Les deux jours (5-6 décembre 03) marqués par un lynchage et des assassinats à Bangui
Bangui des zones populaires est en effervescence. L'assassinat du lieutenant centrafricain Patrick Assombélé par un militaire tchadien met le feu à la poudre: les habitants des quartiers situés le long de l'avenue du Lieutenant Koudoukou (Miskine, Malimaka, Mustapha, Ngou-ciment, KM5) en colère, érigent des barricades et s'attaquent aux établissements des commerçants des environs.
Après l'euphorie de "libération", les centrafricains de la capitale et de province doivent vivre des cauchemars. Les viols, les arrestations, les humiliations, les raquettes, les tueries semblent se perpétuer. Ici, des crimes à l'arme blanche, là, des armes à feu, des bastonnades, des mises à mort. Les officiers supérieurs de l'armée nationale subissent aussi une autre forme d'humiliation : les "libérateurrs clament tout haut que François Bozizé seul peut leur parler ou leur donner des ordres, mais en présence de celui-ci; ils vont le défier ou le narguer. Certains éléments, une fois récompensés (argent, véhicule) prendront le chemin en direction du nord de Bangui pour reviennent peu après.
Le climat de terreur qui règne à Bangui, sur les routes, dans les régionsconduit à s'interroger. Qu'en est-il des résolutions du Dialogue National sur la sécurité, la paix, la défense? Quand prendront fin ces crimes? Quand le centrafricain pourrait-il circuler librement, sans crainte d'être abattu ou molesté impunément. Autant de questions; et pourtant la centrafricaine et le centrafricain croient à un avenir plus serein.
Aujourd'hui, devant la flambée de violences, la montée de crimes, des groupes d'auto-défense s'organisent avec tout le risque de dérapages. Les gouvernants doivent-ils répondre et garantir la sécurité des citoyens, s'il n'est pas trop tard. L'escalade pousse à la guerre civile. Des tchadiens vont s'opposer aux centrafricains. Des centrafricains vont verser dans des règlements de comptes entre centrafricains et, les hyènes affamées profiteront des dépouilles. Les réflexes de destructions insensées vont refaire surface. Nu ne peut en douter, s'il n'y a pas de paix , de sécurité, il n'y aura pas de confiance, de reconstruction et d'investissement possibles: l'avenir du pays sera de fait hypothéqué pour longtemps.
Victor BISSENGUE (07 décembre 2003)
Une idée de la presse locale sur le sujet : ID+ et
AFP (Bangui)
I - De l'assassinat de trois (3) jeunes gens.
II - Lynchage à Bangui d'un ancien rebelle par les habitansts, samedi 6 décembre 2003
III - De l'assassinat du lieutenant Assombélé
I - De l'assassinat de trois (3) jeunes gens.
1) - ID+, des idées en plus ! 05/12/2003 - Trois jeunes vigiles tués par des militaires
I
D+ Bangui, 5 décembre 2003 - Trois jeunes vigiles, communément appelés auto-défenses par la population banguissoise, ont été retrouvés morts au cimetière de Ndrès dans la nuit du 2 au 3 décembre 2003, a constaté ID+.Selon les familles des victimes et plusieurs sources indépendantes, la « section Éclair » de la Section d'enquête de recherche et de Documentation (SERD), qui les aurait pris pour des braqueurs, serait responsable de leur mort.
« Ces enfants lâchement assassinés font partie des quarante jeunes volontaires du comité d'autodéfense du quartier Cattin Nord », a informé le chef du quartier, Gaston Bia-Dokolo, joint par ID+.
Selon plusieurs sources concordantes, les victimes, Serges Koaba (35 ans), Kévin Doyolo (22 ans) et Franky Legué (22 ans), faisaient partie des cinq vigiles désignés pour assurer la permanence dans la nuit du 2 au 3 décembre 2003. Ils ont repéré un homme sur une mobylette « en train de traverser le quartier à une heure assez avancée ». L'homme sur la mobylette, l'adjudant des douanes Arthur Roumo, « n'a pas obtempéré à l'interpellation de ces vigiles ». « Ces derniers l'ont pris pour un braqueur et ont tiré un balle dans la cuisse ».
Les forces régulières (CEMAC, OCRB et SERD) qui faisaient la patrouille ont entendu les coups de feu et se sont déportées vers le secteur. Les vigiles, confondus avec des braqueurs, seront embarqués. Deux d'entre eux, Christian Gregbo et Ajavon Nzebe, ont eu la vie sauve mais sont gravement blessés.
« Dans de pareils cas, on ne pouvait pas différencier un braqueur d'un autodéfense, surtout qu'ils étaient illégalement armés », a dit un militaire qui a requis l'anonymat. « Les éléments d'autodéfense doivent avoir un signe qui puisse les identifier », a-t-il ajouté.
Le Comité d'autodéfense de Cattin Nord a été créé à l'initiative d'un colonel des Eaux et Forêts, Nambou André Marie, pour protéger le quartier des braquages à répétition.
