Dossier spécial sur le désarmement, la démobilisation et la réintégration des anciens combattants - Volet 1 : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
BANGUI, le 9 décembre Nations Unies(IRIN)
- [Ce dossier sur la République centrafricaine est le premier article d'une série de six
études sur l'état de la Démobilisation, du Désarmement et de la Réintégration (DDR)
des anciens groupes de combattants dans la société civile, dans la région des Grands
Lacs. Le prochain rapport concernera le processus de DDR au Burundi. Il sera publié le
lundi 15 décembre sur : http://www.irinnews.org ]
Après plusieurs années de troubles civils, la République centrafricaine connaît,
depuis mars 2003, une période de relative accalmie.
Ce nouveau contexte a permis au gouvernement transitoire de François Bozizé de mettre en
uvre un processus de démobilisation, de désarmement et de réintégration visant
à incorporer aussi bien les anciens combattants rebelles que les soldats de lancien
gouvernement.
La période dagitation qua traversée la RCA a provoqué une augmentation du
nombre darmes en circulation, souvent utilisées pour des règlements de comptes.
Lorsque M. Bozizé, ancien chef détat-major des forces armées, a pris le pouvoir
le 15 mars dernier, renversant le président Ange-Félix Patassé au terme de six mois de
rébellion, il a fait vu de désarmer et de démobiliser lensemble des
combattants armés avant le lancement du processus électoral démocratique prévu
mi-2004.
Cette opération est menée par les soldats tchadiens - arrivés dans le pays après le
coup d'état de M. Bozize pour l'aider à restaurer le calme - et les membres de la
Communauté économique et monétaire des Etats de l Afrique centrale, la CEMAC, qui
avaient déjà tenté de débarrasser la capitale Bangui, de toutes armes ayant appartenu
aux anciens soldats de M. Bozizé (également appelés « libérateurs »), ainsi que
celles de l'ancienne armée centrafricaine.
Cependant, bon nombre de « libérateurs » avaient échappé à ce premier coup de filet,
notamment ceux dorigine tchadienne. Ils avaient ensuite rejoint des malfaiteurs et
des voleurs de bétail dans les endroits reculés du nord du pays et qui continuent de
circuler dans la région. Par ailleurs, on a constaté une forte recrudescence des vols à
main armée et du pillage de bétail par des bandits détenant des armes modernes. En
outre, les miliciens pro-Patassé seraient également armés. Or, les troupes de la CEMAC
nont pas, jusquà présent, été en mesure de neutraliser ces bandes en
raison dun accès difficile, les routes rendues impraticables par la pluie et les
ponts coupés empêchant le déploiement des troupes.
Plus rompus aux terrains difficiles que les troupes de larmée régulière, les
malfaiteurs ont lancé des attaques contre les troupes de la CEMAC. En juin, une unité de
la CEMAC est tombée dans une embuscade dans la ville orientale de Bambari, à 384 km au
nord de Bangui. Dans un mémorandum adressé à une délégation de lONU lors
dune visite en RCA en juin dernier, le gouvernement a indiqué que le processus de
désarmement se déroulerait en trois phases : informer et éduquer les anciens
combattants sur le désarmement et le désarmement volontaire ; récupérer
obligatoirement les armes à feu ; intenter une action en justice contre les détenteurs
récalcitrants darmes illégales. Dans le texte, le gouvernement précise quil
est plus favorable au désarmement volontaire mais quil nhésitera pas à
utiliser la force. Faute de contributions suffisantes de la part des bailleurs de fonds,
les trois phases de ce processus sont appliquées suivant les opportunités et pas
toujours selon trois étapes bien distinctes.
ARMES EN CIRCULATION
Par voie de conséquence, le désarmement des groupes armés devrait aussi tenir compte
des simples citoyens dans ce pays où abondent pistolets, fusils automatiques et
semi-automatiques, mitrailleuses ou grenades à tube.
