Justice
internationale
La FIDH accuse
Patassé
14/02/2003
(Dossier Actualité RFI) - «Limpunité
dont jouissent les auteurs de violations des droits de
lhomme et notamment les officiers supérieurs de
larmée gouvernementale et les commandants des diverses
forces rebelles est un obstacle majeur à une paix durable en RDC»,
estime Sergio Vieira de Mello, le Haut commissaire aux droits de
lhomme de lONU. Ces mêmes observations peuvent être
appliquées aussi à la Centrafrique où la Fédération
internationale des ligues des droits de lhomme (FIDH) a
établi des chefs daccusation contre les principaux
protagonistes, avec une demande de traduction devant la Cour
pénale internationale.
Dans un rapport au
Conseil de sécurité de lONU, la Mission de
lorganisation des Nations unies en RDC (MONUC) a rendu
compte dune enquête quelle a conduite dans
lest de la RDC, en Ituri, théâtre de nouveaux combats
entre factions armées congolaises, malgré la signature de
laccord de Pretoria instituant une transition et une
co-gestion du pays. Selon ce rapport, depuis le début de cette
année le recours aux pillages, aux assassinats et aux viols par
les forces du Mouvement de libération du Congo (MLC) et du
Rassemblement congolais pour la démocratie National (RCD-N),
avec lappui des soldats de lUnion des patriotes
congolais (UPC), est systématique. La MONUC a ainsi nommément
désigné les responsables des violations des droits de
lhomme, sur des populations bien ciblées. De nombreux
chiffres et témoignages viennent étayer les accusations
portées par les autorités onusiennes. Plus de 2 000 assassinats
ont été portés à leur connaissance.
La menace des sanctions internationales a poussé les chefs
rebelles à procéder à quelques arrestations dans leur rang.
Selon la MONUC, 27 officiers rebelles seraient mis aux arrêts et
le début de leur procès est prévu le 18 février 2003. Pour
justifier de leur bonne foi, les chefs rebelles opérant dans
lIturi ont invité le bureau du HCR à assister au procès.
Mais les autorités onusiennes ont décliné cette invitation
arguant dun système judiciaire manquant de légitimité
dans des zones occupées, et non conforme aux normes juridiques
et humanitaires internationales. Atoki Ileka, ambassadeur de la
RDC à lONU, profite de cette opportunité pour demander au
Conseil de sécurité de déclarer que «la dégradation de la
situation des droits de lhomme en RDC a dépassé les
limites du tolérable et de lacceptable». Cest
pourquoi il a aussi demandé au Conseil de sécurité de tout
mettre en uvre pour favoriser la mise sur pied d'un
tribunal pénal international pour la RDC. Mais pour le Haut
commissariat aux droits de lhomme des Nations unies, une
meilleure démarche serait de confier au mécanisme de justice
transitoire prévu dans lAccord de Pretoria le soin de
rendre justice. Toutefois, «la saisine dune Cour
pénale internationale est possible, la RDC ayant ratifié le
statut de Rome».
Justice et
réparation pour les victimes des crimes commis en RCA
Cette nouvelle offensive des organisations humanitaires a trouvé
un écho en République centrafricaine, où la FIDH épingle
toutes les parties impliquées dans le conflit que connaît ce
pays. Elle a rendu publique un rapport sur «les crimes de
guerre en République centrafricaine», dans lequel elle
démontre la responsabilité des uns et des autres et la
compétence de la Cour pénale internationale à les juger. «Institué
comme une juridiction ayant pour but de lutter contre
limpunité des crimes les plus graves, le statut de la CPI
prévoit en son article 17 que le principe de complémentarité
avec les juridictions nationales prend fin au profit de la CPI
lorsque lEtat ayant compétence en lespèce na
pas la volonté ou la capacité denquête et/ou de
poursuivre les crimes dont il est fait état», écrit la
FIDH en préambule de son rapport. Elle fait également une
série de recommandations pour que «justice et réparation
soient rendues dans un futur proches aux victimes des crimes
commis en RCA».
Les enquêteurs de la FIDH ont point par point retracé la
genèse des différentes alliances politico-militaires en RCA qui
ont dune part ébranlé ou dautre part consolidé le
pouvoir du président Ange-Félix Patassé. Le rapport fait état
dun marché de 5 milliards de franc CFA, payable
éventuellement en diamants, conclu entre le président
centrafricain et Jean-Pierre Bemba du MLC. La méfiance du
président envers les forces armées de son propre pays la
poussé à faire le choix déléments étrangers pour
assurer la survie de son régime. Le coup dEtat manqué de
mai 2001, du général André Kolingba a entraîné plusieurs
centaines de désertion au sein de larmée. Celui imputé
à François Bozizé a aussi occasionné une grande défection
dans les effectifs de larmée régulière. Lappoint,
pour sa propre sécurité, a été trouvé par le président
Patassé auprès dun opposant tchadien, Abdoulaye Miskine,
qui a assuré le recrutement des mercenaires, venus du sud du
Tchad. Ces troupes ont été impliquées dans des massacres au
nord de Bangui sur la route de Bouali, les 30 et 31 octobre 2002.
Cétait «la tuerie du marché de bétail». Reconnaissant
lexistence de «certaines choses» impliquant lUnité
de la sécurité présidentielle commandée par Miskine, le
régime Patassé na pris, selon la FIDH, aucune mesure de
protection des populations, ni commandé aucune enquête. Il
s'est au contraire distingué en accordant une distinction de
commandeur dans lordre du mérite centrafricain à
Abdoulaye Miskine.
Les complicités du MLC ayant aussi été établies, (cf article:
Centrafrique, «Le MLC va-t-il partir?»), la FIDH conclut à la
responsabilité pénale et individuelle de Jean-Pierre Bemba,
dAbdoulaye Miskine et dAnge-Félix Patassé. Elle
dépose une plainte pour crimes de guerre à leur encontre devant
la CPI. Le gouvernement centrafricain qualifie cet acte de
«démarche malhonnête» et prépare sa réaction selon le
porte-parole du gouvernement. Le futur procureur, dont
lélection sera effective en avril prochain, donnera suite
ou non à cette plainte devant la CPI qui sera installée à la
fin de lannée, pour éventuellement un procès inédit:
celui dun président de la République en exercice.
DIDIER SAMSON
14/02/2003
(Dossier Actualité RFI)