FABRIQUE DE MISERE OU QUETE DUN CADRE DE REFERENCE ET REFERENTIELS COMMUNS DORIENTATION POLITIQUE EN VUE DE L EMANCIPATION SOCIO ECONOMIQUE DU CITOYEN ?
par Gervais Douba.(*)
A lire les éditorialistes de tout média confondu , les commentateurs , les analystes et les décrypteurs artistiques les plus avisés des actualités politiques de Centrafrique, le CNT aurait voté à lunanimité le principe de lélaboration dune Constitution de la IVè République. Que le projet de constitution salignerait sur le modèle français quant à la durée du mandat présidentiel et aux prérogatives du premier ministre. Ce dernier serait lémanation du parti majoritaire ou de la coalition de partis qui aurait la majorité au parlement. Bref, le régime dont on esquisse les contours serait profilé mi-présidentiel mi- parlementaire. Cette IVè République en de gestation, ressemble à sy méprendre, au régime français ; ce qui en soit nest pas mauvais car, le modèle Français fait bien partie des grands modèles de démocraties dans le monde. Les constitutions Israélienne, Allemande, et bien dautres pays ont croisé les modèles Britannique et Français ou Américain Britannique et français dans leur logique même si le construit est différent. La question ne se pose pas en termes de modèle de référence aussi idéal et luxuriant soit-il. La question fondamentale est celle du contenu et de lefficacité de linstrument ou du mécanisme dans son maniement. Remplit-il sa mission quel que soit le pilote ?. Comme le faisait remarquer J.J.Rousseau dans lEmile et même subtilement dans le Contrat Social, une bonne pédagogie entre les mains dun mauvais maître peut devenir une mauvaise pédagogie. En revanche, une mauvaise pédagogie entre les mains dun bon maître a de chance de devenir une bonne pédagogie dans sa pratique. Donc le défi que les Centrafricains doivent relever dans la mise en place de nouvelles institutions Républicaines se pose en termes de responsabilité plurielle à légard des enfants, des jeunes en difficulté, des personnes vulnérables , des différentes composantes de la société civile, et des partenaires économiques tant de la sous région que sur le continent et le reste du monde. La constitution ne saurait se borner à être un patchwork dinjonctions paradoxales par ci et de quadrature de cercle par là .
Si vous me permettez, relisez avec moi le livre du prophète Néhémie .Ce prophète nous donne le modèle inégalé dexemple darchitecture de reconstruction dun tissu social en lambeau et une mise en perspective . En dautres termes il nous invitait à prendre dabord en compte les responsabilités non réduite à lapproche juridique mais sur le plan des rôles et attributions de chacun de nous avec obligation de rendre compte Qui fait quoi où et en vertu de quelle expertise et quelles sont les responsabilités spécifiques de chacun. Responsabilité à légard du système éducatif ( Voltaire disait que lEcole est le temple de la démocratie et linstituteur son prêtre). Responsabilité à légard des utilisateurs des services publiques ; enfants et adultes .
La question des articulations des responsabilité ou de leur absence doit être clarifiée et posée comme conditions siné qua non daccès à tous les niveaux de pouvoirs de décision et de lexercice de ce pouvoir pour éviter que des virtuoses du prosélytisme politique et syndical débarquent en sauveur -rédempteur pour faire des contorsions et faire à nouveau de notre pays, une fabrique de misère et vertige.