Le général Xavier Yangongo qui a récemment présidé la Commission de la défense et de
la sécurité dans le cadre des pourparlers sur la réconciliation nationale, a confié le
4 octobre à IRIN que quelque 50 000 armes à feu sont en circulation illégale dans le
pays dont 30 000 vraisemblablement à Bangui.
Certaines de ces armes, a-t-il précisé, ont été volées dans des casernes militaires
au cours de la mutinerie de mai 2001 de lancien président André Kolingba et de la
rébellion armée de M. Bozizé en novembre de la même année. Dautres armes,
a-t-il indiqué, ont pénétré dans le pays en provenance de la République démocratique
du Congo, le sud du Soudan et le sud du Tchad, trois Etats également en butte à la
rébellion armée.
La plus grande partie de ces armes sont aujourdhui aux mains des miliciens de
Patassé, de malfaiteurs ou déleveurs de bétail. Un autre fait préoccupant : la
quantité importante darmes détenues par de simples citoyens. Evoquant cette
situation lors des pourparlers de réconciliation du 14 octobre, M.Bozizé a insisté sur
la nécessité de régler le problème des armes cachées dans les maisons, les fermes ou
les puits. Au lendemain de cette déclaration, les forces de sécurité ont saisi 19
fusils AK-47 et 3 957 cartouches dans le quartier de Sambo de Bangui. Les armes ont été
découvertes dans des barriques dhuile de palme à bord dun camion de
livraison en partance pour le nord du pays.
DEMOBILISATION
Après avoir saisi les armes des groupes armés, il faut démobiliser les anciens
combattants. Le 26 septembre, le premier ministre Abel Goumba a annoncé la création
dun comité interministériel, qui en collaboration avec la CEMAC, pourra identifier
tous les anciens combattants de M. Bozizé en vue de les démobiliser ou de les intégrer
dans larmée.
Quatre jours plus tard, le Secrétaire dEtat pour la réforme armée et le
désarmement, le colonel Jules Wande, a déclaré à une délégation de la Banque
mondiale-CE, en visite dans le pays, quil restait 6 500 anciens combattants et
miliciens à désarmer.
Parmi ces hommes, figurent dex-combattants de M. Bozizé, danciens mutins de
larmée ainsi que les groupes de milice du nord favorables à Patassé, les Karaco,
Saraoui et Balawa.
Sous linitiative du colonel Wande, les combattants malades ou handicappés ont
commencé à se démobiliser à partir du 8 octobre. Le 11 janvier 2004, le ministre de la
défense commencera à retirer tous ceux qui sont prêts à entreprendre des occupations
civiles. Finalement, une nouvelle opération de recrutement militaire au sein de
tous les groupes ethniques du pays sera lancée dans la seconde moitié de 2004.
Mais le gouvernement - qui emploie 7 617 soldats, gendarmes et policiers na
pas encore révélé le nombre de combattants quil est prêt à faire entrer au sein
de ses services de sécurité et de défense. Le gouvernement a lancé un appel de fonds
pour laider à remplir cet objectif.
Le besoin de désarmer et de démobiliser danciens combattants apparaît évident,
ce qui lest moins cest de trouver les fonds pour le lancement du processus.
Dans un mémorandum adressé à une délégation de lONU en visite, le gouvernement
indique que cette initiative ne coûterait pas moins de 650 millions de francs CFA (1,83
million de dollars). A ce jour, aucun donateur na annoncé son intention de soutenir
ce processus qui serait appliqué conjointement avec la force de la CEMAC et les
troupes françaises en RCA.
REINTEGRATION
Une fois démobilisés, les anciens combattants doivent être réintégrés dans la
société militaire ou civile. Certains des hommes de M. Bozizé, un millier au total, ont
été désarmés et sont aujourdhui formés dans des camps militaires en RCA ou au
Tchad. Au mois daoût, 362 dentre-eux ont été intégrés dans larmée
après avoir suivi une formation de base pendant deux mois. Mais la lenteur du processus a
irrité quelques combattants ; en signe de protestation, une centaine dentre-eux
ont, le 18 octobre, bloqué la circulation dans une banlieue nord de Bangui pendant
plusieurs heures.
