COMMUNIQUE DE PRESSE DU CCF
Sur l’évolution de la situation en République Centrafricaine
Dans sa déclaration rendue publique le 15 avril 2003, le Collectif des
Centrafricains en France a exprimé son soutien aux nouvelles autorités
centrafricaines issues du sursaut national du 15 mars 2003 ayant mis un terme au
régime prédateur, criminel et anti-national de PATASSE.
Ce soutien du CCF motivé par le caractère véritablement national et populaire de
l’action du 15 mars 2003 se voulait surtout une incitation des nouvelles
autorités à ramener la paix en Centrafrique, à veiller au respect des droits de
l’homme, à préserver l’unité du peuple et la souveraineté nationale mises à mal
par le précédent régime, à jeter les bases de la reconstruction du pays par
l’implication de toutes les forces vives de la nation dans la gestion de la
transition et à restaurer des institutions démocratiques.
Plus d’une année après, quand bien même des efforts aient été accomplis dans le
sens de la réconciliation nationale avec l’organisation du Dialogue national, et
des engagements pris devant l’opinion nationale et internationale sur la
restauration des institutions démocratiques dans un délai raisonnable, force est
de constater que la situation en République Centrafricaine est loin de s’être
améliorée.
Depuis le 15 mars 2003, l’insécurité n’a pas été rétablie tant à Bangui que
dans certaines villes de provinces où elle avait cours sous l’ancien régime. Ces
derniers mois, cette insécurité apparemment entretenue par des forces obscures
s’est développée de façon extrêmement préoccupante sur l’ensemble du pays avec
des véritables zones de non droit telles que les régions du Centre, du
Nord-Ouest et du Nord-Est où sévissent en toute impunité les bandits de grands
chemins appelés ZARAGUINAS et les bandes de mercenaires tchadiens qui ont
participé à la rébellion ayant conduit le Général BOZIZE au pouvoir.
C’est ainsi que le 17 avril 2004, et selon les aveux mêmes des autorités, plus
de 500 de ces mercenaires tchadiens communément dénommés ZAKHAWAS positionnés au
PK 11 (sortie Nord de Bangui) " ne trouvant pas assez les indemnités qui leur
ont déjà été versées et appliquant visiblement un plan prévu à l’avance (…) ont
entrepris de bloquer les sorties de la capitale, tout en s’en prenant à une
partie de la population ". Depuis cette date, des affrontements sporadiques avec
des armes lourdes entre ces soldats de fortunes d’origine tchadienne et les
forces armées centrafricaines ont déjà fait, selon diverses sources, plusieurs
dizaines de morts et d’importants dégâts matériels.
Sur la quasi totalité du territoire centrafricain, plus particulièrement à
Bangui, la population civile est quotidiennement victime de multiples exactions
commises par les forces régulières de sécurité et de défense tant nationales
qu’étrangères, les anciens soldats centrafricains de la rébellion ou "
ex-libérateurs " et les mercenaires tchadiens : arrestations arbitraires,
tortures, exécutions sommaires, pillages, viols, vols, meurtres, etc.
La situation sociale est restée dramatiquement marquée par la question des
arriérés de salaires des fonctionnaires et agents de l’Etat, des bourses des
étudiants et des pensions des retraités. Alors que le nouveau régime s’était
engagé à payer les salaires à termes échus, il totalise aujourd’hui entre 4 et 6
mois d’arriérés en plus des 36 voir 40 mois hérités des deux régimes précédents.
Et, c’est dans un tel contexte que contre toute attente, sans concertation
aucune avec les organisations politiques et syndicales, le gouvernement a décidé
au mois de février de réduire de 30% les salaires de la fonction publique, sans
suppression par exemple des 150 000F CFA perçus par les ministres tous les
vendredis (ce qui équivaut à 2 ou 3 mois de bas salaire).
