Bangui, 19 mai 2003, journée de grognes des chauffeurs de taxis, des avocats, et d'action agricole
BANGUI, 20 mai 2003 (AFP) - 9h32 - La persistance de l'insécurité, deux mois après le coup d'Etat du 15 mars, menace sérieusement l'état de grâce dont jouissait jusqu'alors le nouveau pouvoir centrafricain.
Alors que la majorité des partis politiques s'en tiennent officiellement à un mutisme prudent, le rappel à l'ordre est venu lundi de la rue.
Excédés par les rackets, vols et braquages en tous genre dont ils font l'objet depuis plusieurs semaines, les chauffeurs de taxis ont décidé un arrêt de travail de 48 heures, paralysant Bangui où n'existe aucun service public de transport en commun.
Les avocats, qui se plaignaient depuis un moment à titre individuel des pressions dont ils font l'objet chaque fois qu'ils sont saisis d'une affaire impliquant un "Tchadien" -civil ou armé- et de la paralysie du parquet pour des raisons similaires, sont également descendus lundi dans la rue pour une marche pacifique de protestation.
Ces manifestations ne sont que l'expression publique d'un ras-le-bol généralisé exprimé par la population, elle aussi quotidiennement victime de cet arbitraire imputé aux ex-rebelles ayant accompagné le général François Bozizé dans sa marche victorieuse sur Bangui. Voire à des éléments du contingent militaire tchadien venu initialement sécuriser la ville livrée aux pillages après le putsch.
"Il n'y a pas de différence entre les +Banyamulengué+ et les éléments tchadiens. Plus que Bangui, l'arrière-pays est devenu une zone de non-droit", confiait ces jours derniers à l'AFP Mgr Paulin Pomodimo, président de la Conférence épiscopale centrafricaine.
Rebelles congolais venus défendre à deux reprises depuis 2001 l'ancien régime du président Ange-Félix Patassé, les +Banyamulengué+ étaient haïs par la population pour leur comportement jugé odieux.
"Je ne peux pas donner l'ordre aux prêtres et aux religieuses de regagner ces zones (de l'arrière-pays) tant que je n'ai pas d'autorité en face de moi", ajoutait le prélat.
Malgré sa patience légendaire, la population centrafricaine s'interrogeait quotidiennement devant l'absence de réactions des autorités centrafricaines face aux agissements des "libérateurs".
"Ils (les Tchadiens) sont en terrain conquis", "ils n'obéissent qu'aux leurs", "Bozizé n'est entouré que d'officiers tchadiens et c'est pour ça qu'il ne peut pas réagir": autant de remarques amères, en voie d'entamer sérieusement l'indiscutable capital de sympathie dont bénéficie le nouveau pouvoir.
Pourtant, lundi, l'électrochoc qu'ont constitué ces deux protestations a été suivi d'effet. Pour la première fois depuis des semaines, le président Bozizé a réagi et s'est rendu dans des commissariats de Bangui occupés par certains de ses anciens rebelles.
Ceux-ci ont une nouvelle fois été désarmées -ils l'avaient déjà été peu après le coup d'Etat-, et les locaux qu'ils occupaient remis à la police centrafricaine.
Evoquant des "actes de barbarie (...) les exécutions sommaires, les violations des droits de l'Homme de tous ordre", l'ACAT (Association des chrétiens pour l'abolition centrafricaine) de Centrafrique mettait déjà en garde début avril le général Bozizé: "de tels actes ne peuvent que ternir l'image, voire discréditer votre régime".
LIBREVILLE, 19 mai 2003 (AFP) - 20h31 - Le ministre centrafricain de la Communication, Parfait M'Baye, a surpris les journalistes des médias d'Etat en leur demandant d'assurer la couverture d'une grève.
"Le ministre nous a demandé de faire parler les responsables des syndicats des conducteurs des taxis et taxis-bus, ce que nous avons fait", a déclaré à l'AFP Marc Esaïe Péndéréndji, journaliste à Radio Centrafrique, joint par téléphone depuis Libreville.
Le chauffeurs de taxis de Bangui étaient en grève lundi pour protester contre les exactions dont ils sont victimes de la part d'anciens rebelles du général François Bozizé, parvenu au pouvoir en mars lors d'un coup d'Etat.
Avant de devenir ministre, le lieutenant-colonel Parfait Mbaye était lui-même le porte-parole de cette rébellion.
"Nous avons interrogé le secrétaire général adjoint et un membre du bureau du Syndicat des conducteurs des taxix et taxi-bus, ainsi que l'homme de la rue", a ajouté le journaliste centrafricain.
Les Banguissois ont donc pu, pour la première fois depuis des années, s'informer par les médias publics d'un parmi les innombrables mouvements sociaux que connaît ce pays, miné par 10 ans de troubles.
Les journalistes centrafricains du secteur public ne traitent généralement que les activités officielles, notamment du chef de l'Etat.
LIBREVILLE, 19 mai 2003 (AFP) - 17h54 - Un soldat tchadien de la garde du président centrafricain, François Bozizé, a perdu ses deux mains, lundi à Bangui, dans l'explosion d'une grenade à la présidence, a-t-on appris de source diplomatique tchadienne dans la capitale centrafricaine.