« Nous voulons que le général [Bozizé] honore sa promesse de nous envoyer dans des
centres dentraînement avant notre intégration, » a déclaré à IRIN, lun
des grévistes, sous couvert danonymat.
Pendant sa rébellion, M. Bozizé a recruté un grand nombre dadolescents âgés de
15 à 16 ans. Les recrues totalement indisciplinées et nayant reçu aucune
formation militaire se sont livrées à de nombreux actes de pillage et de violations des
droits de lhomme au lendemain du coup dEtat.
Plus réussie fut la réintégration dau moins 800 anciens soldats de la RCA, issus
notamment du groupe ethnique de Kolingba, les Yakoma. Ils avaient fui avec lui en juin
2001, après léchec de leur tentative de putsch pour renverser M. Patassé. La
plupart dentre-eux avaient également participé aux mutineries de 1996-97. Mais à
la suite de lamnistie générale accordée à tous les responsables du putsch de
mai, linstance gouvernementale responsable de surveiller le rapatriement des
réfugiés, la Commission nationale d'accueil des rapatriés a plaidé en faveur de leur
retour avec dautres réfugiés. Le 1er août, 275 anciens soldats sont rentrés du
Camp Bokilio, au nord-ouest de la RDC, bénéficiant de lappui des missions de
lONU en RDC et en RCA, respectivement la MONUC et la BONUCA.
Beaucoup dautres hommes avaient antérieurement rejoint la rébellion de M. Bozizé
ou étaient rentrés chez eux spontanément après sa victoire sur M. Patassé.
Daprès le décret présidentiel annonçant la formation de la CNAR en mai, les
soldats rapatriés devaient être réintégrés dans larmée après un examen
individuel.
Lintégration danciens mutins na pas été aussi rapide. Nicolas
Tiangaye, président du Conseil transitoire national, lorgane judiciaire de la
nation, a appelé le 4 septembre à laccélération du processus d
intégration des rapatriés dans larmée ou le service public. Il a ajouté
quils ont besoin de retrouver « leur stabilité sociale et professionnelle ».
« Jai attendu trois mois avant dêtre intégré dans le service public, » a
confié à IRIN Anicet Sollet, le commandant militaire qui avait dirigé la mutinerie de
novembre 1997.
M. Bozizé la nommé en août dernier responsable des tâches spéciales au
ministère de ladministration territoriale. M. Sollet figurait parmi les condamnés
à mort par contumace dans laffaire du coup dEtat de mai 2001. Il a déclaré
que lintégration des anciens mutins était retardée par « des difficultés
administratives », motivées par des considérations ethniques. Des équipes
interministérielles ont été mises en place pour effectuer l intégration
danciens mutins et danciens combattants de M. Bozizé dans l armée ou
le service public. Ces actions visent à éviter un sentiment de frustration parmi ces
éléments et ainsi de réduire les risques dune autre rébellion.
Un ancien combattant de M. Bozizé, Eric Mbelenga, 17 ans, a été intégré le 11 octobre
dans larmée de la RCA et promu au grade de sergent avec un salaire mensuel de
67,999 francs CFA (environ110 dollars).
Néanmoins, même les militaires réintégrés, tels que le Colonel Michel
Koyessa, un ancien mutin qui avait aussi participé au coup dEtat de M. Kolingba, se
sentent frustrés. Il a expliqué quaucun rapatrié na obtenu de position
militaire élevée au sein de larmée et que les anciens mutins ont de sérieux
doutes sur les véritables intentions du gouvernement. En outre, a-t-il indiqué, le
gouvernement na pas encore versé de salaires, plaçant les familles rapatriées
dans des situations très précaires.