Les finances publiques sont dans un état catastrophique. Certes, les derniers
conflits militaires (2002-2003) ont eu un impact important sur l’économie
nationale. Cependant, il va sans dire que les principales causes de la
dégradation de la situation financière du pays sont liées à l’absence d’une
politique économique et financière fiable et surtout à la corruption généralisée
qui gangrène et se pérennise au sein des administrations et société étatiques,
notamment les régies financières (douane, impôts, etc.). En effet, la gestion
des deux gouvernements qui se sont succédés depuis le mois de mars 2003 est
caractérisée par le pilotage à vue et une opacité totale des opérations
financières de l’Etat. C’est ainsi par exemple que la masse salariale mensuelle
est passée en moins d’une année (mars 2003-décembre 2003) d’environ 2,3
milliards de Francs CFA à plus de 3 milliards alors qu’on laisse entendre que
les caisses de l’Etat sont vides. Que faire de 27 ministres (pour un pays de
près de 3 millions d’habitants) dont certains incompétents, inexpérimentés,
sans intégrité, contrairement aux grandes déclarations de l’ancien premier
Ministre et actuel Vice-président de la République le Professeur Abel GOUMBA sur
l’honnêteté, la rigueur, la compétence ?
Le principe de la gestion consensuelle de la transition qui a gouverné les
premiers mois du nouveau régime et qui a constitué la base fondamentale pour sa
légitimation au niveau national et auprès de la communauté internationale ne
semble plus de mise. Tout montre aujourd’hui que le régime tend vers un pouvoir
exclusif en s’éloignant de la nécessité d’un large consensus national et d’un
gouvernement de large union nationale ainsi que celle d’une bonne gouvernance,
transparente, rigoureuse, plus rapprochée des populations.
Face à une telle évolution de la situation en République Centrafricaine,
le CCF ne saurait demeurer insensible aux souffrances du peuple, tout comme, il
ne pourrait continuer à apporter son entier soutien à des autorités qui semblent
s’éloigner de plus en plus de leurs propres engagements et obligations
nationales.
En conséquence :
Le CCF dénonce avec vigueur les diverse sévices commises sur la population
civile par les forces régulières de sécurité et de défense tant nationales
qu’étrangères, les " ex-libérateurs " centrafricains et les mercenaires
tchadiens ZAKHAWAS.
Le CCF demande avec force aux autorités de prendre toutes les mesures
nécessaires pour arrêter et traduire en justice tous les auteurs des sévices
commises sur la population civile.
Par ailleurs, le CCF voudrait attirer l’attention des autorités ainsi que de la
communauté internationale sur la situation sécuritaire difficile que traverse la
République Centrafricaine surtout en ce qui concerne les risques d’atteintes
très graves aux droits de l’homme dans le pays si rien n’est fait pour régler
définitivement la question de la présence d’éléments étrangers armés
incontrôlés, notamment les mercenaires tchadiens ZAKHAWAS.
e CCF exhorte vivement le gouvernement à définir une politique économique et
financière cohérente et réaliste susceptible de résorber l’état de déliquescence
dans lequel se trouvent les finances publiques ainsi que de tout mettre en œuvre
pour lutter plus efficacement contre la corruption qui continue à sévir au sein
des administrations et sociétés étatiques. Car, ce n’est qu’après avoir assaini
les finances publiques et créer les conditions d’une véritable relance
économique que l’Etat pourrait espérer trouver les moyens nécessaires pour faire
face à ses charges de souveraineté, dont les plus urgentes aujourd’hui sont le
paiement régulier des salaires de ses fonctionnaires et agents ainsi que le
versement des bourses des étudiants et des pensions des retraités.
Enfin, pour le CCF, la nécessité d’une politique consensuelle et d’un
gouvernement de large union nationale ainsi que d’une gouvernance rigoureuse,
démocratique et équitable demeurent incompatibles avec tout pouvoir exclusif,
quand bien même la République Centrafricaine se trouve sous un régime
d’exception. C’est pourquoi, le CCF souhaite vivement que les autorités puissent
revenir au principe de la concertation et de gestion consensuelle de la
transition instaurée après le 15 mars 2003.
Fait à Paris, le 23 avril 2004
Pour le Bureau du CCF
Le Président,
Sylvain DEMANGHO
Contact téléphone : +33 06 11 03 92 74
E.Mail : collectif-des-centrafricains@wanadoo.fr
NB : Collectif des Centrafricains en France - Association loi 1901 – J.O
N°152 du 30.06.1984