Insécurité en Centrafrique. Qui en sont les auteurs?

 

Le Général Kolingba avait orchestré des mutineries pour déstabiliser le régime de Patassé; puis avec le soutien de la grande majorité de l’armée centrafricaine qui lui était resté loyale, il avait ourdi un coup d’état pour reprendre le pouvoir à Patassé. Lorsque cette armée qui avait rassemblé près de 5.000 hommes sous le régime Kolingba, était entrée en rébellion et avait soutenu le coup d’état manqué de Kolingba, la majorité des officiers, sous-officiers et hommes de troupe yakomas et sangos s’était réfugiée à Zongo.  L’on avait alors dû se rendre à l’évidence que ce qui restait de l’armée centrafricaine n’en était plus une.  Et cette observation était le résultat de la pratique d’une politique de recrutement tribaliste en vigueur au sein d’une armée qui se voulait nationale. Puis des soldats libyens et les hommes de la rébellion congolaise de Jean-Pierre Bemba étaient arrivés à Bangui pour protéger le régime de Patassé.  Autour de cette époque, le Général Bozizé avait aliéné des soldats centrafricains en leur faisant reluire la promesse de nouveaux galons. Au cours de sa campagne pour renverser Patassé et prendre le pouvoir à Bangui, le Général Bozizé avait également recruté des hommes d’origine tchadienne, issus des différentes rébellions armées dans ce pays ami, et qui ne savaient plus pour quelles causes ils se battaient.  Enfin entre deux rebellions ceux-ci pouvaient offrir leurs services pour de la monnaie sonnante et trébuchante. Le Général Bozizé leur avait fait miroiter les gains que ces hommes récolteraient et qui étaient ce que l’ont sait aujourd’hui, à savoir intimidation de la population, passages à tabac de gendarmes, humiliation des autorités civiles et religieuses, réquisitions illégales de biens, vols à main armée, agressions, meurtres, etc.  A tel point que tout le territoire (Bangui et plusieurs villes et bourgades de l’arrière pays) serait sous la coupe de groupes d’individus, armés, qui font leurs lois.  Pensez vous que Patassé et le MLPC, Kolingba et Bozizé aient une part quelconque de responsabilité dans  toute cette situation?  Je vous laisse toute la latitude pour apporter vous-même la réponse à cette question importante.

 

Hier, le Général Kolingba n’avait pas hésité un seul instant à envoyer des troupes de l’armée régulière donner la chasse au Général Mbaïkoua, brûler des villages et tuer des innocents dans la région au nord de Bossangoa.  Hier également, le Général Kolingba s’était refusé à envoyer ces mêmes troupes pour limoger les zaraguinas qui faisaient régner la terreur dans les régions du nord du pays.  Saviez-vous pourquoi?  C’était que ses troupes d’élite étaient constituées en majorité des membres de la tribu yakoma et que celui-ci avait estimé qu’il n’était point question d’envoyer ses songo-mbis, traduisez “parents”, se battre pour une cause qui n’était pas sienne.  La sécurité dans le nord du pays?  Mais, ce nord n’est-il pas beaucoup trop loin de Bangui et du pays yakoma?  C’était certainement ce qu’il devrait se dire.  Il avait dû volontairement oublier ses leçons de géographie de la Centrafrique.

 