Cette contribution ne se veut ni une prescription à qui que ce soit ni emprunter un ton magistral pour ne pas dire doctorale. Elle sinscrit dans la logique d une invitation à faire un état des lieux , à faire un repérage des nuds de complexité problématique, des contradictions, voire des conflits entre lEtat, le marché et la société civile dune part et entre lEtat, les partis politiques et le reste du monde. Quel pacte social nous propose chacun deux et avec quelle marge de manuvre ?. Nétant pas du tout doué pour le don doctoral et lexpérience que jaie de la gestion dun mouvement de jeunes en Centrafrique, renforcée par celles capitalisées en France et en Europe, plus mon vieil âge mincitent à de la précaution. Je nai ni les clés dune réforme économique en Centrafrique ni la magie de transformer les choses ni la vision angélique du patriotisme. Mais je convie les nostalgiques du maintien de la Centrafrique en état dinfantilisation permanente, les allergiques à lémancipation économique et sociale voire à laffirmation de la dignité des Centrafricains et les commanditaires des mutineries à répétition et des coups dEtat remparts pour mieux organiser leur prédation violente et nous maintenir économiquement sous dialyse et politiquement sous perfusion , à commencer à sindigner à se rendre compte que leur méthode est surannée ; Que cette dernière vacillera tôt ou tard et que cest tout à leur honneur, face aux dégâts que cause le Triangle de la Misère ( Ignorance-Faim-Maladie), de remettre en cause leur procédé et la logique quils mobilisent pour le faire aboutir Que cette constitution ne soit pas le reflet des résolutions du DN.( cf nos analyses et observations parues dans "Sangonet "
A la lumière des dégâts causés et que cause le Triangle de la misère chez nous ; effondrement des repères, éclatement des familles, suspicion etc, je marroge modestement le droit dinterroger les destinataires de cet article - ce qui à mes yeux ressemble à une lettre ouverte. Je nai aucune légitimité et je ne me prévaux de rien dautres que du droit de vigilance alimentée en cela par linformation et la formation. Les faits et les intrigues de palais érigés en principe de gouvernance chez nous, tiennent-ils compte de laggravation de la pauvreté- [ 70% des habitants de Centrafrique vivent de lagriculture, pendant que les 15- 20% sont corvéables à merci et se contentent du statut précaire de la fonction publique civile et militaire. Les 10% appartenant à divers castes daristocrates et de snobes autocrates] dont personne na le remède tant dans les pays riches que dans les pays pauvres, je me permets de vous demander davoir la décence de vous laisser interpeller sur les points suivants : La Centrafrique sinscrit-elle dans lobjectif du millénaire de lONU- dit OMD, qui est de diviser la pauvreté par deux de 1990 à 2015 ?
Bien que je ne sois ni éditorialiste ni leader dopinion, je minterroge de savoir si la future constitution doit continuer- comme ses prédécesseuses- à légitimer puis légaliser le passage - sans état dâme - dun Etat concédant des mines de diamant à ses cautions politiques mais non solidaires vers un Etat tyrannique, de concussion et de forfaiture ? Une constitution étant mélange de réalité et louverture vers un idéal de société, la nôtre qui est en gestation va-t-elle être construite sur le sable comme lont été les travaux du DN- ou sur du roc ? Le CNT nayant que voie consultative - nest-il pas en train de faire le lit à une société sans repères ni référentiels, sans échine ni colonne vertébrale ? A loccasion du DN, Bozizé et sa constellation ont réussi à faire du CNT- non un Conseil National de Transition mais un Conseil National de Torpilleurs par la multiplication du folklore et le dévoiement voire la bifurcation des quelques résolutions dignes de ce nom ! . (I)
Létendue et la profondeur de la pauvreté dun peuple, dune nation voire dun pays ne sexpliquant pas uniquement par les effets de la mondialisation mais plus par sa non participation à la mondialisation tant au niveau régional, continental que planétaire, quelle place la constitution accordera-t-elle à linsertion de la Centrafrique dans les échanges internationaux à commencer par la CEMAC, dans le cadre des orientations politiques du NEPAD et autres dont lUE ? (II)
Revisiter et/ou renouveler lapproche du pouvoir .
Quand les éléphants se battent, ce sont les fourmis qui sont écrasées
Proverbe Kényan
Comme de nombreux pays ex colonisés et en voie de développement, le système politique Centrafricain devrait commencer à faire sa mue. Sil est compréhensible que les politiques de libération nationale aient engendré lapproche autoritariste, patrimoniale et clientéliste à travers le parti unique , il y a nécessité et urgence de commencer à admettre que face aux exigences de la vie quotidienne dont la santé, la faim et léducation , certains sacerdoces ne sont plus de mise. Le tracé de la trajectoire de développement ne passe plus nécessairement par la toute puissance dun parti unique ou dun régime militaire intimidant et répressif .La Centrafrique na connu quun Etat militaire et policier ( lutte pour la libération nationale assorties des accords de défense à titre exclusif pour chef dEtat en déroute et non pour la nation). Cet Etat a entrepris un semblant de capitalisme dEtat sur le plan économique . Les quelques entreprises publiques et parapubliques ont été transformées en repaires pour copains obséquieux mais menacés de disgrâce ; sagissant des militaires. Ainsi, les sociétés dEtat et les Préfectures sont des gâteaux que se sont partagés les " pères des indépendances et ceux qui sont de connivence" "avec eux. LEtat Centrafricain na pas connu lEtat- providence quant à ce qui le caractérise. Cette dimension " providence " serait-elle lattribution des bourses détudes et le maintien des internats dans le système éducatif jusquen 1976 ?
