LES CAUSES PROFONDES DE L’ECHEC DE LA LIBERATION (DE MARS 2003) (1)
En ce début d’année 2003, la misère avait atteint son paroxysme en Centrafrique, le pays était inexistant et l’autorité de l’état décalée et bafouée.
La masturbation ethnique débutée vingt cinq années auparavant a atteint son paroxysme, le SIDA s’est démocratisé ; en somme l’état du pays était globalement négatif, catastrophique.
Face à ce chaos orchestré de main de maître par Patassé et ses sbires, des compatriotes se sont levés et ont uni leurs forces dans le but de mettre fin au régime DEMOCRATIQUEMENT Criminel, Corrompu, mafieux, Terroriste et Obscurantiste de Patassé et du MLPC.
Une coalition politico-militaire vit le jour, et le 15 Mars 2003, Patassé reprit les chemins de l’exil.
Dans une récente analyse, je déclarais ceci : « le constat qui m’envahit en cette date anniversaire(15/03/04), c’est que de la libération nous sommes passés à la liquidation. »
Après avoir longuement parlé de la liquidation et proposé un ensemble de solutions pour la remise à l’eau du navire Centrafrique, je me permets d’analyser en profondeur, les raisons(causes) de ce énième échec et éléphant de désillusion.
Ainsi, cette analyse, qui se place dans la sémantique de gestion de projet, complétera le triplet P+P+S : Pourquoi+Parce que + Solution.
1. Mobilisation et organisation populaire
La première cause fondamentale de ce revers, réside dans le fait que la coalition tombeuse de Patassé, n’a pas suffisamment mobilisé et organisé le peuple, ceci, malgré l’adhésion massive et l’onction populaire ayant accompagné la chute de Patassé.
Nos ennemis : la division, la misère, le SIDA, l’ignorance, le Néo-colonialisme, les puissances des ténèbres, étant mieux organisés et plus puissants que nous (le peuple), seule notre capacité d’organisation et de mobilisation nous aurait permis de changer les rapports de force entre les ennemis et nous.
La mobilisation et l’organisation des forces populaires est l’unique garantie de la libération qui pourra entraîner avec elle, l’amélioration concrète de la situation des masses de notre pays.
La question que l’on est en droit de se poser est : Pourquoi la mobilisation et l’organisation n’ont pas eu lieu ?
Parce qu’aucun programme réel qui tienne compte des aspirations profondes du peuple n’a été établi, sans contenu réel, la libération s’est mise à parler un langage que la masse ne comprend pas.
2. Noyau homogène
La deuxième cause fondamentale est le manque d’une organisation et d’un noyau de direction homogène, véritable fer de lance vers la libération totale. Ce noyau devrait être composer d’hommes et de femmes intégralement dévoué à la cause de la libération réelle et sincèrement attaché aux intérêts du peuple.
Question : comment ce manque de noyau homogène a t’il affecté aussi profondément l’essence même de la libération ?
Ce manque d’homogénéité et de franchise, caractéristique essentielle de la politique africaine en général et centrafricaine en particulier, a fait que les intérêts singuliers et partisans ont pris le dessus sur les intérêts de la nation, faisant des ambitions personnelles et des calculs égocentrique, la règle.
3. Impatience, Soif de pouvoir et de gloire
Tout le monde, tout le monde s’est aligné dans la transition consensuelle, la libération politique, économique, sociale et judiciaire à laquelle aspirait le peuple, a tout simplement été occulté.
Mais cette lâche attitude, que nous démontre t’elle ?
Loin de chercher le bonheur du peuple, les gens se sont placé par égoïsme et esprit d’impatience, doublé d’un opportunisme à peine voilé. Des individus assoiffés de pouvoir, pousser par des mobiles incompatibles avec la libération réelle, ont fait main basse sur le rejet de Patassé par le peuple.
4. L’échec intellectuel
La quatrième cause essentielle est la responsabilité de l’élite. Tout se passe chez nous, comme si nous vivions à l’age de la pierre taillée ou à l’époque de Mathusalem.