Les ministres Léa Doumta-Koyassoum (Ministre de la Famille, Affaires sociales et Solidarité nationale) et Yacinthe Wodobodé (Ministre du Commerce, Industrie et Promotion du secteur privé) se sont rendues jeudi chez les familles des victimes pour « leur présenter les condoléances du gouvernement et celles du président de la République ».
BANGUI, 5 déc 2003 (AFP) - 17h32 - Le gouvernement centrafricain a qualifié vendredi d'"acte ignoble et indigne d'un Etat de droit" l'exécution mercredi par les forces de l'ordre de trois jeunes gens, membres du comité d'autodéfense d'un quartier de Bangui.
"Le gouvernement de transition, sous la très haute autorité du chef de l'Etat, qui s'est assigné comme l'une des priorités de ses actions le respect et la protection des droits de l'homme, condamne avec force cet acte ignoble d'un Etat de droit", a déclaré le Premier ministre Abel Goumba.
"Des dispositions sont d'ores et déjà prises afin que les auteurs de ce crime crapuleux soient identifiés et jugés conformément à la loi", a assuré le chef du gouvernement.
"Le gouvernement, a-t-il dit, exprime ses condoléances les plus attristées aux familles des victimes et assure les blessés de sa sympathie pour les souffrances qu'ils endurent en ces moments difficiles".
M. Goumba a annoncé par ailleurs que "des dispositions seront prises, pour que ces compatriotes bénéficient d'obsèques à la hauteur de leur courage et de leur sens élevé de patriotisme".
Dans la nuit de mardi à mercredi, un braquage a mal tourné au quartier Cattin, dans le sud de Bangui. Les auteurs du braquage ont été pris en chasse par les membres du comité d'autodéfense du quartier. Les forces de l'ordre sont alors intervenues et ont bouclé le secteur, arrêtant tous les détenteurs d'armes.
Quatre jeunes hommes armés, membres du comité de quartier, ont ainsi été arrêtés. Les corps de trois d'entre eux, criblés de plusieurs balles et portant des traces de brûlures, ont été découverts mercredi soir dans un cimetière de Bangui.
Les habitants du quartier Cattin ont manifesté leur colère mercredi et jeudi devant les locaux de la gendarmerie. Ils ont marché vendredi jusqu'au Bureau de l'Organisation des Nations unies pour la Centrafrique (Bonuca) afin de réclamer justice.
En raison de l'insécurité qui persiste dans certains quartiers de Bangui, les habitants ont créé des groupes d'autodéfense.
BANGUI, 4 déc 3003 (AFP) - 18h23 - Les corps de trois jeunes gens, qui avaient été emmenés par les forces de l'ordre dans la nuit de mardi à mercredi, ont été retrouvés mercredi soir criblés de balles, a-t-on appris jeudi de source hospitalière et auprès de leurs proches.
"Les corps sauvagement criblés de balles ont été mutilés et portent notamment des traces de brûlures à certains endroits", a affirmé à l'AFP l'un des proches des victimes.
Ces jeunes gens appartenaient au comité d'autodéfense d'un quartier du sud de Bangui. Ils avaient été arrêtés, avec un quatrième, à la suite d'un échange de tirs d'armes automatiques entre les membres de leur comité et des braqueurs, dans la nuit de mardi à mercredi, a-t-on indiqué de même source.
Les quatre jeunes gens arrêtés ont été théoriquement conduits à la gendarmerie où les habitants mécontents sont venus réclamer leur libération. Mais les recherches engagées pour les retrouver sont demeurées vaines.
Mercredi soir, un coup de fil anonyme a signalé à un proche des disparus la présence, dans un cimetière au nord de la ville, de trois cadavres qui se sont avérés être ceux des jeunes gens recherchés.
Le quatrième jeune homme a eu la vie sauve grâce à des éléments de l'Office central de répression du banditisme (ORCB) qui l'ont récupéré à temps, a-t-on indiqué de ère, sans autre précision.
Aucune déclaration officielle n'a encore été faite sur cette affaire et, de source judiciaire, on attend un complément d'enquête avant de se prononcer.
De leur côté, les proches des victimes attribuent ces exécutions sommaires à la Section d'enquête de recherche et de documentation (SERD, police politique), dont certains éléments avaient été récemment sanctionnés après s'être rendus coupables du viol collectif d'une jeune femme fin octobre.
En raison de l'insécurité qui persiste dans certains quartiers de Bangui, les habitants ont créé des groupes d'autodéfense.
II - Lynchage à Bangui d'un ancien rebelle par les habitansts, samedi 6 décembre 2003
BANGUI, 6 déc 2003 (AFP) - 14h14 - Un ancien rebelle centrafricain ayant accompagné le président François Bozizé dans sa prise du pouvoir le 15 mars a été lynché samedi par des habitants des quartiers nord-ouest de Bangui qui l'accusaient d'avoir tué l'un d'eux dans la nuit, selon des témoins.
