FABRIQUE DE MISERE OU QUETE D’UN CADRE DE REFERENCE ET REFERENTIELS COMMUNS D’ORIENTATION POLITIQUE EN VUE DE L’ EMANCIPATION SOCIO ECONOMIQUE DU CITOYEN ?

par Gervais Douba.(*)

A lire les éditorialistes de tout média confondu , les commentateurs , les analystes et les décrypteurs artistiques les plus avisés des actualités politiques de Centrafrique, le CNT aurait voté à l’unanimité le principe de l’élaboration d’une Constitution de la IVè République. Que le projet de constitution s’alignerait sur le modèle français quant à la durée du mandat présidentiel et aux prérogatives du premier ministre. Ce dernier serait l’émanation du parti majoritaire ou de la coalition de partis qui aurait la majorité au parlement. Bref, le régime dont on esquisse les contours serait profilé mi-présidentiel mi- parlementaire. Cette IVè République en de gestation, ressemble à s’y méprendre, au régime français ; ce qui en soit n’est pas mauvais car, le modèle Français fait bien partie des grands modèles de démocraties dans le monde. Les constitutions Israélienne, Allemande, et bien d’autres pays ont croisé les modèles Britannique et Français ou Américain –Britannique et français dans leur logique même si le construit est différent. La question ne se pose pas en termes de modèle de référence aussi idéal et luxuriant soit-il. La question fondamentale est celle du contenu et de lefficacité de l’instrument ou du mécanisme dans son maniement. Remplit-il sa mission quel que soit le pilote ?. Comme le faisait remarquer J.J.Rousseau dans l’Emile et même subtilement dans le Contrat Social, une bonne pédagogie entre les mains d’un mauvais maître peut devenir une mauvaise pédagogie. En revanche, une mauvaise pédagogie entre les mains d’un bon maître a de chance de devenir une bonne pédagogie dans sa pratique. Donc le défi que les Centrafricains doivent relever dans la mise en place de nouvelles institutions Républicaines se pose en termes de responsabilité plurielle à l’égard des enfants, des jeunes en difficulté, des personnes vulnérables , des différentes composantes de la société civile, et des partenaires économiques tant de la sous région que sur le continent et le reste du monde. La constitution ne saurait se borner à être un patchwork d’injonctions paradoxales par ci et de quadrature de cercle par là .

Si vous me permettez, relisez avec moi le livre du prophète Néhémie .Ce prophète nous donne le modèle inégalé d’exemple d’architecture de reconstruction d’un tissu social en lambeau et une mise en perspective . En d’autres termes il nous invitait à prendre d’abord en compte les responsabilités non réduite à l’approche juridique mais sur le plan des rôles et attributions de chacun de nous avec obligation de rendre compte Qui fait quoi où et en vertu de quelle expertise et quelles sont les responsabilités spécifiques de chacun. Responsabilité à l’égard du système éducatif ( Voltaire disait que l’Ecole est le temple de la démocratie et l’instituteur son prêtre). Responsabilité à l’égard des utilisateurs des services publiques ; enfants et adultes .

La question des articulations des responsabilité ou de leur absence doit être clarifiée et posée comme conditions siné qua non d’accès à tous les niveaux de pouvoirs de décision et de l’exercice de ce pouvoir pour éviter que des virtuoses du prosélytisme politique et syndical débarquent en sauveur -rédempteur pour faire des contorsions et faire à nouveau de notre pays, une fabrique de misère et vertige.

Cette contribution ne se veut ni une prescription à qui que ce soit ni emprunter un ton magistral pour ne pas dire doctorale. Elle s’inscrit dans la logique d’ une invitation à faire un état des lieux , à faire un repérage des nœuds de complexité problématique, des contradictions, voire des conflits entre l’Etat, le marché et la société civile d’une part et entre l’Etat, les partis politiques et le reste du monde. Quel pacte social nous propose chacun d’eux et avec quelle marge de manœuvre ?. N’étant pas du tout doué pour le don doctoral et l’expérience que j’aie de la gestion d’un mouvement de jeunes en Centrafrique, renforcée par celles capitalisées en France et en Europe, plus mon vieil âge m’incitent à de la précaution. Je n’ai ni les clés d’une réforme économique en Centrafrique ni la magie de transformer les choses ni la vision angélique du patriotisme. Mais je convie les nostalgiques du maintien de la Centrafrique en état d’infantilisation permanente, les allergiques à l’émancipation économique et sociale voire à l’affirmation de la dignité des Centrafricains et les commanditaires des mutineries à répétition et des coups d’Etat remparts pour mieux organiser leur prédation violente et nous maintenir économiquement sous dialyse et politiquement sous perfusion , à commencer à s’indigner… à se rendre compte que leur méthode est surannée ; Que cette dernière vacillera tôt ou tard et que c’est tout à leur honneur, face aux dégâts que cause le Triangle de la Misère ( Ignorance-Faim-Maladie), de remettre en cause leur procédé et la logique qu’ils mobilisent pour le faire aboutir Que cette constitution ne soit pas le reflet des résolutions du DN.( cf nos analyses et observations parues dans "Sangonet "…