Tout se déroule chez nous, comme s’il n’existe pas sous le ciel centrafricain, une catégorie d’hommes qui soit capable d’insuffler un air nouveau et l’amorce d’un changement réel.
La quasi-totalité de notre élite s’est spécialisé dans le ‘’TOURISME POLITIQUE’’ en parcourant les capitales du monde et les chancelleries occidentales à Bangui, pour tirer une reconnaissance et percevoir une pension alimentaire politique.
Certains ont poussé la trahison un peu loin, en se spécialisant dans le « politiquement francophile correct ».
Manque d’imagination, manque de vision, aux sommets de la république et dans les administrations, se sont installés un gangstérisme intellectuel et un terrorisme politique.
Dans cette confusion de genre et de manque d’imagination, une purge de garde ne s’impose t’elle pas ?
Ne nous faudrait il pas des hommes qui ont réalisé qu’être ELITE politique et intellectuelle est un devoir sacré ?
C’est par là que tout commence : la révolution SPIRITUELLE.
5. L’abandon de la Jeunesse
Fer de lance de la chute de l’empire et de Bokassa 1er en 79, de Kolingba en 93 et de Patassé en 2003, la jeunesse a tout simplement été oubliée et marginalisée par la libération.
Si nous avons constaté l’entrée en jeu de certains JEUNES dans le cercle premier de la république après le 15 mars 2003,entrée due en grande partie à un très grand activisme anti-Patassé, qui n’était en réalité qu’une politique d’opportunisme teintée d’une Probité Intellectuelle et d’un patriotisme ; ces jeunes ont vite versé dans un griotisme empirique, décevant l’espoir placé en eux, déstabilisant des vocations parallèles et indexant pour une partie les jeunes « intellos » et pour l’autre la « diaspora ».
Pour autant, je n’ai jamais eu aussi honte de toute ma vie d’être Centrafricain, Pourquoi ?
Parce que les SOS des étudiants centrafricains de Moscou, Dakar, Abidjan, Rabat, Paris, Pékin, Bangui, Mbaïki…. ; relayés par les médias, ont enterré mon orgueil et ma fierté d’être centrafricain, pour cause, la majorité de ces étudiants me sont proche, certains sont même de ma génération.
Que de question ne me suis-je pas posé ? avec pour seul constat : Il est des situations où l’Impuissance et l’Inactivité sont la pire des tortures.
J’ai réalisé avec amertume et fatalité, qu’une fois encore, la jeunesse a été sacrifier sur l’hôtel des intérêts égoïstes.
Aucune attention particulière aux étudiants et élèves, aucune organisation des jeunes diplômés, des jeunes ouvriers, des masses de notre pays.
Ce mépris suprême des faiseurs de libérateurs et de roitelets, ne prouve pas à dessein, qu’il faudrait que les jeunes investissent le champ politique pour essayer de changer les choses, je parle de ceux qui ont la notion de patriotisme, de ceux qui ont réalisé une rupture avec l’ancien système.
6. Le syndrome du colonisé et de la main tendue
Ce que les penseurs de la libération n’ont pas compris, c’est que ce concept ne sera jamais importé et/ou exporté.
Une foi aveugle en l’aide extérieure, condition nécessaire et suffisante pour libérer le peuple, c’est condamner ce peuple par fatalisme à un destin médiocre.
Le syndrome du trans-all leur a fait oublier que le TRAVAIL est l’unique chemin du respect et de la dignité.
L’élite politique et intellectuelle réunie dans la machine CPC/TC a voulu faire l’économie de la sueur et du courage, or cette économie ne peut nous permettre de bâtir un pays fort et respecté.
Un jeu de dupe s’est installé, des mesures sont prises, car venues de Washington, Paris, Bruxelles, Libreville et N’djamena ; et pourtant il existe une logique historico-politique : LES REALITES ET LES NECESSITES NATIONALES FINISSENT TOUJOURS PAR TRIOMPHER.
