LIBREVILLE, 2 sept 2003 (AFP) - 9h16 - Le président centrafricain déchu Ange-Félix Patassé et son tombeur, le général François Bozizé, s'affrontent désormais sur le terrain judiciaire en s'accusant mutuellement de "crimes de guerre".
La guerre des plaintes fait rage depuis quelques jours entre les deux frères ennemis, presque six mois après le coup d'Etat victorieux du général Bozizé, le 15 mars dernier, au terme d'une longue confrontation militaire.
Se renvoyant à la figure les exactions infligées aux populations entre novembre 2001, date de l'entrée en rébellion de M. Bozizé, et les événements de mars 2003, les deux camps ont promis de recourir à l'arme absolue: la saisine de la naissante Cour pénale internationale (CPI), propulsée arbitre impartial du sang versé lors de cette lutte fratricide.
Ce regain de tension intervient à quelques jours de l'ouverture à Bangui d'un Dialogue national, prévu du 11 au 20 septembre, dont M. Patassé, exilé au Togo, a été exclu courant août par le Conseil national de transition (CNT) mis en place par le nouveau régime.
Cette grand messe de réconciliation, comme la République centrafricaine (RCA) en a déjà connu après les trois mutineries militaires de 1996-97, est censée éradiquer les germes de division qui ont plongé ce pays dans un état de crise politico-militaire permanente, et accéléré sa ruine.
François Bozizé, à la tête d'un régime de transition, à officiellement tiré la première salve judiciaire. Le 26 août, le procureur de Bangui a annoncé le lancement d'un mandat d'arrêt international contre M. Patassé, accusé en rafale de "crimes de guerre, assassinats, viols, intelligence avec une puissance étrangère, détournement de fonds", etc.
La riposte a fusé mardi depuis Paris, où le porte-parole de M. Patassé, Prosper N'Douba, a annoncé qu'une plainte en date du 5 août venait d'être adressée au parquet de Bangui "contre M. Bozizé et ses complices".
Les incriminations pénales retenues par le camp Patassé sont identiques à celles qu'on lui impute. Mais les deux plaintes se fondent sur des faits distincts.
La justice centrafricaine accuse M. Patassé d'exactions commises contre des civils centrafricains et tchadiens à Bangui par les forces loyalistes, lors de la répression du premier coup d'Etat manqué du général Bozizé, le 25 octobre
La plainte de M. Patassé, dont l'entourage assure qu'elle est antérieure à celle du procureur de Bangui, accuse de son côté M. Bozizé de massacres de civils du nord de la RCA, longtemps sous le contrôle de son ex-rébellion.
Cette guerre judiciaire des chefs n'est de toute évidence pas dénuée d'arrière-pensées politiques.
Depuis Lomé, M. Patassé n'en démord pas: il se considère toujours comme la seule autorité "légale et légitime" du pays face aux "putschistes terroristes". Et il caresse l'idée de rentrer un jour en patron dans ce pays d'Afrique centrale de 3,7 millions d'habitants.
Selon le porte-parole de M. Patassé, les poursuites judiciaires lancées par Bangui ne visent qu'à l'empêcher de prendre part au Dialogue national dont il ne restera dès lors qu'une "coquille vide".
"C'est vrai que le président Bozizé base son action sur le consensus et non sur l'exclusion", a reconnu le ministre centrafricain des Affaires étrangères, Karim Meckassoua, éminence grise du général Bozizé, lors d'un entretien téléphonique avec l'AFP.
"Mais la participation de M. Patassé au Dialogue national pose la question de savoir si sa présence peut apporter une contribution sereine et constructive à ce dialogue. Et franchement, nous ne le croyons pas", a ajouté le ministre.