A la lumière des dégâts causés et que cause le Triangle de la misère chez nous ; effondrement des repères, éclatement des familles, suspicion etc, je m’arroge modestement le droit d’interroger les destinataires de cet article - ce qui à mes yeux ressemble à une lettre ouverte. Je n’ai aucune légitimité et je ne me prévaux de rien d’autres que du droit de vigilance alimentée en cela par l’information et la formation. Les faits et les intrigues de palais érigés en principe de gouvernance chez nous, tiennent-ils compte de l’aggravation de la pauvreté- [ 70% des habitants de Centrafrique vivent de l’agriculture, pendant que les 15- 20% sont corvéables à merci et se contentent du statut précaire de la fonction publique civile et militaire. Les 10% appartenant à divers castes d’aristocrates et de snobes autocrates] dont personne n’a le remède tant dans les pays riches que dans les pays pauvres, je me permets de vous demander d’avoir la décence de vous laisser interpeller sur les points suivants : La Centrafrique s’inscrit-elle dans l’objectif du millénaire de l’ONU- dit OMD, qui est de diviser la pauvreté par deux de 1990 à 2015 ?

Bien que je ne sois ni éditorialiste ni leader d’opinion, je m’interroge de savoir si la future constitution doit continuer- comme ses prédécesseuses- à légitimer puis légaliser le passage - sans état d’âme - d’un Etat concédant des mines de diamant à ses cautions politiques mais non solidaires vers un Etat tyrannique, de concussion et de forfaiture ? Une constitution étant mélange de réalité et l’ouverture vers un idéal de société, la nôtre qui est en gestation va-t-elle être construite sur le sable – comme l’ont été les travaux du DN- ou sur du roc ? Le CNT – n’ayant que voie consultative - n’est-il pas en train de faire le lit à une société sans repères ni référentiels, sans échine ni colonne  vertébrale ? A l’occasion du DN, Bozizé et sa constellation ont réussi à faire du CNT- non un Conseil National de Transition mais un Conseil National de Torpilleurs par la multiplication du folklore et le dévoiement voire la bifurcation des quelques résolutions dignes de ce nom ! . (I)

L’étendue et la profondeur de la pauvreté d’un peuple, d’une nation voire d’un pays ne s’expliquant pas uniquement par les effets de la mondialisation mais plus par sa non participation à la mondialisation tant au niveau régional, continental que planétaire, quelle place la constitution accordera-t-elle à l’insertion de la Centrafrique dans les échanges internationaux à commencer par la CEMAC, dans le cadre des orientations politiques du NEPAD et autres dont l’UE ? (II)

 

Revisiter et/ou renouveler l’approche du pouvoir .

Quand les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui sont écrasées

Proverbe Kényan

Comme de nombreux pays ex colonisés et en voie de développement, le système politique Centrafricain devrait commencer à faire sa mue. S’il est compréhensible que les politiques de libération nationale aient engendré l’approche autoritariste, patrimoniale et clientéliste à travers le parti unique , il y a nécessité et urgence de commencer à admettre que face aux exigences de la vie quotidienne dont la santé, la faim et l’éducation , certains sacerdoces ne sont plus de mise. Le tracé de la trajectoire de développement ne passe plus nécessairement par la toute puissance d’un parti unique ou d’un régime militaire intimidant et répressif .La Centrafrique n’a connu qu’un Etat militaire et policier ( lutte pour la libération nationale assorties des accords de défense à titre exclusif pour chef d’Etat en déroute et non pour la nation). Cet Etat a entrepris un semblant de capitalisme d’Etat sur le plan économique . Les quelques entreprises publiques et parapubliques ont été transformées en repaires pour copains obséquieux mais menacés de disgrâce ; s’agissant des militaires. Ainsi, les sociétés d’Etat et les Préfectures sont des gâteaux que se sont partagés les " pères des indépendances et ceux qui sont de connivence" "avec eux. L’Etat Centrafricain n’a pas connu l’Etat- providence quant à ce qui le caractérise. Cette dimension " providence " serait-elle l’attribution des bourses d’études et le maintien des internats dans le système éducatif jusqu’en 1976 ?