Rien, aucune imagination pour sortir de la crise, c’est le regard fuyant en permanence. Le tourisme mendiant se développe, les missions sans succès s’accroissent. On attend l’hypothétique bouffée d’oxygène qui viendrait de la communauté internationale.
Face à cette situation, un seul constat, celui de la réussite. Mais de quelle réussite parlé-je, dans un tableau si sombre qu’est le nôtre ? celle de la récolonisation, suivez mon regard.
Depuis l’indépendance jusqu’à ce jour, nos élites ont toujours travaillé pour la récolonisation du pays et ils ont réussi.
Le syndrome du colonisé, le virus du trans-all et la politique de la main tendue, que nous cachent-ils ?
En vérité la galaxie CPC/TC, composée dans sa qua-totalité des liquidateurs du peuple centrafricain, à cause des multiples connexions qui les ont unis, désunis et réunis tout au long de notre histoire, ne pouvaient que laisser présager le spectacle d’aujourd’hui.
Ces hommes pour la plupart n’ont jamais réalisé la rupture avec l’ère des parrains, de l’Elysée, de la maison blanche et des initiés.
Nous vivons dans un système global, rien ne peut désormais se faire sans tenir compte du contexte géopolitique de l’heure, mais avant de tendre la main à paris, nous devrons nous initier au travail productif, fruit d’imagination d’esprit libres.
C’est seulement les centrafricains qui constituent la garantie sûre qui nous permettra d’assurer la libération totale et intégrale de notre pays.
Avant de parler de mondialisation, de panafricanisme, nous devrons parler de CENTRAFRICANISME, je définis ce terme comme étant le développement intégral et intégré de notre pays.
Or pour réaliser le Centrafricanisme, le syndrome du colonisé, le virus du trans-all et la politique de la main tendue sont des obstacles majeurs, d’où l’importance d’hommes nouveaux et/ou réformés.
Trois actions semblent devenir importantes et fondamentales pour que la libération réelle qui ne consiste pas seulement à combattre les effets de la situation Centrafricaine, mais aussi et surtout les causes s'imposent.
Un examen critique de tout ce qui a été fait depuis le 15 Mars 2003 nous permet de reconnaître nos erreurs.
Lorsque je dis nos erreurs, je parle de la notion de l'existence du Centrafrique comme bien appartenant à l'ensemble des centrafricains, et à ce titre nous ne devons pas accepter un DESTIN MEDIOCRE.
Nous devrons refuser que soit rayé d'un seul trait, le sang versé de nos compatriotes, les privations, les injustices et les humiliations comme le font les opportunistes et les arrivistes en ce moment. Nous devrons apprendre de ces erreurs et savoir en tirer les leçons.
Je disais que trois actions s'imposent, en voici l'ordre:
1. la formation d'un noyau d'avant garde
j'ai de tout temps dit que le problème premier du Centrafrique se trouve être SES HOMMES. L'échec de la libération en est une preuve supplémentaire. C'est pourquoi s'impose, une purge de la classe politique et/ou une réforme.
Ce nouveau noyau, devra être composé d'individus Conscients, Justes et Eclairés, des hommes et des femmes ayant une fidélité totale au peuple.
Le terme noyau est employé ici au sens biologique du terme et désigne le groupe de personnes capables de réformer la société Centrafricaine.
Ces personnes, doivent être intègres, sérieux, capables de lier théorie et pratique; paroles et actes.
Ces hommes et femmes, doivent d'abord penser qu'appartenir à ce noyau, c'est un sacrifice; car le devoir d'élite à mon avis est un ACTE SACRE. Ils devront renoncer aux intérêts personnels et égoïstes et donner le meilleur pour le peuple auquel ils appartiennent, tout en réalisant une rupture avec le Syndrome du colonisé, du trans-all et la politique de la main tendue.
2. la réforme politique:
la pratique de la politique en Centrafrique devra être repenser et réactualiser, une réforme du Politique s'impose. Les individus composant le noyau d'avant-garde, devront avoir une autre idée de la pratique politique. La réponse à tous nos maux en Centrafrique est essentiellement politique.
