60e SESSION DE LA
COMMISSION DES DROITS DE L’HOMME DES NATIONS UNIES A GENEVE
DECLARATION DE MONSIEUR
THIERRY MALEYOMBO, HAUT COMMISSAIRE AUX
DROITS DE L’HOMME ET A LA BONNE GOUVERNANCE DE LA
REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE SUR LA SITUATION DES DROITS DE L’HOMME
Monsieur
le Président ;
Mesdames
et Messieurs ;
En
début du 3e verseau, où la Communauté internationale lutte
inlassablement pour un monde épris de paix et de justice, où les règles d’accès
au pouvoir sont clairement définies dans les instruments internationaux, vous
vous interrogez sans doute sur les raisons profondes d’un sursaut patriotique
intervenu dans mon pays, que d’aucuns qualifient de coup d’Etat.
Pour vous permettre de prendre la mesure de la situation de déshumanisation et de paupérisation du peuple centrafricain par un régime pourtant élu démocratiquement, permettez-moi de vous dresser un tableau sommaire du pays à la veille du changement du 15 mars 2003 et qui concerne entre autres :
·
le cumul chronique des arriérés de salaires de plus
de trente mois ayant entraîné la désorganisation de la société à tous les
niveaux de la vie ;
·
les arrestations arbitraires, viols,
séquestrations ;
·
crimes impunis ;
·
tribalisme et division du peuple ;
·
distribution d’armes aux milices et à une catégorie
de la population civile ;
·
une justice inexistante ;
Avec
le changement depuis un an, la situation des Droits de l’Homme a visiblement
évolué. Elle se traduit par des améliorations et avancées très significatives
au niveau :
·
le paiement plus ou moins régulier des salaires
malgré la situation économique et financière combien catastrophique héritée par
les nouvelles autorités a permis aux fonctionnaires de survivre. Cependant,
cette survie devient très précaire du fait de la non-reconnaissance du pays par
la communauté financière internationale ;
·
Des mesures d’apaisement telles que, la loi
d’amnistie ont permis le retour et la réintégration
des centrafricains exilés dans leurs corps socioprofessionnel.
·
le renforcement des forces de la Communauté
Economique et Monétaire d’Afrique Centrale avec la présence des troupes
françaises et les mesures draconiennes ont commencé à réduire sensiblement les
questions de sécurité tant à Bangui que dans l’arrière pays.
·
L’amorce de la restructuration des forces armées a
permis la renaissance de la confiance entre l’armée et le peuple en dépit des
actions isolées de certains éléments incontrôlés.
·
Le programme de démobilisation désarmement et
réinsertion mis en place par le gouvernement avec l’appui financier les Nations
Unies a permis de récupérer d’une part des milliers d’armes et munitions
distribuées par l’ancien régime et de réduire d’autre part le taux de braquage
ou vol à main armée dans le pays.
·
l’approche consensuelle adoptée par les nouvelles
autorités a conduit à la mise en place d’un Gouvernement de transition et d’un
Conseil National de Transition qui joue le rôle de parlement, regroupant toutes
les sensibilités y compris les minorités.
·
L’organisation d’un Dialogue National permettant la
réconciliation du peuple centrafricain
·
La mise en place d’un Comité de Suivi des Actes du
Dialogue National chargé de suivre et d’évaluer l’application des
recommandations issues dudit Dialogue.
·
Le déclenchement des actions en justice pour divers
crimes économiques et autres est un crédit pour la Transition.
·
les partis politiques, les syndicats et autres
mouvements associatifs continuent d’exercer librement leurs activités
·
les médias et les presses privées exercent leurs
activités en toute indépendance
·
les libertés d’aller et venir ne souffrent plus de
grandes restrictions.
Il
importe de mentionner, Mesdames et Messieurs, que les différents processus
électoraux sont déjà enclenchés, notamment la révision du code électoral, de la
constitution et de la liste électorale ainsi que la chartre des partis
politiques. Les échéances électorales sont également arrêtées pour les
présidentielles et les législatives en janvier 2005, cependant, le respect de
ce calendrier dépendra de l’appui substantiel de la communauté internationale
au processus en cours au regard des graves crises économiques que le pays
connaît à l’heure actuelle.
La
situation d’extrême exception marquée par la précarité économique fait que
chaque jour, tous les autres aspects des droits de l’Homme semblent être
violés :
·
le droit à l’éducation ;
·
le droit à la nourriture ;
·
le droit à un emploi ;
·
le droit à la santé ;
En
un mot, le droit à la vie cède déjà la place à des remous sociaux qui risquent
de remettre fondamentalement en cause la bonne volonté des autorités nationales
à faire des droits de l’Homme la priorité des actions de la Transition.