Renouveler la problématique de l’approche du pouvoir revient à inventer de nouveaux mécanismes et faire émerger de nouveaux acteurs dans le jeu et l’organisation des institutions. Sur quel ancrage reposeront les instituions, quels en seront les socles, non pour perpétuer voire aggraver la sclérose dont elles souffrent mais pour desserrer l’étau faire éclore l’initiative et la créativité ?. Je vais être concret : L’administration civile et militaire sont les seules pourvoyeuses de revenus et de richesses sans création de valeur ajoutée. Le chef de l’Etat et le gouvernement en sont les clés de voûte. Pour un oui ou pour un non, vous devenez du jour au lendemain ou très riche et influent ou très pauvre et miséreux. Les voies d’alternative d’accès de création et d’accès à la richesse ne sont pas légions à l’exception des voies de concussion et de forfaiture. A tous les niveaux du pouvoir, on a à faire à des autocrates ; les mécanismes de féodalité et de passe-droit paralysent… Nous sommes le pays où le mur du paradis est mitoyen de celui de l’enfer- tout au moins pour les anciens ministres et autres Directeurs généraux. Loin de moi l’idée de soutenir la thèse qu’ailleurs c’est mieux ou qu’en France c’est mieux ! D’ailleurs , intellectuellement c’est manquer de probité que de comparer les mécanismes politiques de la Centrafrique à ceux de la France et puis, dans une analyse, on compare ceux qui est comparable notamment l’ordre des grandeurs, l’échelle de référence . Les logiques de comparaison ont l’originalité d’échapper à la manipulation politique.

Après la libération nationale, les mécanismes politiques sont restés aussi nains que les nains de jardin. Des concepts tels que la " Réforme ", " les Etats généraux de " sont mis en scène pour donner à certains fauves de cirques, l’occasion de faire le chantre et les griots. Les résolutions sont des apocryphes et en tant que tels, prennent naturellement la route des placards! Nous allons de Conventions en désunions… Il y a peu de place au soleil et nombreux sommes nous qui nous croyons légitimement appelés. Cette situation engraisse les corrupteurs…

L’incurable insurgé que je suis, suggère aux patriotes enfouis dans les différentes composantes de l’Etat, du marché – aussi tenté qu’il en existe et la société civile de tout mettre en œuvre pour que par l’éducation civique et citoyenne – et non le prosélytisme et la propagande- ils finissent par obtenir une constitution qui fassent affleurer les principes suivants en partant du postulat que quel que soit le chef de l’Etat qui sortira de nos cénacles et autres conclaves, à l’heure de la mondialisation, il peut, certes faire des mirages et non des miracles pour rendre la Centrafrique économiquement et socialement attractive et à même de capter les externalités susceptibles de structurer des pôles économiques et le capital social( différent du capital humain. Cf nos analyses dans Zorro à Zéro)

- Les libertés politiques ( libertés publiques et libertés individuelles) et la démocratie se conquièrent tous les jours par l’affirmation et la promotion des droits civiques , économiques et culturelles. Leur amélioration est facteur de progrès socio-économique.

- L’Etat ne peut travailler au progrès de ces libertés inaliénables des tous individus et communautés constituant les nations Centrafricaines qu’en coopération avec la société civile et dans le respect des règles du marché.

- Affirmer la primauté de l’adhésion de l’Etat, du peuple Centrafricain à travers ses représentants et la société civile à la culture du dialogue et de la négociation politique comme seul moyen de règlement de conflit.

