Loin de la Côte d'Ivoire, la Centrafrique se déchire dans l'indifférence
LIBREVILLE, 16 déc (AFP) - 12h15 - La République Centrafricaine (RCA) traverse comme la Côte d'Ivoire une grave crise politico-militaire avec une rébellion occupant une partie de son territoire. Là s'arrête la comparaison pour ce pays d'Afrique centrale à genoux qui se délite dans l'indifférence générale.
La grande disparité d'énergie militaire et diplomatique déployée par la France pour un retour au calme dans ces deux anciennes colonie traduit une lourde et cruelle différence de poids et d'enjeux.
La Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao, demeure la vitrine de l'Afrique de l'Ouest francophone, son poul politico-économique, dans un voisinage marqué par la concurrence d'Etats anglophones comme le Nigeria ou le Ghana.
La Centrafrique, "pays rude et qui a toujours été dur", selon une formule du général De Gaulle, apparaît comme le ventre mou de l'Afrique centrale, elle-même ventre mou du continent.
De coups d'Etats en mutineries, ce pays incorrigible, connu pour les seules frasques de l'Empereur Bokassa 1er et l'affaire des diamants de l'ex-président français Valéry Giscard d'Estaing, a découragé toutes les bonnes volontés. Sa descente aux enfers ne ferait qu'ajouter à l'imbroglio de la République démocratique du Congo et des Grands Lacs.
La comparaison est pourtant tentante à première vue.
Les présidents "démocratiquement élus" des deux pays sont confrontés depuis l'automne à des rébellions qui occupent des pans entiers de leurs territoires et réclament leur départ.
Les pouvoirs "chrétiens" d'Abidjan et de Bangui dénoncent la complicité d'Etats voisins dans ces tentatives de déstabilisation, respectivement le Burkina Faso et le Tchad, dirigés par des musulmans.
Aucun n'a fourni de preuves définitives d'accusations qui flattent à bon compte un sentiment patriotique dissous dans la pauvreté ou l'appât du gain.
Cette rhétorique nationaliste épargne aux présidents ivoirien Laurent Gbagbo et centrafricain Ange-Félix Patassé un diagnostic en profondeur des gangrènes rongeant leurs sociétés et son inévitable examen de conscience.
Aux effets ravageurs de "l'Ivoirité" à Abidjan répondent en écho à Bangui la déliquescence d'un Etat incapable de payer ses fonctionnaires, rongé par la gabegie et le tribalisme, avec une armée au chômage que nul n'est jamais parvenu à rendre républicaine.
Au départ des deux crises, la France a semblé tanguer entre ses relations mitigées avec les deux présidents et la défense de la légitimité des urnes. Récemment, elle a récemment opté pour le soutien aux régimes en place, un choix de raison sinon de coeur, pour éviter la contagion.
Mais quand presque 2.000 soldats français sont à pied d'oeuvre pour sauvegarder les institutions ivoiriennes, Bangui devra se débrouiller avec 350 soldats de pays d'Afrique centrale.
La diplomatie française est en première ligne dans l'affaire ivoirienne: déclarations quotidiennes, changement d'ambassadeur, forte implication dans les médiations, possible sommet de chefs d'Etats à Paris.
Pour la Centrafrique, carte blanche est laissée à un fin connaisseur, le président gabonais Omar Bongo, qui se plaignait lui-même d'une inégalité de traitement entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale, au lendemain du sommet de la Francophonie de Beyrouth.
De fait, le conflit centrafricain apparaît comme de faible intensité par rapport à son cousin ivoirien.
En Côte d'Ivoire, un mouvement multiforme et structuré, présent au nord et à l'ouest. Des rebelles damant le pion à l'armée régulière, payant cash. De graves exactions, des mobilisations générales faisant craindre le pire...
Les rebelles centrafricains, désargentés, pauvres en munitions, pillent les derniers biens d'un Etat en ruine, s'efforçant d'épargner une population clochardisée. Le secteur moribond du coton s'effondre.
La Centrafrique s'enfonce dans la crise, sans bruit.