Le chef de l'Etat centrafricain promulgue un
décret instituant la "journée de jeûne et de prière". Initiée par l'état, des
questions se posent, en particulier celle de la laïcité, du rôle de l'état et de
la liberté de culte. Inaugurée sous le régime Kolingba, réamorcée par celui de
Patassé, puis réintroduite aujourd'hui par François Bozizé, du point de vue des
observateurs à Bangui, la théocratie semble installée en
République Centrafricaine. Face à la crise récurrente, aux lots quotidiens des
malheurs, l'incurie et la gabegie, le peuple centrafricain navigue entre la
consternation et le fatalisme. Il reste désormais la foi - chez les catholiques,
les protestants, les musulmans, et autres sectes récemment implantées - les
différents régimes ont par conséquent la tentation de recourir à cette forme
doctrinaire pour rassurer. La frontière entre le ministère céleste et le ministère
terrestre s'est effacée. Une autre bataille, saugrenue dans ce contexte,
est la force de dénonciation présentée face aux musulmans qui s'efforcent pour leur part à gagner du terrain et implanter le grand nombre possible de
mosquées ainsi que de centres culturels.
En guise d'introduction à un "débat national"
sur l'avenir des églises et des sectes en Centrafrique qui ne saurait tarder à
venir, le correspondant de l'AFP et le site
Internet Wa-mäbê "mettent le pied dans le plat".
Le 31 décembre déclaré
"journée de jeûne et de prière" en Centrafrique
BANGUI, 29 décembre 2003 (AFP)
- 13h57 - Le dernier jour de
l'année, mercredi, sera consacré au jeûne et à la prière en Centrafrique, a
décidé le président centrafricain, François Bozizé, cité lundi par la radio
nationale.
"La journée du mercredi 31 décembre 2003, sans être chômée,
est déclarée journée de jeûne et de prière", indique un communiqué présidentiel
diffusé à intervalles réguliers à la radio nationale, dans ses journaux en
français et en sango.
"Les bars, les boîtes de nuit et les débits de boissons
seront fermés du mardi 30 décembre à minuit (23H00 GMT) au mercredi 31 décembre
2003 à 18H00", précise le communiqué.
"Des offices religieux, catholiques, protestants et
musulmans, seront organisés sur toute l'étendue du territoire" et "les ministres
à Bangui, les préfets, sous-préfets et maires en provinces, représenteront
l'Etat à ces offices religieux", précise le texte.
"En cette dernière journée de l'année 2003 qui expire, le
chef de l'Etat invite les Centrafricaines et les Centrafricains, à rendre grâce
à Dieu Tout Puissant (...) tant pour les épreuves par lesquelles il a éprouvé
notre foi au cours de l'année 2003, que pour les bienfaits dont il nous a
comblés et les espoirs qu'il a fait naître en ce qui concerne l'avenir",
poursuit le communiqué.
"Que par nos prières, l'année 2004 soit pour le peuple
centrafricain une année de renforcement de la sécurité, de la paix, de l'unité,
de la réconciliation nationale, du consensus, du développement auto-centré,
partagé, harmonieux et durable (...) d'amélioration des conditions de vie de la
laborieuse population centrafricaine, de santé, de bonheur et de prospérité", a
souhaité le président Bozizé.
Valentine Modamé, prédicatrice réputée dans la capitale
centrafricaine, avait récemment indiqué à l'AFP avoir demandé au chef de l'Etat
l'organisation d'une telle journée.
Selon elle, les Centrafricains "manquent d'humilité et sont
trop orgueilleux", envers Dieu, et risquent "d'entraîner leur pays dans le
chaos".
Le président centrafricain, lui-même fondateur de l'Eglise du
Christianisme Céleste-Nouvelle Jérusalem, teinte, depuis sa prise de Bangui le
15 mars dernier, son pouvoir de connotations religieuses et fréquente
alternativement chaque semaine l'office religieux d'une des confessions
représentées à Bangui.
A PROPOS DE LA JOURNEE NATIONALE DE PRIERE DU MERCREDI 31 DECEMBRE 2003
Bara âla kwê, âîtä,
Le Samedi 27 Décembre 2003, ID+ diffusait la dépêche partielle suivante
(signalons que le lien permettant de lire la totalité de la dépêche ne
fonctionne pas) :
« ID+ Bangui, 27 décembre 2003 - Le président centrafricain François Bozizé a
déclaré que la journée du 31 décembre 2003 serait une journée nationale de
prière.
« Ce dernier jour de l'année sera pour tous les Centrafricains l'occasion
de remercier Dieu, d'implorer son pardon et de se réconcilier avec lui et
avec nous-mêmes », a-t-il dit vendredi 26 décembre 2003 au cours d'une visite à
la Mosquée centrale de Bangui ».