- Affirmer la primauté de la voie démocratique comme seule voie d’accès aux pouvoirs, de la magistrature suprême aux différentes instances dirigeantes de la société civile. (Pour tout mandat électif, limiter la durée et les cumuls à deux mandats lorsqu’il y a rémunération)

- Affirmer la nécessité de l’engagement concerté des partis politiques et des composantes de la société civile ( qui ne doivent en aucune manière être instrumentalisés ou servir de cou rois de transmission des partis politiques ou être inféodés à eux ) pour concourir à l’expression et à la préservation des valeurs Républicaines et Démocratiques de la Centrafrique par la signature d’une plateforme. Que dans cette plateforme , il soit mentionné la préservation de l’unité nationale, la préservation de la liberté de culte et de la conscience dans un Etat laïque aux intérêts contradictoires mais complémentaires, la nécessité des parties prenantes de travailler à l’éclosion des conditions de sortie d’une économie de subsistance et l’accès à l’éducation, la santé et l’autonomie alimentaire.

II : L’insertion dans les échanges internationaux comme levier structurant la culture de développement humain.

" Dis moi et j’oublie, montre moi et je peux me souvenir, inclus moi et je comprendrai. Seul un travail de terrain départage les indécis "

Proverbe Chinois.

Je prétends que l’enjeu fondamental des rendez-vous institutionnels qui se préparent, est de changer de dogme, de paradigme politique et socio économique, d’emmener les Centrafricains à rompre les amarres avec les ancrages et autres pesanteurs psychologiques obsolêtes et d’adhérer aux valeurs des sociétés en mouvement dans lesquelles nous vivons. Pour cela, je pars de deux postulats :

- Postulat fondé sur l’actualité .Dans un contexte d’économie mondialisée où les pays leaders, même du continent Africain ( NEPAD oblige ) admettent le passage d’une gestion des peines à une gestion des pannes ; ce qu’on redoute- ce n’est pas l’appel à la miséricorde et à la commisération publique des nations et entités chaotiques ingouvernables (dont nous faisons parties) puisque le droit d’ingérence humanitaire ponctuel est là- mais la panne des facteurs automatiques de production et la panne des instruments qui doperaient la consommation.

Le dernier G8 qui, réhabilitant enfin la microfinance et arrêtant des mesures opérationnelles, confirme ce que j’avance.

- Postulat fondé sur l’histoire : En me référant à la Bible ( Néhémie), j’entends par là que nous ne sommes pas les seules espèces créées par Dieu à avoir des institutions politiques et sociales sans normes ni repères, chaotiques voire capharnaümiques. Mais nous sommes sommés par Dieu à faire montre de maturité, de discernement et de lucidité quant aux incidences socio-économiques des choix de nos institutions. Ca ne doit pas faire honneur à Dieu de nous voir diriger par des pygmalions ou des moutons de panurge de la françafrique ou ( comme le dénonçait un grand homme dans un discours désormais célébre) des carterons de généraux à la retraite ;

Permettez moi de compléter les écrits de Néhémie par une autre illustration que m’inspire une lecture récente.().

Intitulée "  la chose la plus précieuse du monde " cette fiction rapporte comment un ange désobéissant a eu maille à recouvrer à nouveau la bénédiction de créateur. Les faits sont les suivants : Un jour, un ange a désobéi à Dieu. Il s’est humilié devant son trône pour implorer son pardon. Dieu lui a dit : Je ne te punirai pas, mais en réparation pour ton péché tu retourneras sur la terre et tu me rapporteras la chose la plus précieuse du monde.

L’ange retourne sur la terre, il traverse les collines et les vallées, les mers et les rivières à la recherche de la chose la plus précieuse.Après de nombreuses années, il se retrouve sur un champ de bataille et aperçoit un soldat en train de mourir d’une blessure reçue alors qu’il défendait son pays. L’ange prend une goutte de sang et l’apporte devant le trône de gloire mais le Seigneur lui dit : " La goutte que tu m’as apportée est précieuse, mais ce n’est pas la chose la plus précieuse ".;

L’ange retourne sur la terre. Après des années de recherches, il arrive dans un hôpital oùune infirmière est en train de mourir d’une maladie qu’elle a attrapée en soignant les autres. Alors qu’elle rend son dernier souffle, l’ange saisit ce souffle et l’apporte devant le trône du jugement.