"Tout est parti d'une banale dispute entre la victime et des +libérateurs+" - nom donné à Bangui aux éléments issus des rangs de la rébellion ayant porté François Bozizé au pouvoir -, dont l'un a poignardé la victime, qui est morte à l'hôpital, ont raconté des témoins à l'AFP.
"Très tôt samedi matin, ont rapporté des témoins, les jeunes du quartier de la victime ont attaqué le domicile du meurtrier" présumé et l'ont battu à mort, blessant également grièvement un de ses camarades, ont-ils poursuivi.
Ces incidents ont suscité une forte tension dans ces quartiers, où des manifestants ont bloqué pendant plusieurs heures la circulation sur au moins deux grandes avenues de la capitale après avoir érigé des barricades, traduisant l'exaspération de la population devant le comportement des +libérateurs+ depuis leur entrée dans Bangui.
Les voies ont finalement été dégagées par les forces de l'ordre, appuyées par des éléments de la Cémac (Communauté économique et monétaire d'afrique centrale) dont environ 350 hommes sont déployés à Bangui depuis un an.
Ces incidents surviennent trois jours après les exécutions sommaires par des forces de l'ordre de trois jeunes gens membres d'un comité d'autodéfense d'un quartier sud de Bangui.
Le gouvernement centrafricain a qualifié vendredi ces exécutions d'"acte ignoble et indigne d'un Etat de droit".
La Ligue centrafricaine des droits de l'Homme (LCDH) avait dénoncé mi-novembre les exactions de certains ex-rebelles.
"Depuis des mois, certains éléments des forces de l'ordre, sous le prétexte d'être des +libérateurs+ ou des +patriotes+, et se sentant assurés d'une impunité totale, terrorisent la population, exercent des voies de fait, commettent des vols à mains armées et tuent", affirmait la LCDH.
III - De l'assassinat du lieutenant Assombélé :
1) - ID+, des idées en plus ! 06/12/2003 - Un officier centrafricain tué par des Zakawas
Un officier de l'armée centrafricaine, le lieutenant Patrick Assombélé, a été tué à coups de poignard par trois militaires de nationalité tchadienne dans la nuit du 5 décembre 2003, a appris ID+ le samedi 6 décembre.Selon la famille, le lieutenant Patrick Assombélé du Bataillon Mixte d'Intervention et d'Appui (BMIA), détenteur du débit de boissons Las Palmas au quartier Ngou-Ciment, s'apprêtait à fermer son établissement lorsque trois militaires « Zakawas », ses clients, ont voulu l'en empêcher. Une altercation s'en est suivie et un des militaires tchadiens a sorti son couteau et a poignardé l'officier centrafricain.
La population a aussitôt réagi en abattant deux des trois militaires. Le troisième a réussi à s'échapper et s'est réfugié chez un officier tchadien au quartier Malimaka, à quelques mètres du domicile du Premier ministre Abel Goumba. La population qui voulait en finir avec ce « criminel » en a été empêchée par les forces de sécurité centrafricaines et les forces tchadiennes de la Cémac.
Les habitants des quartiers Ngou-ciment, Malimaka et Miskine ont barricadé, samedi, l'avenue Koudoukou, empêchant ainsi la circulation des véhicules. Ils ont en suite noué des feuilles de palmier autour des réverbères en signe de deuil.
2) - Les autorités centrafricaines condamnent le meurtre d'un officier
BANGUI, 7 déc 2003 (AFP) - 12h03 - Les autorités centrafricaines condamnent le meurtre d'un officier de gendarmerie, tué dans la nuit de vendredi à samedi alors qu'il tentait de s'interposer dans une dispute, a déclaré samedi soir à la radio nationale le porte-parole du gouvernement.
"Le président de la République, le Premier ministre et le gouvernement de transition, condamnent avec la dernière énergie cet acte ignoble et odieux", a affirmé le lieutenant-colonel Parfait M'baye.
Un lieutenant de gendarmerie, propriétaire d'un bar, a été poignardé à mort par l'un de ses clients, un homme en tenue qui serait selon les habitants un "libérateur", qualificatif donné aux ex-rebelles ayant accompagné le général François Bozizé dans sa marche vers Bangui.
"Les auteurs de cet acte seront recherchés, arrêtés, et traduits en justice", a assuré M. M'baye.
Le décès du lieutenant de gendarmerie a provoqué une vive tension dans les quartiers Miskine et Malimaka, au nord-ouest de Bangui, où des jeunes ont battu à mort samedi matin une personne soupçonnée d'être l'auteur du meurtre et grièvement blessé un de ses compagnons. Les jeunes ont également érigé des barricades sur la voie publique avant d'être dispersés par les forces de l'ordre.
"Depuis le 15 mars 2003 (ndlr: date de la prise de pouvoir du général Bozizé) le peuple centrafricain a adopté comme mode de règlement de tout différend, l'approche consensuelle, pacifique, et non violente", a affirmé M. M'baye, appelant la population "à garder son calme et à éviter de tomber dans la manipulation et la récupération des nostalgiques des périodes révolues".