LES EN-DESSOUS DE L’AFFAIRE BICA (Banque Internationale pour le Centrafrique)

 Les intérêts particuliers, quelle que soit leur importance, doivent-ils passer avant l’intérêt général? La question est d’importance et appelle des éléments d’éclaircissement pour une meilleure compréhension de la situation. Mais allons pas à pas.

Un client a remis à la BICA un chèque de 128.000.000 de F CFA sur une banque étrangère. Le responsable des réseaux a émis un avis favorable pour l’escompte de ce chèque. La Directrice Générale par intérim a approuvé l’opération et les fonds ont été immédiatement décaissés.

Là où le bât blesse, c’est que l’escompte est une opération de crédit qui devrait nécessairement revêtir le visa du responsable des crédits comme il se doit. S’il avait été consulté, il aurait indubitablement fait remarquer que le compte de ce client est quasiment clôturé. Plus consternant, le chèque est non seulement faux mais falsifié. Du coup la BICA a fait une perte sèche de 128.000.000 de F CFA. Ici encore deux questions se posent : pourquoi l’avis du responsable des crédits n’a pas été sollicité et qui remboursera la BICA ?

 1ère anomalie

 

Un autre client, proche cette fois-ci de la gendarmerie et de la D.G p.i de la BICA, a déposé un ordre de virement d’un montant de 50.000.000 de F CFA sous une signature initiée. Le compte de ce client a été prématurément crédité au détriment du compte de la gendarmerie. Le client s’est servi, une autre partie des fonds est passée par le compte de la D.G. p.i et une autre encore par celui d’une proche relation de celle-ci. Il a fallu une contestation véhémente de la gendarmerie pour obliger la D.G.p.i à procéder au remboursement grâce à des opérations traitées de sa propre main. Ici également, trois questions se posent : le service de contrôle des signatures ne s’est-il pas aperçu de cette imitation grossière, où et comment la D.G.p.i a-t-elle rapidement trouvé une si importante somme et enfin la BICA est certes remboursée, mais le délit est consommé, qu’en disent nos magistrats et nos hommes de droit?

 2ème anomalie

 

La justice est saisie de ces deux affaires non pas par la D.G. p.i, ni par le président du Conseil d’Administration, seuls habilités tous les deux à ester en justice. Pourquoi avoir décerné des mandats de dépôts en l’absence de plaintes valables? Il est vrai que le ministre public peut se saisir d’office des infractions pénales et les poursuivre. Etait-ce le cas?Nos magistrats et nos hommes de droit, encore eux, nous le diront.

 3ème anomalie

 

Les arrestations qui s’en sont suivies ont secoué Bangui et particulièrement le milieu bancaire et celui des affaires. Les pressions de toutes parts, y compris des hautes autorités du pays, ont abouti à la remise en liberté de la D.G. p.i. Ces pratiques ont constitué ni plus ni moins des entraves à l’indépendance de la justice.

 4ème anomalie

 

Les hautes instances de la Banque Centrale ont pris une grave décision en suspendant la BICA du marché monétaire et en refoulant de leurs livres des opérations effectuées, semble-t-il, à cause des signatures non agréées par la COBAC, qui joue le rôle de la police du système bancaire. Les conséquences naturelles sont le rejet d’un montant de 830.000.000 de F CFA de la BICA et l’obligation pour elle de ne compter que sur ses propres efforts. Elle reçoit des fonds de ses clients extérieurs, mais ses concurrents sur place ne peuvent lui rétrocéder des fonds lui appartenant et transitant par leurs correspondants étrangers. En effet, ses concurrents commencent à subir les contrecoups de cette décision que nous qualifions de GRAVE .

N’y avait-il pas une autre possibilité tendant à préserver les intérêts de la BICA, cas reconnu par la COBAC comme préoccupant? Mais partant, la BEAC s’est-elle préoccupée de la fragilité de l’ensemble du système bancaire centrafricain?

 5ème anomalie

 

Selon des informations de sources concordantes, les autorités monétaires nationales s’abstiennent d’entamer la procédure d’agrément d’un nouveau D.G.p.i, pourtant nommé en urgence à l’unanimité des membres du Conseil d’Administration de la BICA. Elles tiennent plutôt à réinstaller l’ancienne D.G.p.i et lui ont déjà restitué de force les attributs de ses fonctions.

Qu’en est-il des compétences de ce Conseil d’Administration qui a suspendu son contrat pour sa participation à des faux et à l’usage de faux? Par ailleurs, ce même Conseil d’Administration ne doit-il pas sanctionner les pertes mises en évidence par la même COBAC? Selon le rapport de cette COBAC, les fonds propres de la BICA sont entièrement engloutis et sont présentés négatifs, d’où un besoin de nouvel apport d’argent frais. Son cas est devenu une priorité. Qui mettra la main à la poche et qui est responsable de ces pertes cumulées sur plusieurs exercices? Les autorités monétaires, ministères des Finances, BEAC et COBAC, cautionnent-elles aujourd’hui les malversations et les mauvaises gestions? 

6ème anomalie

 

La COBAC à Yaoundé a dépêché une mission à Bangui afin, nous dit-on, de sécuriser les opérations de la BICA qui manque désormais de signatures, puisque le Directeur Général et de la Directrice Générale Adjointe sont déclarés indisponibles. Le premier a quitté son poste depuis belle lurette et la seconde du fait de la justice. Ici aussi deux questions se posent : pourquoi la COBAC est-elle juge et partie et pourquoi menace-t-elle alors de s’en aller avant que la BICA ne trouve une solution durable à ses problèmes?

 7ème anomalie

 

Au total, les centrafricains et lecteurs peuvent donc constater que de bout en bout, de part en part, seules les questions de personnes, en particulier de la fameuse D.G.p.i, ont véritablement mobilisé les esprits et les énergies. Tous les coups portés n’ont contribué qu’à assommer la BICA, en tant que institution bancaire. Toutes les décisions, sans exception aucune, ne font que participer à son assassinat. Nul n’a songé à la sauver de la voie inexorable de la mort.

Le personnel est plongé dans une angoisse, les actionnaires et les déposants s’inquiètent pour leur mise. Le système bancaire se voit ébranler dans son ensemble. Tout cela pour sauver une personne qui n’est pas clairement au-dessus de tout soupçon. Pourquoi les pouvoirs publics s’impliquent-ils si grossièrement? Surtout à un moment où le Dialogue National, convoqué à l’initiative du premier Magistrat de la République, demande avec force aux nouvelles autorités de mettre définitivement un terme à l’impunité qui est l’une des causes fondamentales de la descente de notre pays aux enfers. En tout état de cause, personne, encore moins le Général François Bozizé et le Professeur Abel Goumba, ne saurait cautionner, ni tolérer que la BICA, l’une des vieilles banques de la place, soit détruite par les prédateurs impénitents. Ce qui aurait des conséquences dommageables tant au plan social qu’au plan économique. Aussi, le Conseil d’Administration de la BICA ainsi que toutes les autorités monétaires, à savoir, Ministère des Finances, BEAC et COBAC, doivent-ils prendre leur responsabilité pour sauver la BICA. La transparence et la rigueur, maîtres mots du Dialogue National, sont à ce prix. Affaire à suivre.

Jean Siopassa - Le Confident
(
25 octobre 2003)

Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 17