Dieu sourit à l’ange et lui dit : " En vérité, le sacrifice pour les autres est une chose qui m’est infiniment précieuse, mais retourne sur terre et rapporte-moi la chose la plus précieuse du monde "

L’ange retourne sur la terre pour la troisième fois et après des années d’errance , se trouve dans une forêt profonde. U homme s’avance à cheval. Il porte la haine sur son visage. Il marche vers la maison de son ennemi, qui lui a fait tant de mal, afin de le détruire. Il regarde par la fenêtre de la maison et voit la femme de son ennemi mettre son enfant au lit en rendant grâce à Dieu pour les bénédictions de la journée. L’homme se souvient de sa propre enfance, comment sa mère lui apprenait à prier comme Jésus-christ avait appris le " notre père qui es au cieux à ses disciples ". Le cœur de cet homme se fond et une grosse larme roule le long de sa joue. L’ange se précipite, recueille la larme et retourne au ciel pour la présenter à Dieu ; " Voici Seigneur une larme de repentance "

Le visage de Dieu s’illumine et il dit à l’ange :

"  En vérité, tu m’as apporté là, la chose la plus précieuse du monde. La repentance ouvre les portes du ciel "

Les deux postulats appellent deux observations quant aux choix des hommes et à l’orientation socio-économique et politique qui détermine ou impulse leurs choix fondamentaux. :

- S’agissant du choix des hommes. Les Saintes écritures sont, par omission ou volontairement restées muettes quant au sort de Néhémie. A-t-il , à l’instar de Moïse- râté son entrée en terre promise ! S’est-il autoproclamé " Grand Timonier ", " Père incontesté et très vénéré de la nation ? ". S’est-il fait érigé un monument ou s’est-il fait panthéoniser ?. La bible raconte qu’après avoir accompli la mission pour laquelle il a obtenu grâce aux yeux du Roi, il est reparti occuper son poste d’avant ; il goûtait le vin du roi avant que ce dernier ne le porte à la bouche . Il doit nous rappeller l’importance du " Porcher "( cf nos analyses dans de Zorro à Zéro " parues dans Béafrica et Sangonet 

Sur un plan strictement analytique, Néhémie ou Moïse nous renvoient à deux modèles de management politique.

Les cautions et mécènes de nos hommes politiques observent les usages et les coutumes des pratiques du pouvoir en Afrique en général et en Centrafrique en particulier avant de s’engager aux côtés de leur pygmalion. Ces cautions et mécènes savent bien que notre système politique préfère traiter les Centrafricains tels qu’ils sont et non tels qu’ils devraient être ; c’est-à-dire que nous nous accomodons aux pratiques dégradantes, humiliantes et alimentons la condescendance de nos dirigeants même dans les Eglises où l’on prèche la parole de libération et ne cherchons pas les voies et moyens pour nous épanouir ! .

La question du choix des hommes appelés à piloter le navire qu’est notre pays en pleine tempête de la mondialisation et des ravages du Sida n’est ni une question de rustine à placer par ci et par là. Il s’agit de la place de notre pays, de la défense de nos intérêts supérieurs et de notre positionnement dans le concert des nations Africaines et du monde. Il ne s’agit point d’aller chercher des spécialistes des larmes de crocodile .

Le contexte mondial nous démontre jour après jour qu’aucun chef d’Etat –fut-il de l’Algérie, du Sénégal ou d’Afrique du sud- pour se référer aux pères du NEPAD- ne saurait à lui seul sortir son pays des griffes de la misère. Il est capable de faire des mirages démagogiques certes mais pas de miracles économiques. Ce temps est révolu. La mondialisation nous fait une sorte d’injonction d’associer à la gestion des intérêts du pays, les partenaires issus de l’entreprise et de la société civile. Le temps de mettre la charrue avant les bœufs est révolu. Réaliser la décentralisation sans avoir en face ni les hommes ni les moyens ou parce que c’est à la mode ailleurs, relève du délire ! Dans des pays où il n’existe ni épargne privé ni capitaux privés et publics, considérer que la privatisation des entreprises du secteur public et parapublic est une solution à la sortie de crise, c’est faire prendre au patrimoine national le même chemin que la défunte Air Afrique. Les entreprises publiques d’ailleurs deviennent chez nous de véritables firmes multinationales et on analyse comme des investissements directs étrangers ce qui est une opération de spoliation à grande échelle. C’est dénaturer et dévoyer les mécanismes économiques sans scrupule au nom d’une appropriation sommaire de concepts marketing et managériaux.

