tant que groupe, n'aient pas été spécialement ciblés, indique l'ONU, plusieurs Congolais de la RDC affirment avoir été battus, harcelés et expulsés de leurs demeures, en représailles aux gestes posés par des miliciens de la RDC venus en Centrafrique pour aider le Gouvernement de Bangui à écraser la rébellion.
Personnes déplacées dans leur pays
L'ONU signale par ailleurs que la crise actuelle n'a pas provoqué de concentrations de personnes déplacées à l'intérieur du pays (DPI). "Les cas de DPI les les plus significatifs demeurent les Tchadiens et les Congolais ayant cherché refuge dans leurs ambassades respectives à Bangui", indique l'Organisation. Les Tchadiens se sont notamment plaints que les troupes du Mouvement de libération du Congo (MLC) avaient pillé leurs demeures.
Les Tchadiens ont réclamé des médicaments et de la nourriture. L'ONU et les organismes humanitaires ont répondu en recensant quelque 3 038 Tchadiens vivant dans une zone de douze kilomètres à l'extérieur de Bangui, actuellement sous le contrôle du MLC, selon l'ONU. Ce nombre inclut 421 femmes et 1 309 enfants, dont quelque 1306 ont demandé une assistance pour être rapatriés.
Des consultations ont eu cours avec l'ambassade tchadienne, pour déterminer la position du Gouvernement tchadien sur la question avant d'évaluer le type de soutien que pourrait apporter le système des Nations Unies. Pendant ce temps, les Tchadiens se sont faits persuader de retourner dans leurs foyers pendant que l'on chercherait une solution, d'ajouter l'ONU.
Malgré le rapatriement de 1 777 Congolais vers la RDC, il y a deux semaines, le nombre des déplacés congolais à l'ambassade de RDC à Bangui a atteint à un certain moment 587 personnes, incluant les femmes et enfants ayant demandé un appui pour être rapatriés, ajoute l'ONU. Les conditions de santé prévalant à l'ambassade sont alors devenues intenables, et plus de gens ont continué d'y arriver, en se plaignant des attaques de représailles lancées par des Centrafricains qui prétendaient avoir été maltraités par des membres du MLC.
Le bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés à Bangui était en contact avec ses homologues de la RDC, ainsi qu'avec les autorités de la République centrafricaine, dans un effort pour trouver une solution, ajoute le bulletin de l'ONU. Dans son allocution du 25 novembre, le président Ange-Félix Patassé a exhorté la population à se montrer accueillante envers les Congolais et les Tchadiens résidant en Centrafrique, dans un effort pour ramener le calme.