Il
sied également de souligner que le but ultime du changement étant l’Homme dans
toutes ses dimensions, le Président de la République, Chef de l’Etat, le
Général de Division François BOZIZE, a marqué d’un cachet particulier les
vertus des Droits de l’Homme en rattachant le Haut Commissariat aux Droits de
l’Homme et à la Bonne Gouvernance à la présidence afin de, veiller personnellement à la promotion, la
protection et la défense des Droits de l’Homme sur toute l’étendue du
territoire centrafricain.
Par
ce geste, les nouvelles autorités du pays entendent donner une vision et une
conception plus larges, plus élaborées et plus précises des Droits de l’Homme
au peuple centrafricain qui, de tout temps, ramène cette notion aux simples
questions d’arrestations et d’assassinats.
Monsieur
le Président
Mesdames
et Messieurs
Avant
de terminer mes propos, je voudrais rappeler que la République Centrafricaine a
ratifié presque la totalité des instruments internationaux relatifs aux Droits
de l’Homme. L’adhésion à ces instruments impose des obligations parmi les quelles la production des rapports
sur leur mise en application ainsi que les difficultés rencontrées.
Malheureusement,
elle n’a jusqu’à ce jour produit aucun rapport. Ce déficit constitue une
violation des engagements internationaux, et ne permet pas aux organes de
contrôle créés par les différents instruments internationaux d’apprécier les
actions entreprises au niveau national dans le domaine des Droits de l’Homme,
alors que la présentation des rapports est un moyen par excellence de
communication et de dialogue entre les Etats parties et les organes de contrôle.
Cependant,
des mesures encourageantes sont entrain d’être prises pour pallier cette
situation. C’est ainsi que le Gouvernement a créé un Comité National chargé de
la rédaction des Rapports en vertu d’instruments internationaux relatifs aux
Droits de l’Homme dûment ratifiés par la République Centrafricaine. Composé
aussi bien de représentants des pouvoirs publics que de ceux de la société
civile ( ONG/droits de l’Homme, syndicats,
Confessions religieuses, Secteur privé et représentants de la jeunesse). Le
comité a bénéficié de l’appui du Bureau des Nations Unies pour la Consolidation
de la paix en Centrafrique (BONUCA) à travers sa section des Droits de l’Homme
que nous tenons à remercier.
Ce
Comité qui a pour mission essentielle de faire rattraper au pays, le retard
chronique accusé dans la production de ses rapports, se heurte déjà à l’épineux
problème de moyen de travail.
Que
le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations Unies reçoive ici la
gratitude du gouvernement de mon pays pour les efforts incessants qu’il consent
dans le domaine de la formation des membres dudit Comité sur les techniques de
rédaction des rapports.
Une
fois de plus mesdames et messieurs, l’élan des nouvelles autorités risque, et
j’en suis convaincu, d’être contrecarré par la grave crise économique et
financière que le pays connaît. Ce qui me contraint de lancer un S O S en vue
d’une mobilisation de toute la Communauté internationale en faveur de la
République Centrafricaine pour l’aider à réussir sa Transition vers un retour à
l’ordre constitutionnel et démocratique. Une attention voulue est également
sollicitée au profit du Comité National de Rédaction des Rapports afin qu’il
puisse remplir efficacement sa mission.
Monsieur
le Président ;
Mesdames
et Messieurs ;
La
délégation centrafricaine reste disposée à fournir à la Commission et à tous
ceux qui voudront avoir des détails sur les réalités socio-politiques du pays.
La
paix et la paix durable n’est possible que par la
compréhension, l’observation et le respect des Droits de l’Homme y compris la
bonne gouvernance à tous les niveaux. C’est également la condition sine qua non
pour une alternative démocratique réussie.
Je
reste persuadé que vous avez été très émus par la situation sommaire que je
viens de vous présenter. J’espère que vous n’hésiterez pas un seul instant, à
l’instar de L’Organisation Internationale de la Francophonie et du Bureau des
Nations Unies pour la Consolidation de la Paix en Centrafricaine(
BONUCA), à appuyer toutes les actions en faveur de la promotion des Droits de
l’Homme et de la Bonne Gouvernance en République Centrafricaine.
Vous
remerciant Mesdames et Messieurs pour votre disponibilité, je voudrais partager
avec vous, le sentiment que la paix mondiale est liée à l’observation et au
respect des Droits de l’Homme. Dans cette perspective, les Etats en voie de
développement comptent sur les pays nantis pour les aider à sortir de leur état
de sous développement qui fait le lit à des violations flagrantes et
permanentes des Droits de l’Homme.
Monsieur
le Président ;
Mesdames
et Messieurs ;
En
guise de conclusion, je voudrais partager avec vous, cette interrogation qui
interpelle toute la famille des défenseurs des Droits de l’Homme et des
Peuples :
Dans les cas où un peuple n’a plus aucun droit parce qu’un chef d’Etat, élu démocratiquement, s’est mué en Dictateur comme fut le cas de la République Centrafricaine, que prévoit la communauté internationale et les institutions internationales en charge des questions des Droits de l’Homme ? et que doit faire ce peuple opprimé ?
Je
vous remercie