"L'incident est survenu à la suite d'une erreur de manipulation, alors que le militaire, un sous-officier, voulait ranger la grenade qu'il venait à peine de saisir sur des éléments incontrôlés", a déclaré à l'AFP, Maïtine Djoumbé, ambassadeur du Tchad en Centrafrique, contacté par téléphone depuis Libreville.
Selon le diplomate tchadien, qui a rendu visite à son compatriote, "le blessé a été admis à l'hôpital communautaire où sa santé, qui paraissait inquiétante au départ, continue de s'améliorer".
Peu avant l'incident, le président autoproclamé François Bozizé s'était rendu aux commissariats des 3ème et 5ème arrondissements occupés par certains de ses anciens rebelles, dont il a remis les locaux à la police, ainsi que dans d'autres quartiers de Bangui.
Sur les lieux, les éléments de sa garde ont désarmé des "ex-rebelles", dont les comportements ont été lundi à l'origine de deux manifestations dans la capitale centrafricaine.
Les conducteurs de taxis et de taxis-bus ont déclenché une grève de deux jours pour exiger des garanties de sécurité et de protection contre les exactions des +libérateurs+, qui ont pris l'habitude de réquisitionner leurs véhicules et de les brutaliser.
Les avocats centrafricains ont défilé en direction du ministère de la Justice, pour dénoncer l'insécurité à Bangui et dans les provinces, oeuvre selon eux de "certains éléments tchadiens et centrafricains incontrôlés".
Ils ont également demandé que les commissariats de police et les brigades de gendarmerie occupés par des éléments incontrôlés "soient immédiatement libérés et remis à la police et à la gendarmerie".
BANGUI, 19 mai 2003 (AFP) - 16h51 - Les nouvelles autorités centrafricaines nourrissent l'ambition de faire de l'agriculture, abandonnée à elle-même depuis des années en dépit de ses énormes potentialités, le fer de lance de l'économie nationale.
"Le secteur agricole doit devenir le fer de lance de l'économie. Pour le gouvernement, l'agriculture est la priorité des priorités", a déclaré à l'AFP le ministre de l'Agriculture, Pierre Gbianza.
Axée principalement sur les cultures de rente, l'agriculture centrafricaine, qui emploie 80% de la population active, dispose de potentialités exceptionnelles: un climat chaud et humide, des terres fertiles dont à peine un cinquième est cultivé et une excellente pluviométrie renforcée par une abondance de rivières.
Mais les handicaps sont nombreux. "Ces dernières années, l'agriculture était complètement abandonnée", relève M. Gbianza, ingénieur agronome de formation. "Il faut donc commencer par relancer les productions et moderniser toutes les filières".
"Plusieurs contraintes freinent son développement, détaille le ministre: une certaine démotivation des producteurs, l'absence de structures de vulgarisation auprès du monde rural, pas d'institut de recherches - d'où problème de fourniture de semences améliorées -, absence d'un organisme de crédit rural ou d'un système de micro-finances pour les paysans".
Associées à des cultures vivrières, le coton et le café constituent à égalité les principales productions. De près de 50.000 tonnes en 1998, la production de coton a chuté de moitié ces dernières années. La récolte 2002-2003 n'a toujours pas été ramassée en raison des combats qui ont abouti au renversement, le 15 mars dernier, du président Ange-Félix Patassé.
Quant au café, dont la production atteignait à une époque entre 14.000 et 18.000 tonnes de café cerises par an, "elle est maintenant quasiment inexistante. Nous voudrions dépasser les 20.000 tonnes d'ici 4 ou 5 ans", assure M. Gbianza.
A l'exception du riz, le pays est autosuffisant pour les cultures vivrières (manioc, mil, sorgho, maïs, arachide). "Mais il nous faut arriver à exporter certains de ses produits", estime le ministre.
De même, dit-il, "il faut relancer les cultures maraîchères pour lesquelles on doit trouver des débouchés à l'exportation", à commencer par l'Afrique centrale.
Restent les cultures industrielles, canne à sucre et huile de palme, toutes deux en difficulté. Pour le sucre, le principal problème provient "d'importations frauduleuses très importantes" qui entraînent une "concurrence déloyale" pour la production locale, en mesure de fournir plus de la moitié des 22.000 tonnes consommées chaque année.
Une seule société, Centrapalm, produit l'huile de palme à partir d'une "plantation vieillissante" et "son prix de vente est inférieur au prix de revient". Elle doit faire face à des importations venues de RDCongo, non seulement frauduleuses, mais souvent dangereuses pour la santé (conditionnement dans des fûts ayant contenu des insecticides, par exemple).
Dans l'immédiat, la fin de l'insécurité dans les régions affectées par les combats apparaît comme un préalable à toute relance. De nombreux paysans n'ont toujours pas regagné leurs villages, ce qui entraîne, selon la presse, une rareté des produits de base sur les marchés du nord et du nord-ouest du pays. De même faut-il remplacer les boeufs utilisés pour la culture attelée, volés durant les combats.