Peu de temps après, certaines réactions, tout à fait légitimes, il faut le dire,
mais quelque peu inquiètes, voire hostiles à l’égard de la foi et désapprouvant,
au nom de la laïcité, cette initiative, ont été enregistrées sur nos forums.
Que craint-elle, cette laïcité, pour son avenir en Centrafrique ?
L’instauration d’un Etat théocratique ne fait aucunement partie de la Mission
expressément dévolue au chrétien en Matthieu 28 : 18 – 20 par Jésus-Christ en
Personne et, depuis l’établissement du christianisme en
Oubangui-Chari/République Centrafricaine, aucune velléité dans ce sens n’a
jamais encore été enregistrée par l’Histoire de ce Pays.
D’un autre côté, si la liberté de conscience est octroyée aux citoyens par les
Textes Fondamentaux en vigueur, c’est bien pour que toutes les croyances, sous
réserve de non-perturbation de l’ordre public, puissent être en mesure
d’organiser toute manifestation publique conforme aux pratiques propres à
chacune d’entre elles.
Il n’y a donc pas, à l’heure actuelle et du point de vue de « Wamäbê », de péril
en la demeure, cela d’autant plus que l’initiative de cette Journée revient
entièrement aux autorités de l’Etat, à qui les croyants chrétiens doivent, pour
ce qui les concerne, respect et soumission (Romains 13 : 1) d’une part, et pour
qui ils doivent prier (1 Timothée 2 : 2 – 4), d’autre part.
Il serait en conséquence souhaitable car plus conforme à la vérité, de cesser de
s’inquiéter indûment de l’avenir de la laïcité en Centrafrique. Lorsque le
danger pointera réellement à l’horizon, l’on verra bien que les tenants de la
laïcité ne sont en fait pas les seuls à en assurer la défense.
C. MABADA-MABAYE - Webmaster (Wamabe)
Droit de réponse (par Eugène YESSE).
"A PROPOS DE LA JOURNEE NATIONALE DE PRIERE DU MERCREDI 31 DECEMBRE 2003"
Que de fébrilité sur le front de la "gestion des biens du salut" pour
emprunter la terminologie de Max Weber!
"Que craint-elle cette laïcité pour son avenir en Centrafrique". Pour cela, il
aurait au moins fallu que de l'inquiétude soit contenu dans lesdits messages.
Il n'en est pourtant rien.
L'idée exprimée reposait sur le couple "laïcité/démagogie" pour dire l'usage
démagogique fait du fait religieux par le politique.
Rappeler le fondement sur lequel repose la critique de l'intrusion de celui-ci
dans celui-la n'est autre que le rappel d'un principe républicain.
Sur le net, pareille démarche avait été observé par votre serviteur quand le
politique s'était invité dans une procédure judiciaire; un autre principe
républicain, la séparation des pouvoirs avait été rappelé.
Fonder une critique, si ce n'est une action, sur des principes, c'est rejeter
avec fermeté l'opportunisme dont la traduction sango est "tè ka mon tè gué".
Rappeler lesdits principes, c'est contribuer à les défendre, et, qui sait, à les
vulgariser.
Les principes sont à la politique ce que sont les points cardinaux à la
géographie.
A défaut de ceux-ci, la perte des repères est assurée. De là sourd l'appel à
la confusion, prémisse de la réunion de tous les pouvoirs entre les mains d'une
autorité unique. Dit autrement, c'est appeler la dictature.
Lequel des messages bornant le politique s'est élevé contre le fait que des
prélats, des pasteurs, des imams, des rabbins... que sais-je? appellent à la
prière?
Attaquer la Foi? Qui l'a évoquée?
Ici, je ne puis m'empêcher d'avoir un pensée affective pour feu Dom Elder
CAMARA, cet évêque brésilien qui déclarait (je cite de mémoire): " quand je
m'occupais des pauvres, on me disait saint mais quand j'ai posé la question de
savoir pourquoi ils étaient pauvres on m'a traité de communiste".
Eugène YESSE.
Addendum:
Que ceux qui ne se doutent de rien osent mettre en perspective les derniers
événements politiques en Centrafrique. Ils comprendront aisément que les fêtes (saint-silvestre,
fête des mères etc...)sont une occasion propice à certains autres événements,
plutôt fâcheux, dont les préparatifs se bouclent généralement la veille.
Instaurer quelque chose qui a tout d'une sorte de couvre-feu n'est pas une vaine
précaution. Ne nous parle-t-on pas d'arrestations en forme de "...message
fort..." à destination d'une certaine catégorie de personnes, présumés et/ou se
présumant intouchables?