Or, le ministre de la communication responsable du processus de réconciliation, le
colonel Parfait Mbaye, qui est aussi vice-président de la CNAR, a indiqué à IRIN le 22
octobre que 60 pour cent des 800 anciens mutins ont été intégrés soit dans
larmée soit dans le service public. Il a précisé que seuls les dossiers des
personnes qui sont rentrées de Bokilio au mois daoût nont pas encore été
examinés en totalité. Une aide est néanmoins attendue de la part du Programme de
développement des Nations Unies (PNUD).
LONU SOUTIENT LA FORMATION PROFESSIONNELLE POUR LES CIVILS DESARMES.
Le PNUD, par le biais du Programme national de désarmement, de démobilisation et de
réinsertion (PNDR), a lancé un programme de formation professionnelle en août à
lintention de 220 jeunes qui ont rendu leurs armes volontairement.
Le chef de ce programme, Harouna Dan Malam, a indiqué à IRIN que du 15 juin 2002 au 15
mars 2003, le PNDR a permis de récupérer 209 armes légères, trois mitrailleuses; 134
000 cartouches, 1 361 grenades, 27 obus de mortier, 54 roquettes et une mine
antipersonnel. Lensemble de ces armes a été brûlé le 25 juillet.
Harouna a indiqué que le PNDR, dont lautorité consiste à traiter la question des
civils en détention darmes illégales, a mis de côté 35 millions de francs CFA
(58 300 dollars) pour former 220 personnes désarmées à divers métiers : charpentiers,
mécaniciens, tailleurs et autres. Il a précisé que le PNDR disposait dune
enveloppe supplémentaire de 110 000 dollars pour acheter des outils à chaque stagiaire
lorsque leur formation de quatre mois sachèvera en décembre. Chaque stagiaire
recevra des outils et du matériel dune valeur de 500 dollars, lui permettant de
créer une nouvelle entreprise.
« Nous avons formé une coopérative qui ouvrira un garage à la fin de la formation »,
a expliqué Wilmer Nzia, 34 ans, un ancien combattant rebelle de M. Patassé.
Comme 52 autres personnes, Nzia suit une formation de mécanicien depuis le mois
daoût à lInstitut moderne des métiers spécialisés de Bangui.
Le président de lInstitut, Gyslain Zangas, a indiqué à IRIN que lécole
offre des formations délectricien, mais aussi des stages dans les domaines de
lélectronique, du génie civil et de la soudure. Un ancien combattant de Kolingba,
Mahamat Asseyanga-Ndouba, âgé de 40 ans et père de 10 enfants suit des cours pour
devenir électricien.
« Avec ma formation, je vais pouvoir ouvrir un atelier et nourrir ma famille, » a-t-il
indiqué.
Bon nombre dautres centres de formation professionnelle ont reçu danciens
combattants qui recevront des certificats daptitude à la fin de leur formation en
décembre.
« Ils pourront gagner de largent notamment sils forment des associations et
ouvrent des ateliers, » selon M. Zangas.
PROJET DE DEVELOPPEMENT DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE
Des consultations entre le gouvernement et ses partenaires notamment la Banque mondiale et
la CE sont en cours pour tenter dintégrer le PNDR dans le Programme multinational
de démobilisation et de réinsertion (PMDR) regroupant sept Etats de lAfrique
centrale.
« Nous sommes en train de clôturer lancien programme [PNDR ] qui pourra plus tard
être appliqué à dautres ex-combattants, » selon Harouna.
Il a précisé que cette fois-ci les miliciens Karaco, Saraoui et Balawa ainsi que
danciens rebelles participeront au programme. Harouna a fait savoir quune
rencontre dEtats du PMDR lAngola, le Burundi, la RCA, la République du
Congo, la RDC, le Rwanda et lOuganda prévue en novembre à Kinshasa,
examinerait la demande de la RCA pour participer au programme.
Une mission conjointe de la Banque mondiale et de la CE sest rendue en RCA début
octobre pour évoquer avec le gouvernement les besoins du pays.
N A T I O N S U N I E S
Bureau de Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA)
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