"Nous avons de la volonté, de l'ambition, résume M. Gbianza. Il faut que nos partenaires extérieurs nous aident pour que la transition ne dure pas, que ce pays reparte enfin".
Le président autoproclamé, le général François Bozizé, a annoncé une période de transition de 18 à 30 mois avant la tenue de nouvelles élections.
LIBREVILLE, 19 mai 2003 (AFP) - 16h42 - Les avocats centrafricains ont manifesté lundi à Bangui pour dénoncer les exactions dont affirment être victimes de la part de "certains éléments tchadiens et centrafricains incontrôlés", a-t-on appris lundi à Libreville de source proche du barreau centrafricain.
Une marche, organisée en direction du ministère de la Justice, faisait suite à une déclaration des avocats publiée samedi demandant au président autoproclamé François Bozizé, arrivé au pouvoir lors d'un coup d'Etat le 15 mars, de "prendre des mesures énergiques et appropriées pour faire cesser dans les meilleurs délais les exactions, humiliations et rackets" perpétrés par ces éléments incontrôlés.
Dans leur déclaration, les avocats centrafricains estiment que, "depuis deux mois, les citoyens centrafricains, à Bangui comme dans les provinces, continuent de subir tous les jours des exactions, des humiliations, des rackets et des pillages de la part de certains éléments tchadiens et centrafricains incontrôlés".
"Les avocats, dernier rempart des droits et libertés individuelles, affirment-ils, ne sont pas épargnés". Ils citent des cas précis, comme celui de Me Emile Bizon, "littéralement enlevé le 14 mai à 9H00, alors qu'il tentait d'intervenir pour défendre un chauffeur de taxi frappé et humilié".
Selon eux, "au-delà de la situation des avocats, c'est le citoyen centrafricain qui est meurtri dans sa dignité et privé de sa liberté de circuler sans crainte".
Aussi dénoncent-ils "l'insécurité créée par la présence de ces éléments tchadiens qui menacent d'entâcher les bonnes relations entre les peuples centrafricain et tchadien".
Dans la même déclaration, les avocats centrafricains relèvent également que, dans certains commissariats et brigades de gendarmerie de Bangui, les éléments tchadiens se substituent aux agents des forces de l'ordre centrafricaines.
Les avocats réclament que ces lieux "soient immédiatement libérés et remis à la disposition de la police et de la gendarmerie", et que "le maintien de l'ordre et de la sécurité revienne à la police et à l'armée centrafricaines".
La manifestation des avocats s'est déroulée alors que les conducteurs de taxis et taxis-bus ont déclenché lundi matin une grève de 48H00 pour exiger des garanties de sécurité et de protection contre les exactions des "libérateurs".
LIBREVILLE, 19 mai (AFP) - 12h22 - Les conducteurs des taxis et taxis-bus de la capitale centrafricaine ont déclenché lundi une grève de deux jours pour protester contre les exactions commises à leur encontre par les ex-rebelles, a indiqué à l'AFP une source syndicale jointe depuis Libreville.
Ce mouvement lancé à l'appel du Syndicat des conducteurs de taxis et taxis-bus (STB), était très suivi à Bangui, ont rapporté des témoins.
Les grévistes exigent des garanties de sécurité et de protection contre les exactions des "libérateurs", les anciens rebelles du général François Bozizé, parvenus au pouvoir le 15 mars.
"La plupart des grandes avenues de Bangui n'étaient pas desservies lundi matin par les taxis et taxis-bus qui observent bien ce mouvement", a déclaré à l'AFP, Antoinette Véna, 38 ans, enseignante à Bangui, jointe au téléphone.
"Depuis ce matin, a expliqué cette dernière, chacun utilise ses propres moyens pour aller au travail: à bicyclette, en moto ou mobylette, en voiture, ou tout simplement à pied".
Selon un conducteur de taxi ayant requis l'anonymat, "les +libérateurs+ exagèrent. Ils réquisitionnent les taxis de force pour aller braquer. Si le conducteur s'y oppose, ils le menacent de mort, le frappent, le battent".
"Lors d'une rencontre avec le gouvernement la semaine dernière, a-t-il ajouté, le syndicat a remis une liste des conducteurs maltraités avec les numéros et immatriculations de leurs véhicules", a ajouté ce chauffeur.
Le STB a convoqué une assemblée générale lundi matin à la Bourse du travail de Bangui, pour faire le point sur le début du mouvement.
Dans la semaine qui a suivi l'entrée des partisans de François Bozizé à Bangui, le 15 mars dernier, de nombreuses exactions avaient été commises par ces "patriotes", notamment des mercenaires appartenant à l'ethnie tchadienne "zaghawa".
Ces ex-rebelles se sont notamment illustrés par des agressions, des vols de voiture, des braquages et des exécutions sommaires, auxquels ont mis fin les 5OO soldats du contingent tchadien déployés à Bangui trois jours après la prise de Bangui par les partisans de François Bozizé, le 15 mars.
Ces exactions ont repris, selon des témoins, à la faveur du départ début mai de Bangui d'une bonne partie des soldats tchadiens.