Voici donc en bref la description du patriotisme et de l’héroïsme des généraux issus de l’armée centrafricaine.  Ils ont chacun participer à la destruction de la structure de l’armée centrafricaine, en semant les graines du tribalisme et du régionalisme, en diluant la morale des troupes, et, en abdiquant devant leur rôle de véritable nationaliste que le peuple attendait de ses généraux. Par la faute du Maréchal Bokassa, des Généraux Kolingba et Bozizé, l’armée centrafricaine était devenue une milice destinée à intimider une population innocente, à fomenter des coups d’état, à parader et à ignorer le véritable visage des ennemis de la Centrafrique.  Mais où est donc cette armée dont les généraux sont si fiers, dont ils prétendent être les chefs, et, qui devrait protéger l’intégrité du territoire et assurer la sécurité des citoyens?  Si le Général Bozizé et ses hommes étaient bien entrés à Bangui le 15 mars, celui-ci devrait bien être capable de sortir de sa manche une de ses stratégies pour chasser définitivement ces envahisseurs qui écument les régions, et pour ramener la sécurité dans tout le pays.  N’est-ce pas là le rôle véritable de l’armée nationale?  La stratégie n’est pas d’exiger que le policiers et le gendarmes regagnent leurs postes d’affectation avec femmes et enfants et sans salaires. C’est un exemple des vestiges ou méthodes héritées de l’administration coloniale, qui sont inefficaces. Les bastonnades de policiers et de gendarmes dans certaines villes de l’intérieur sont l’exemple que cette stratégie n’est pas recommandable dans ce contexte, surtout si ceux-ci n’ont pas les moyens pour assurer leurs propres sécurités. Comment assureraient-ils donc la sécurité des populations civiles et l’ordre dans les villes de l’intérieur, s’ils n’ont ni radio-portable, ni véhicule de transport, et n’ont que les MAS-36 de la dernière guerre mondiale avec quelques munitions?  La stratégie bien pensée aurait plutôt été que Bozizé mobilise une troupe d’intervention qui serait formée de policiers, de gendarmes, de garde-chasses, de douaniers et de soldats réguliers, tirés sur le volet, et, qu’avec les autres généraux et colonels de l’armée régulière, ils conduisent ensemble ces hommes dans des actions de commandos pour libérer les villages, les centres administratifs, et les régions de ces bandits et autres envahisseurs.  Ce sera seulement lorsqu’une ville ou une région aura été définitivement libérée que l’on parlerait alors de la mise en place d’un poste de police ou d’une brigade de gendarmerie dont les éléments armés seraient chargés de continuer d’assurer la sûreté et la sécurité de la population. C’est une approche de ce genre qui devrait être de cours pour attaquer de front et efficacement les réalités et problèmes de la Centrafrique; approche innovatrice dont certains aspects pourraient tout à fait être discutés puis modifiés. C’est ce que le Général Bozizé devrait faire, conduire cette troupe pour la libération réelle du territoire.  C’est cela être le général d’une armée qui se voudrait nationale.  C’est cela le rôle du chef suprême de l’armée que le Général Bozizé prétend assumer.  Le Général Bozizé avait-il délibérément oublié de mentionner dans ses édits constitutionnels qu’un des rôles du chef de l’état était aussi celui de lever les armées nécessaires pour la défense du territoire?  Peut-être que ce message devrait le lui rappeler s’il en avait fait l’omission et lui demander de rapidement amender ses actes constitutionnels et agir, avant que la Centrafrique ne devienne le champ d’une autre véritable guerre civile ou d’une guérilla, à l’exemple de ce qui se passe dans de nombreux pays africains, et, qui est fort regrettable.

 

Si le Général Bozizé et le gouvernement du Premier Ministre Goumba ne considèrent pas la sécurisation de tout le territoire comme la priorité du moment, je dis bien la priorité, ils devraient tous démissionner et accepter la responsabilité devant l’histoire d’avoir trahi la Centrafrique, à savoir, tout le pays, les hommes, les femmes et les enfants compris. Devraient-ils continuer à parler des aspirations du peuple si celui-ci vit dans l’angoisse d’être braqué par des brigands, surtout si ces mêmes brigands prétendent maintenant être une force de libération en faveur d’un président renversé ou d’un parti politique quelconque?  Devrait-on continuer à parler de développement économique si le peuple ne peut pas vaquer librement à ses occupations?  Bozizé devrait rétablir le service militaire obligatoire et donner l’ordre à tous les ministres et autres conseillers de s’immatriculer dans l’armée nationale et les envoyer sur le front pour libérer la Centrafrique.  S’ils le font, ce sera la preuve ultime de ce patriotisme dont ils se réclament tous.  Je parie que tout le peuple centrafricain applaudirait et suivrait leur exemple pour la libération du pays. Si des hésitations il y a, alors le peuple comprendra pourquoi ces hommes, politiques, activistes, militaires et autres étaient arrivés au pouvoir à Bangui après le 15 mars 2003.

 

Jean-Didier Gaïna

Virginie, Etats-Unis d’Amérique

Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 17