BANGUI, 23 sept 2003 (AFP) - 12h16 - "J'ai l'impression que certains dans cette salle ne connaissent pas la Centrafrique. Il faut un calendrier électoral qui tienne compte des réalités climatiques", lance un délégué du Dialogue national.
Depuis huit jours, à Bangui, les quelque 60 délégués de la commission "politique et diplomatie" passent studieusement au crible toutes les carences du système politique centrafricain, dans une salle de l'Assemblée nationale.
Ils tentent d'élaborer des recommandations qu'ils soumettront dans les jours à venir aux sessions plénières de ces assises de réconciliation, destinées à mettre un terme aux crises militaires qui déchirent le pays depuis
Lundi, la saison des pluies, qui s'étale de mi-avril à mi-novembre, s'est imposée au centre des discussions comme arbitre du calendrier électoral.
D'un point de vue météorologique, de nombreux délégués jugent irréaliste le programme du régime de "transition consensuelle" du général François Bozizé, au pouvoir depuis son coup d'Etat du 15 mars dernier.
Ce calendrier, dont l'exécution conditionnera la reprise de la coopération de la communauté internationale avec la Centrafrique, prévoit un référendum constitutionnel en septembre 2004, suivi avant la fin de la même année d'élections législatives et municipales, puis d'une élection présidentielle.
Mais ce programme coïncide partiellement avec les déluges de pluies tropicales qui transforment les pistes de l'arrière-pays en bourbiers impraticables.
"En saison des pluies, qu'on me dise qui, dans la préfecture de Batangafo, prendra son vélo avec des urnes et des bulletins et traversera la rivière Ouham pour aller faire voter les villages reculés?", interroge un ancien député de cette localité du nord du pays.
"Moi, je ne sais pas bien nager et je suis très vieux", s'amuse à son tour Louis-Pierre Gamba, vice-président du Rassemblement démocratique centrafricain.
Leur collègue Charles Massi fait remarquer que le régime s'est engagé à respecter ce calendrier auprès des bailleurs de fonds. "En 1993, on a organisé une présidentielle en pleine saison des pluies, à la satisfaction générale", relève-t-il.
"Mais il y avait les avions de l'armée française qui avaient effectué 900 heures de vol" pour transporter les bulletins de vote, objecte un délégué. "Vous savez combien ça coûte 900 heures de vol? Va-t-on toujours demander des financements extérieurs?"
Un intervenant suggère que tout le calendrier électoral soit décalé. Ce qui repousserait l'élection présidentielle à mars 2005: "Bozizé a fait son coup d'Etat en mars, on peut bien voter en mars".
Plus tard, le débat se déplace sur l'intérêt de maintenir une Commission électorale indépendante: "conquête de l'opposition" pour les uns, "anomalie" pour ceux qui estiment que, "dans toute vraie démocratie, les élections dépendent du ministère de l'Intérieur".
On s'inquiète aussi du découpage électoral, trop favorable aux régions du nord pour certains délégués.
"Le principe de raison doit prévaloir", recommande l'ancien Premier ministre Jean-Paul Ngoupande, appelant à "des compromis nécessaires".
"Mais rien ne remplacera la bonne volonté des hommes à aller à des élections transparentes", prévient-il. "Si elles sont mal organisées, nous replongerons".