L'ex-président de l'Assemblée refuse d'être conseiller à la présidence

BANGUI, 29 juin 2003 (AFP) - 19h18 - L'ex-président de l'Assemblée nationale centrafricaine, proche de l'ancien président Ange-Félix Patassé, a réfusé de devenir conseiller à la présidence comme le lui proposait le président autoproclamé François Bozizé, a rapporté dimanche la presse à Bangui.

"Je me trouve dans la pénible obligation morale de décliner cette offre" sous peine d'"une position inconfortable vis-à-vis de mon parti et même du peuple", écrit notamment Luc-Apollinaire Dondon Konamabaye dans sa lettre au général Bozizé, publiée par le quotidien "Le Démocrate".

"C'est pourquoi dit-il, je prierai votre Excellence de bien vouloir comprendre cette position et d'accepter que je ne puisse accéder à votre offre", souligne M. Dondon.

L'ancien président de l'Assemblée nationale n'a pu être joint dimanche mais des dignitaires de l'ancien régime, renversé le 15 mars dernier, ont confirmé l'authenticité de ce courrier.

"A vrai dire, je vous aurais certainement assuré de ma totale et entière disponibilité pour contribuer à la réussite de la délicate mission que vous vous êtes assignée si cette offre généreuse m'avait été faite dès le départ", écrit encore M. Dondon, reçu le 2O juin dernier par le général Bozizé.

"Aujourd'hui, poursuit-il, les grandes décisions relatives à la transition sont prises (...) L'administration territoriale, les départements ministériels et les sociétés d'Etat et d'économie mixte ont été systématiquement épurées des cadres du MLPC (Mouvement de libération du peuple centrafricain, ancien parti au pouvoir) et autres formations politiques de l'ancienne majorité, sans considération de leurs valeurs intrinsèques".

"Ces situations, ajoute M. Dondon, ne militent pas en faveur de la cohésion nationale puisqu'elles excluent de la gestion du pays une frange importante de la population et, du coup, une élite désireuse de mettre à contribution son génie pour le renouveau national".

Réfugié à l'ambassade de Russie pendant un mois après le coup d'Etat du 15 mars dernier, M. Dondon Konamabaye, qui est libre de ses mouvements, était connu sous l'ancien régime pour son franc-parler et ses désaccords publiquement exprimés avec l'ancien président.

Il avait ainsi demandé en vain à M. Patassé la réhabilitation du général Bozizé ainsi qu'une mesure de grâce en faveur des auteurs du coup d'Etat du 28 mai 2OO1 revendiqué par l'ancien président, le général André Kolingba.


Luc Apollinaire Dondon Konamabaye,
Ancien président de l’Assemblée nationale
Bangui

                                                                                                                        Bangui le 24 juin 2003

                                A son Excellence Monsieur le Président de la République Centrafricaine,
                                Chef de l’Etat
                                Bangui

Excellence, Monsieur le Président de la République.

Je voudrais très respectueusement vous renouveler l’expression de ma gratitude pour l’audience que vous avez bien voulu m’accorder le 20 juin 2003, en dépit de vos lourdes charges.

Cet acte, qui m’honore, m’a permis d’apprécier vos hautes qualités d’Officier général et d’homme d’Etat, car l’une et l’autre disent vérité.

J’ai été aussi très sensible à l’allusion faite par votre Excellence aux actions que j’ai menées à la tête de l’institution parlementaire, en vue de parvenir à la résolution paisible des différentes crises qui ont secoué notre pays.

Que Dieu Tout-Puissant continue de vous inspirer la sagesse nécessaire à la prise des décisions pour le bon devenir de notre cher et beau pays.

Excellence, Monsieur le Président de la République. Au cours de cette audience, j’ai été également très honoré de votre proposition, très responsable après l’analyse approfondie de la situation socio-politique et économique actuelle de notre pays.

A vrai dire, très humblement et très respectueusement, je vous aurais certainement assuré de ma totale et entière disponibilité pour contribuer à la réussite de la délicate mission que vous vous êtes assignée, si cette offre généreuse m’avait été faite dès le départ. Je vous aurais certainement formulé des avis utiles à l’élaboration et à la promulgation des différents actes constitutionnels portant sur l’organisation provisoire des pouvoirs de l’Etat et la mise en place des organes de transition. La philosophie des actes relatifs à l’organisation de la transition aurait pu être fondamentalement basée sur des précautions et des principes nécessaires menant à une vie politique apaisée jusqu’au retour à l’ordre constitutionnel.

Or, aujourd’hui, les grandes décisions relatives à la transition sont prises : la réorganisation de l’administration s’est faite au mépris des principes maintes fois réaffirmés par votre Excellence, à savoir la gestion consensuelle de la transition, le dialogue et de la réconciliation nationale, ainsi que votre volonté de n’engager aucune chasse aux sorcières.

En effet, Monsieur le Président de la République, l’administration territoriale, les départements ministériels et les sociétés d’Etat et d’économie mixte ont été systématiquement épurés des cadres du MLPC et autres formations politiques de la majorité ayant servi sous l’ancien régime, sans considération de leurs valeurs intrinsèques. Ces situations ne militent pas en faveur de la cohésion nationale puisqu’elles excluent de la gestion du pays une frange importante de la population et du coup, une élite désireuse de mettre à contribution son génie pour le renouveau national.

Dans ces conditions, je me trouve dans la pénible obligation morale de décliner cette offre, car en acceptant de servir à vos côtés comme conseiller, j’aurai placé par trahison ma conscience dans une position inconfortable vis-à-vis de mon parti et même du peuple. C’est pourquoi je prierais votre Excellence de bien vouloir comprendre cette position et d’accepter que je ne puisse accéder à son offre.

J’ai informé mes camarades, membres du Bureau Exécutif qui n’ont pas désavoué cette décision.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, l’expression de ma très haute et déférente considération.

                                                                    Luc Apollinaire Dondon Konamabaye

Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 16