- Quand à l’orientation économique.La question se pose en termes de tête de pont à trouver pour notre bataille contre la pauvreté. Quels sont les points d’appui, les points d’ancrage ou de pivot sur lesquels s’appuyer pour réussir la régionalisation râtée. Les régions ne peuvent demeurer des repaires de prédateurs . il est impératif d’y repérer des facteurs par une remise en cause de nos affirmations péremptoires pour impulser une authentique culture du développement humain sur le plan local et national. Quelle est la démarche que je propose ?

Partant du postulat que ce n’est ni Monsieur Massy, ni Monsieur Ngoupandé ni Monsieur Bozizé ni Monsieur Patassé ni Monsieur Kolongba ni Monsieur Goumba etc – dont je ne remets en cause les capacités et le dévouement voire le patriotisme- pourquoi pas, pendant qu’on y est- que la mondialisation et ses relais locaux cherchent. La mondialisation est en quête des organisations responsables, crédibles et des leaders qui savent fixer un cap à moyen, à moyen et à long termes à leur peuple. La Centrafrique est intérieurement et globalement désenclavée même avant les contorsions et les turpitudes de Kolingba et Patassé. L’enjeu des années qui viennent pour notre pays est de réussir à consolider les conditions préalables au démarrage – pour emprunter une réthorique chère à Rostow. ( Les cinq étapes de la croissance économique) puis de faire émerger les facteurs favorables à l’insertion dans les échanges internationaux. Par quoi commencer et quel sera le mode opératoire ?

Commençons par élaborer le diagnostic local des ressources susceptibles de nous servir de levier ou de points d’appui et de constituer des couveuses de capital social. Nous avons six régions, 16 Préfectures, 44 Sous-Préfectures, des communes rurales. Le diagnostic ne saurait se réduire à la description statique des faiblesses, des handicaps ou des retards du territoire par rapport à d’autres territoires plus avancés. L’Ombella-Mpoko a naturellement plus d’infrastructure que Le Bamingui ou Vakaga mal désservies. Il faut inventer une autre manière de faire un diagnostic local des ressources ; celle qui consiste à s’interroger sur l’activité de base qui peut être valorisée à l’extérieur du territoire, son exportation attirant des revenus et engendrant d’autres activités sur le territoire considéré comme ce fut le cas pour le coton. Une fois identifier cette activité basique, on cherche à voir comment réunir et entretenir les intrants nécessaires et les marchés extérieurs correspondants.

Réunir les conditions préalables au démarrage ( Rostow précité) c’est aussi envisager le diagnostic local des ressources à partir d’une autre démarche, d’une autre logique à déployer ; celle du type de cohérence qui peut exister entre différentes ressources d’un territoire. Je pense au marché du pain de manioc dans la CEMAC. Les Camerounais, les Tchadiens, les Congolais et autres mangent tous du pain de manioc. Patassé – en tant qu’agronome -aurait dû développer l’émergence de ce marché que d’inviter démagogiquement les planteurs du Coton à la désobéissance civile ou au boycott. Je pense aussi au marché de la plante plantin, à celui de l’igname et à celui du piment. Les fabricants de paniers de manioc ( marché de l’emballage et du conditionnement) y trouveraient leur compte et on construirait des coopératives de producteurs avec des cahiers de charges ect pour une production satisfaisant les économies d’échelle ! La Somalie est consommatrice de riz, de petit mil et c’est nous ne sommes pas en capacité de profiter de cette manne ! Le développement local croise des dimensions de plusieurs ordre : 

- économique (cet ordre passe par la valorisation d’activités productives sur les différents marchés en liaison avec la satisfaction des besoins sociaux)

- communautaire (les efforts conjugués des différents membres d’une communautés les sous-tendront.Le contexte international est propice à la coopération décentralisée notamment par le moyen de jumelage des communes. Au niveau national, les Maires de Baboua ou de Ndélé ou de OBO se connaissent-ils ? Qu’est-ce qu’ils peuvent faire ensemble ou apprendre des uns et des autres ?. La décentralisation ne doit pas se limiter à cantonner les régions ou à juxtaposer les régions sans l’implication des citoyens et des acteurs de la société civile .

