BANGUI, 18 sept 2003 (AFP) - 14h17 - Faut-il interdire au chef de l'Etat centrafricain, le général François Bozizé, de briguer la présidence en 2004? Après un départ laborieux, le Dialogue national de réconciliation bruisse en coulisses d'un débat hautement sensible, a constaté l'AFP à Bangui.
Trois cent cinquante délégués répartis en six commissions tentent depuis lundi d'exorciser les démons qui ont plongé la Centrafrique dans un cycle de violences politico-militaires depuis 1996, et un état de ruine presque total.
Vieux renards de la politique locale, commerçantes, pasteurs, jeunes militants associatifs, militaires, juristes: ils sont venus des quatre coins du pays ou rentrés d'exil pour cette vaste "autothérapie" de groupe qui devrait se prolonger au moins jusqu'à fin septembre.
Le général Bozizé, à la tête d'un régime de transition depuis son coup d'Etat du 15 mars dernier, s'est retrouvé propulsé malgré lui au centre des conversations de couloirs, au risque de crisper les débats.
Certains délégués peu connus ont lancé un pavé dans la mare en suggérant que le Dialogue national vote une recommandation interdisant aux dirigeants de la transition de se présenter à l'élection présidentielle, promise fin 2004 par le nouvel homme fort de Bangui.
Le message est clair: après avoir "libéré" le pays du président Ange-Félix Patassé (1993-mars 2003) et rangé la maison Centrafrique, Bozizé et son Premier ministre, l'éternel opposant Abel Goumba, devraient rendre leur tablier pour faciliter une compétition électorale équitable.
Pour émaner de délégués inexpérimentés, la proposition n'en recueille pas moins l'assentiment tacite de certains acteurs clés de la politique locale.
"Je pense aussi comme eux. Ceux au pouvoir ne doivent pas se trouver en position d'utiliser les biens de l'Etat pour faire campagne", a déclaré à l'AFP Louis-Pierre Gamba, le vice-président du puissant Rassemblement démocratique centrafricain (RDC) de l'ex-président André Kolingba.
Les autorités n'ont pas réagi pour le moment. Mais, dans les couloirs du vaste palais de l'Assemblée nationale où se tiennent ces assises, on murmure que cette proposition a exaspéré certains membres du gouvernement.
D'autant qu'elle est venue se greffer sur la volonté exprimée par une majorité de participants pour que les recommandations qui seront votées en assemblée plénière à la fin du Dialogue revêtent un caractère "exécutoire".
Le président du bureau du Dialogue national, le pasteur Isaac Zokoué, avait lui-même émis ce voeu à l'ouverture des travaux.
C'est qu'au fil de leur histoire tourmentée, les Centrafricains ont acquis l'expérience de ces grands messes de réconciliation où tous s'accordent pour dénoncer tribalisme et corruption, avant de reprendre quelques mois plus tard la Kalachnikov.
Les dernières du genre, tenues après les mutineries militaires de 1996-97, avaient débouché sur une foule de proclamations d'intentions. La plupart sont restées au fond des tiroirs du président Patassé. Entre temps, la Centrafrique a été ensanglantée à quatre reprises.
M. Bozizé a jusqu'à présent affirmé qu'il ne se présenterait pas à la présidentielle de 2004. Sauf si, peut-être, le peuple le réclamait ardemment.
Nombre d'observateurs à Bangui affirment que son entourage le pousse fortement à concrétiser son coup de force par les urnes.
Quant au Premier ministre Goumba, les mêmes estiment qu'après avoir refusé tous les postes en 43 ans de carrière politique, cette figure historique pourrait bien se lancer dans l'arène malgré son âge avancé.
"Attention, ce Dialogue doit réconcilier les Centrafricains et non les diviser à nouveau avec des notions d'exclusion", mettait en garde mercredi soir, en marge des débats, le président du Forum pour la démocratie et la modernité (Fodem), Charles Massi, également membre du Coneil National de Transition (CNT).