Le gouvernement centrafricain face à une économie en ruines
BANGUI, 26 sept 2003 (AFP) - 10h23 - Le pouvoir de transition en Centrafrique, confronté à une économie en ruine, éprouve des difficultés croissantes à payer les salaires et s'est résolu à tendre "la main du mendiant" pour assurer sa survie.
Le régime du général François Bozizé, auteur d'un coup d'Etat le 15 mars, se heurte aux réalités d'une économie réduite à néant par des années de crises militaires et de pillages, incapable d'alimenter les caisses de l'Etat.
En s'emparant du pouvoir, le général Bozizé s'était engagé à payer chaque mois "à terme échu" la solde des fonctionnaires. En contrepartie, il réclamait des Centrafricains: "du travail, rien que du travail".
Il a en gros tenu sa promesse, en partie grâce à des aides de la Chine et de pays amis d'Afrique centrale. Les agents de l'Etat, qui ont cumulé jusqu'à 36 mois d'arriérés de salaires sous les régimes précédents, ont été payés cinq mois de suite.
Mais les retards croissants constatés en août et septembre montrent que le gouvernement commence à "tirer le Lion par la queue", selon l'expression d'un journal local, pour réunir les modiques 3,5 milliards de francs CFAmillions d'euros) nécessaires au versement des salaires, pensions et bourses.
"Notre gros problème, c'est l'argent", confiait récemment à l'AFP le général Bozizé, plaidant "à tout prix" pour une aide d'urgence internationale, afin de mener à bien sa transition.
La communauté internationale, qui avait condamné le coup d'Etat de mars, semble s'accoutumer peu à peu au nouveau pouvoir de Bangui, comme en témoigne l'invitation de M. Bozizé à l'Assemblée générale de l'ONU à New York. Mais elle conditionne toujours son aide au retour à la légalité constitutionnelle.
Le gouvernement centrafricain pourra-t-il tenir jusqu'au élections législatives et présidentielles pluralistes annoncées pour fin 2004 et les financer? Rien n'est moins sûr.
"Le peu que nous avions comme tissu économique national a été cassé et pillé" pendant les événements d'octobre 2002 à 15 mars 2003, explique Marcel Djimassé, ministre, directeur de cabinet du Premier ministre Abel Goumba.
"Aujourd'hui, les sociétés ayant pignon sur rue, une comptabilité à peu près correcte et pouvant contribuer à l'impôt se comptent sur les doigts d'une main. On se retrouve avec des sociétés opaques tenues par des Libanais", ajoute-t-il. "On a tué la poules aux oeufs d'or", résume un responsable du Trésor.
Le gouvernement précédent, également aux abois, avait perçu des avances sur impôt de sociétés, courant jusqu'au premier trimestre 2004 inclus. "C'est l'Etat qui doit de l'argent aux sociétés", souligne M. Djimassé.
S'ajoute "la culture de gain facile" qui s'est répandue depuis une vingtaine d'années le long du cordon douanier de ce pays producteur de bois tropicaux et de diamant. La corruption mine aussi le Trésor public.
Résultat: le taux de recouvrement fiscalo-douanier de la RCA plafonne entre seulement 3 et 4% du PIB national, sûrement proche du record négatif mondial.
Le Premier ministre et ministre des Finances, Abel Goumba, 77 ans, surnommé "mains propres", tente de faire le ménage.
Il a institué des réunions tri-hebdomadaires avec les chefs des régies financières, menacés cette semaine de limogeage dans les deux mois s'ils n'amélioraient pas leurs résultats. Aucun décaissement n'est autorisé sans sa signature personnelle.
Le gouvernement a également organisé des état généraux du bois et du diamant pour tenter d'assainir ces secteurs. Mais les résultats espérés ne pourront pas se faire sentir avant plusieurs mois.
Les autorités de Bangui attendent avec angoisse, fin octobre ou début novembre, la réponse de l'Union européenne (UE) au dernier rapport qu'elle lui ont adressé, en vue d'une reprise de la coopération.