- institutionnel ( l’insertion des dimensions publiques et privées est au cœur de l’établissement des conditions du développement. Quel rôle peuvent jouer les Préfets, Sous-Préfets et les élus de la Régions toutes tendances confondues et le Maires des communes rurales dans un projet ? La dimension institutionnelle donne sa caution et confère une légitimité nationale au projet de développement des communautés villageoises .

Tel que défini, le diagnostic local de ressources s’organise autour de l’analyse liée de ces trois pôles. Une articulation " institutionnelle-économique " sans dimension communautaire risque de déboucher sur des stratégies extraverties et fragilisant à terme le territoire. De même que des articulations "  institutionnelles- communautaires " sans contenu économique risquent de déboucher sur des politiques d’assistance plus que de mise en gestation d’une culture de développement humain. Pour terminer, cette analyse de mise en cohérence et de fertilisation croisée de synergie devra être consignée dans un schéma directeur national et soumis à l’adhésion des parties prenantes, de la représentation nationale et garanti par l’Etat.

Conclusion :

Le paradoxe de la situation de la Centrafrique est que le genre d’Etat et le genre d’organisation sociale que nous avons actuellement est loin de nous qualifier pour jouer dans la division des pays en voie de développement qui tentent de réunir tant bien que mal les conditions préalables de leur démarrage et pourtant il est urgent et nécessaire qu’on le fasse au risque d’être mis au placard par les institutions supranationales et intergouvernementales. La communauté internationale nous enjoint d’arrêter de raser le mur et de lui prouver que nous ne sommes pas que des mesquins et des casseurs. Présentons un bon projet de société..

Il est de notoriété que les hommes vont là où il y a de l’argent. Nous pouvons, en devenant créatif, en construisant un avantage différentiel par l’effort de nous inserrer dans les échanges internationaux, l’argent finira par venir chez nous. Evoluopns de la culture de consommation mesquine à la construction d’une culture de développement humain.

Aux compatriotes qui me reprochent la longueur de mes papiers et leur complication, je veux d’abord les remercier de l’honneur qu’ils me rendent en prenant le temps de me lire. Ensuite, je veux leur dire que la contribution au débat ne saurait se réduire à un ramassi d’insultes et de propos condescendants. Il est questio- me semble t-il de confrontation d’analyses, de solidité et pertinence de problématiques. Nous contestons la logique et les orientation de ceux qui ont cru avoir la clé de lecture de notre société. Ne faut-il pas – tout en ayant du respect et de la considération pour eux et pour leur famille – faire la démonstration des insuffisances de leur vision et de la pauvreté de leurs outils ! C’est ce que je m’emploie à faire. D’autre part, j’ai l’opportunité de connaître le cercle des anciens ministres Centrafricains. A certaines questions, nombre d’entre eux objectent que " c’est de la théorie, que la réalité est plus complexe que çà ou que c’est une jalousie ou la manifestation timorée d’une frustration ou que nous voulons être tous des ministres etc ".

Aucune de mes contribution n’est une lettre de motivation à l’appui d’une candidature à un poste ministériel. D’ailleurs je suis trop vieux pour avoir de telle aspiration. A l’exception de la bourse qu’au nom du contribuable Centrafricain- rendu invisible et inconsidéré- je n’ai bénéficié d’aucune largesse de personne. Je suis habitué à une ascension professionnelle consécutive à des efforts alors je me vois mal en train de tomber dans le piège d’un roublard de politicard dont le premier geste qu’il peut effectuer avec talent serait de m’envoyer paître dans la précarité pour que je revienne l’implorer.

Je ne laisserai jamais tomber dans les oubliettes le nom du contribuable Centrafricain. Chaque fois que je peux,il sera au cœur de mes recherches et de mes préoccupations…Les opportunités que j’aies d’expérimenter ces orientations sont pour moi l’occasion de brandir haut et fort le nom de centrafrique, mes origines.

* L’auteur est enseignant en sciences de gestion à l’IUT-IUP ( Université de rouen)
3è Vice Président de la section française de DEI, il est depuis Février 2004 membre du comité de rédaction de la Norme NF du commerce équitable et collabore en tant qu’expert de l’économie sociale et solidaire au sein du comité européen de coordination.- Les réactions et les contributions à cet article seront bienvenues.

Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 19