Renouveler la problématique de lapproche du pouvoir revient à inventer de nouveaux mécanismes et faire émerger de nouveaux acteurs dans le jeu et lorganisation des institutions. Sur quel ancrage reposeront les instituions, quels en seront les socles, non pour perpétuer voire aggraver la sclérose dont elles souffrent mais pour desserrer létau faire éclore linitiative et la créativité ?. Je vais être concret : Ladministration civile et militaire sont les seules pourvoyeuses de revenus et de richesses sans création de valeur ajoutée. Le chef de lEtat et le gouvernement en sont les clés de voûte. Pour un oui ou pour un non, vous devenez du jour au lendemain ou très riche et influent ou très pauvre et miséreux. Les voies dalternative daccès de création et daccès à la richesse ne sont pas légions à lexception des voies de concussion et de forfaiture. A tous les niveaux du pouvoir, on a à faire à des autocrates ; les mécanismes de féodalité et de passe-droit paralysent Nous sommes le pays où le mur du paradis est mitoyen de celui de lenfer- tout au moins pour les anciens ministres et autres Directeurs généraux. Loin de moi lidée de soutenir la thèse quailleurs cest mieux ou quen France cest mieux ! Dailleurs , intellectuellement cest manquer de probité que de comparer les mécanismes politiques de la Centrafrique à ceux de la France et puis, dans une analyse, on compare ceux qui est comparable notamment lordre des grandeurs, léchelle de référence . Les logiques de comparaison ont loriginalité déchapper à la manipulation politique.
Après la libération nationale, les mécanismes politiques sont restés aussi nains que les nains de jardin. Des concepts tels que la " Réforme ", " les Etats généraux de " sont mis en scène pour donner à certains fauves de cirques, loccasion de faire le chantre et les griots. Les résolutions sont des apocryphes et en tant que tels, prennent naturellement la route des placards! Nous allons de Conventions en désunions Il y a peu de place au soleil et nombreux sommes nous qui nous croyons légitimement appelés. Cette situation engraisse les corrupteurs
Lincurable insurgé que je suis, suggère aux patriotes enfouis dans les différentes composantes de lEtat, du marché aussi tenté quil en existe et la société civile de tout mettre en uvre pour que par léducation civique et citoyenne et non le prosélytisme et la propagande- ils finissent par obtenir une constitution qui fassent affleurer les principes suivants en partant du postulat que quel que soit le chef de lEtat qui sortira de nos cénacles et autres conclaves, à lheure de la mondialisation, il peut, certes faire des mirages et non des miracles pour rendre la Centrafrique économiquement et socialement attractive et à même de capter les externalités susceptibles de structurer des pôles économiques et le capital social( différent du capital humain. Cf nos analyses dans Zorro à Zéro)
- Les libertés politiques ( libertés publiques et libertés individuelles) et la démocratie se conquièrent tous les jours par laffirmation et la promotion des droits civiques , économiques et culturelles. Leur amélioration est facteur de progrès socio-économique.
- LEtat ne peut travailler au progrès de ces libertés inaliénables des tous individus et communautés constituant les nations Centrafricaines quen coopération avec la société civile et dans le respect des règles du marché.
- Affirmer la primauté de ladhésion de lEtat, du peuple Centrafricain à travers ses représentants et la société civile à la culture du dialogue et de la négociation politique comme seul moyen de règlement de conflit.
