BANGUI, 19 sept 2003 (AFP) - 14h37 - "Il faut mettre tous ces politiciens à la retraite": les jeunes délégués centrafricains au Dialogue national de réconciliation, qui se tient depuis lundi à Bangui, tapent sans ménagement sur une classe politique vieillissante dont les guerres de chefs ont conduit le pays à la banqueroute.
Issue du milieu associatif, ou à peine engagée dans la vie politique, la jeune garde centrafricaine fustige les mêmes dirigeants qui, depuis des décennies, ont dévoyé le pouvoir en une "mangeocratie" meurtrière et prédatrice.
"En Europe, les hommes politiques présentent des programmes pour créer des emplois. Ici, ils manipulent les chômeurs pour qu'ils fassent la guerre et pillent le pays au service de leur intérêt personnel", dénonce le président de l'Association des chômeurs centrafricains, Azouroute Joseph Cléopas.
Ce jeune administrateur en chômage longue durée est venu témoigner du ras-le-bol des "70% de laissés pour compte" de ce pays d'Afrique centrale de 3,7 millions d'habitants, miné par d'incessantes crises politico-militaires depuis 1996.
"Quand les travailleurs centrafricains sont mécontents, ils se mettent en grève. Les militaires prennent les armes. Les chômeurs pillent. Il est temps qu'on en sorte pour reconstruire ce pays et donner du travail aux jeunes", résume-t-il.
Le verbe mordant, le regard vif, impeccable dans son costume à rayures bleu marine, Crépin Mboli-Goumba, 32 ans, est rentré des Etats-Unis, où il vient d'achever ses études d'avocat, pour participer au Dialogue et créer un nouveau parti politique, le Patrie, composé de jeunes cadres trentenaires.
Il jette un regard désabusé sur les travées de la commission "politique et diplomatie", où des têtes grisonnsantes planchent sur des projets de révision de la Constitution ou du code électoral.
"Cette salle n'est pas représentative de la société. Ce sont les mêmes qui ont échoué pendant 43 ans qui se retrouvent ici pour étouffer toute velléité d'inventaire des jeunes générations", lance-t-il.
Cet ancien syndicaliste étudiant, farouchement opposé au régime déchu du président Ange-Félix Patassé, fustige la "médiocrité" d'hommes politiques "inrecyclables", qu'"une intelligence sans courage a conduit à la lâcheté".
"Ils sont tous demandeurs de postes. Aucun n'ose dénoncer l'insoutenable présence militaire tchadienne" en RCA depuis le coup d'Etat du général François Bozizé, le 15 mars dernier, lance-t-il.
Admirateur de longue date du doyen de la vie politique centrafricaine, le Premier ministre Abel Goumba, qui a fêté jeudi ses 77 ans, Crépin Mboli-Goumba a refusé de rejoindre son parti après le changement de mars dernier, préférant voler de ses propres ailes.
"Les choses se divisent en deux: ceux qui ont échoué et ceux qui veulent maintenant diriger", ajoute l'ambiteux avocat, qui dit vouloir "contribuer par du concret, par le débat d'idées, à gommer le sous-développement du pays, ne serait-ce que par rapport aux autres pays africains".
Quelques minutes plus tard, un autre jeune délégué, de la diaspora centrafricaine en France, claque furieusement la porte de sa commission en assénant: "J'en ai marre, ce sont tous des cons". Il réclamait qu'on lui dise pourquoi la Constitution interdit de se présenter à la présidence avant l'âge de 35 ans.
Benoît Likiti, chef d'un parti centriste, l'UDRP, déjà vieux routier de la politique centrafricaine, reconnaît que les éternels rivaux de la vie politique nationale comme Abel Goumba ou les ex-présidents André Kolingba, 66 ans, David Dacko, 73 ans, et Patassé, 67 ans, n'ont pas préparé la relève.
"Il n'y a pas d'héritage, pas de succession", constate-t-il. Ils veulent +manger+ jusqu'à la mort, et après eux le déluge".