Or nous constatons que nos politiciens ne font pas preuve d'imagination pour nous sortir de la crise.
Un manque de vision pathologique et une amnésie crue, cruelle.
La réforme politique s'impose avec brutalité, car nous constatons un dégoût, un relâchement par fatalité de l'élément politique par la masse. Or quelle politique peut se faire sans la masse?
3. la réforme du pourvoir:
dans le bilan que je faisais de la libération, j'avais proposé un certain nombre de réformes nécessaire et importante pour le pays. Mais le dénominateur commun à tout cela est le POUVOIR.
Un pouvoir mal utilisé, les conséquences seront catastrophiques pour le pays, et les différents régimes qui se sont succédés à la tête du pays, sont frais pour en témoigner.
Une autre idée du pouvoir doit s'installer chez nous, avec son suppléant, la pratique administrative. Tout le monde veut appartenir à la super structure, délaissant la structure et l'infrastructure. On se voit tous ministre, député et président.
Personne, personne n'a le courage de demander à être utile dans son domaine, le maçon veut devenir chef de chantier, le chef de chantier veut être conducteur de travaux, le conducteur de travaux veut être l'ingénieur. Ainsi se passent les choses chez nous.
Mais qui va administrer, et qui va exécuter?
Cette obsolète conception du pouvoir qui consiste à croire qu'en étant là-haut, on est au dessus de la personne humaine doit cesser, NON.
Le pouvoir doit être pour le peuple, avec le peuple et être utiliser pour lui.
Les administrateurs tout comme les politiques doivent savoir que c'est uniquement pour servir le peuple qu'ils sont là.
Pour conclure, si dans la tête des concepteurs du 15 mars 2003, la libération était tout simplement synonyme de l'éviction de Patassé (les effets mais pas les causes), ils ont réussi. Mais si la libération était le début d'un processus qui a pour but l'amélioration de la situation concrète des masses de notre pays, les choses sont à revoir.
l'état actuel du Centrafrique ressemble comme deux gouttes d'eau à celui qu'avait trouvé le capitaine Thomas Sankara, le lendemain de son coup d'état. Mais ils ont compris cet adage: « Dieu a créé le monde, les Néerlandais ont créé les pays bas », ils ont su que c'était dans le domaine humain de pouvoir corriger et redresser. Aujourd’hui plus de vingt après, le Burkina-faso n'est plus archaïque comme nous, et ce vœux de Sankara : « Notre révolution est et doit être permanente, ce doit être l'action collective de tous les burkinabes pour transformer la réalité et améliorer la situation concrète des masses de notre pays. Notre révolution n'aura de raison d'être que si en regardant derrière nous, devant nous, à nos côtés, nous pouvons dire que grâce à la révolution les burkinabés ont une alimentation abondante, ont de l'eau à boire, ont des logements décents, ont droit à l'éducation et aux soins, ont droit à plus de loisirs, de liberté et de démocratie. Notre révolution n'aura de raison d'être que si elle peut répondre à ces questions », doit être le but recherché par tous ceux qui veulent LIBERER le Centrafrique.
La libération véritable du Centrafrique ne pourra se faire que si des réponses sont apportées à ces attentes, ces droits.
Clément BOUTE MBAMBA (16 avril 2004)
(1) NDLR : Un point de vue et une contribution que l'auteur propose à la réflexion sur la crise qui a plongé la République Centrafricaine dans l'abîme, et malgré tout, les cadres, les intellectuels, les lettrés et les profiteurs de tout bord veulent de surcroît se disputer la dépouille au lieu de repenser, de se remettre en cause et de travailler durement et sérieusement. Il est inimaginable devant un tel tableau que l'on se permette, sans contrepartie véritable, d'obliger le peuple affamé, agonisant à leur payer tous les mois des émoluments et des salaires hors proportion. L'on peut le constater : tous les esprits se sont neutralisés malgré le pléthore. C'est l'immobilisme.