- Affirmer la primauté de la voie démocratique comme seule voie daccès aux pouvoirs, de la magistrature suprême aux différentes instances dirigeantes de la société civile. (Pour tout mandat électif, limiter la durée et les cumuls à deux mandats lorsquil y a rémunération)
- Affirmer la nécessité de lengagement concerté des partis politiques et des composantes de la société civile ( qui ne doivent en aucune manière être instrumentalisés ou servir de cou rois de transmission des partis politiques ou être inféodés à eux ) pour concourir à lexpression et à la préservation des valeurs Républicaines et Démocratiques de la Centrafrique par la signature dune plateforme. Que dans cette plateforme , il soit mentionné la préservation de lunité nationale, la préservation de la liberté de culte et de la conscience dans un Etat laïque aux intérêts contradictoires mais complémentaires, la nécessité des parties prenantes de travailler à léclosion des conditions de sortie dune économie de subsistance et laccès à léducation, la santé et lautonomie alimentaire.
II : Linsertion dans les échanges internationaux comme levier structurant la culture de développement humain.
" Dis moi et joublie, montre moi et je peux me souvenir, inclus moi et je comprendrai. Seul un travail de terrain départage les indécis "
Proverbe Chinois.
Je prétends que lenjeu fondamental des rendez-vous institutionnels qui se préparent, est de changer de dogme, de paradigme politique et socio économique, demmener les Centrafricains à rompre les amarres avec les ancrages et autres pesanteurs psychologiques obsolêtes et dadhérer aux valeurs des sociétés en mouvement dans lesquelles nous vivons. Pour cela, je pars de deux postulats :
- Postulat fondé sur lactualité .Dans un contexte déconomie mondialisée où les pays leaders, même du continent Africain ( NEPAD oblige ) admettent le passage dune gestion des peines à une gestion des pannes ; ce quon redoute- ce nest pas lappel à la miséricorde et à la commisération publique des nations et entités chaotiques ingouvernables (dont nous faisons parties) puisque le droit dingérence humanitaire ponctuel est là- mais la panne des facteurs automatiques de production et la panne des instruments qui doperaient la consommation.
Le dernier G8 qui, réhabilitant enfin la microfinance et arrêtant des mesures opérationnelles, confirme ce que javance.
- Postulat fondé sur lhistoire : En me référant à la Bible ( Néhémie), jentends par là que nous ne sommes pas les seules espèces créées par Dieu à avoir des institutions politiques et sociales sans normes ni repères, chaotiques voire capharnaümiques. Mais nous sommes sommés par Dieu à faire montre de maturité, de discernement et de lucidité quant aux incidences socio-économiques des choix de nos institutions. Ca ne doit pas faire honneur à Dieu de nous voir diriger par des pygmalions ou des moutons de panurge de la françafrique ou ( comme le dénonçait un grand homme dans un discours désormais célébre) des carterons de généraux à la retraite ;
Permettez moi de compléter les écrits de Néhémie par une autre illustration que minspire une lecture récente.().
Intitulée " la chose la plus précieuse du monde " cette fiction rapporte comment un ange désobéissant a eu maille à recouvrer à nouveau la bénédiction de créateur. Les faits sont les suivants : Un jour, un ange a désobéi à Dieu. Il sest humilié devant son trône pour implorer son pardon. Dieu lui a dit : Je ne te punirai pas, mais en réparation pour ton péché tu retourneras sur la terre et tu me rapporteras la chose la plus précieuse du monde.
Lange retourne sur la terre, il traverse les collines et les vallées, les mers et les rivières à la recherche de la chose la plus précieuse.Après de nombreuses années, il se retrouve sur un champ de bataille et aperçoit un soldat en train de mourir dune blessure reçue alors quil défendait son pays. Lange prend une goutte de sang et lapporte devant le trône de gloire mais le Seigneur lui dit : " La goutte que tu mas apportée est précieuse, mais ce nest pas la chose la plus précieuse ".;
Lange retourne sur la terre. Après des années de recherches, il arrive dans un hôpital oùune infirmière est en train de mourir dune maladie quelle a attrapée en soignant les autres. Alors quelle rend son dernier souffle, lange saisit ce souffle et lapporte devant le trône du jugement.
Dieu sourit à lange et lui dit : " En vérité, le sacrifice pour les autres est une chose qui mest infiniment précieuse, mais retourne sur terre et rapporte-moi la chose la plus précieuse du monde "
Lange retourne sur la terre pour la troisième fois et après des années derrance , se trouve dans une forêt profonde. U homme savance à cheval. Il porte la haine sur son visage. Il marche vers la maison de son ennemi, qui lui a fait tant de mal, afin de le détruire. Il regarde par la fenêtre de la maison et voit la femme de son ennemi mettre son enfant au lit en rendant grâce à Dieu pour les bénédictions de la journée. Lhomme se souvient de sa propre enfance, comment sa mère lui apprenait à prier comme Jésus-christ avait appris le " notre père qui es au cieux à ses disciples ". Le cur de cet homme se fond et une grosse larme roule le long de sa joue. Lange se précipite, recueille la larme et retourne au ciel pour la présenter à Dieu ; " Voici Seigneur une larme de repentance "
Le visage de Dieu sillumine et il dit à lange :
" En vérité, tu mas apporté là, la chose la plus précieuse du monde. La repentance ouvre les portes du ciel "
Les deux postulats appellent deux observations quant aux choix des hommes et à lorientation socio-économique et politique qui détermine ou impulse leurs choix fondamentaux. :
- Sagissant du choix des hommes. Les Saintes écritures sont, par omission ou volontairement restées muettes quant au sort de Néhémie. A-t-il , à linstar de Moïse- râté son entrée en terre promise ! Sest-il autoproclamé " Grand Timonier ", " Père incontesté et très vénéré de la nation ? ". Sest-il fait érigé un monument ou sest-il fait panthéoniser ?. La bible raconte quaprès avoir accompli la mission pour laquelle il a obtenu grâce aux yeux du Roi, il est reparti occuper son poste davant ; il goûtait le vin du roi avant que ce dernier ne le porte à la bouche . Il doit nous rappeller limportance du " Porcher "( cf nos analyses dans de Zorro à Zéro " parues dans Béafrica et Sangonet
Sur un plan strictement analytique, Néhémie ou Moïse nous renvoient à deux modèles de management politique.
Les cautions et mécènes de nos hommes politiques observent les usages et les coutumes des pratiques du pouvoir en Afrique en général et en Centrafrique en particulier avant de sengager aux côtés de leur pygmalion. Ces cautions et mécènes savent bien que notre système politique préfère traiter les Centrafricains tels quils sont et non tels quils devraient être ; cest-à-dire que nous nous accomodons aux pratiques dégradantes, humiliantes et alimentons la condescendance de nos dirigeants même dans les Eglises où lon prèche la parole de libération et ne cherchons pas les voies et moyens pour nous épanouir ! .
La question du choix des hommes appelés à piloter le navire quest notre pays en pleine tempête de la mondialisation et des ravages du Sida nest ni une question de rustine à placer par ci et par là. Il sagit de la place de notre pays, de la défense de nos intérêts supérieurs et de notre positionnement dans le concert des nations Africaines et du monde. Il ne sagit point daller chercher des spécialistes des larmes de crocodile .
Le contexte mondial nous démontre jour après jour quaucun chef dEtat fut-il de lAlgérie, du Sénégal ou dAfrique du sud- pour se référer aux pères du NEPAD- ne saurait à lui seul sortir son pays des griffes de la misère. Il est capable de faire des mirages démagogiques certes mais pas de miracles économiques. Ce temps est révolu. La mondialisation nous fait une sorte dinjonction dassocier à la gestion des intérêts du pays, les partenaires issus de lentreprise et de la société civile. Le temps de mettre la charrue avant les bufs est révolu. Réaliser la décentralisation sans avoir en face ni les hommes ni les moyens ou parce que cest à la mode ailleurs, relève du délire ! Dans des pays où il nexiste ni épargne privé ni capitaux privés et publics, considérer que la privatisation des entreprises du secteur public et parapublic est une solution à la sortie de crise, cest faire prendre au patrimoine national le même chemin que la défunte Air Afrique. Les entreprises publiques dailleurs deviennent chez nous de véritables firmes multinationales et on analyse comme des investissements directs étrangers ce qui est une opération de spoliation à grande échelle. Cest dénaturer et dévoyer les mécanismes économiques sans scrupule au nom dune appropriation sommaire de concepts marketing et managériaux.
- Quand à lorientation économique.La question se pose en termes de tête de pont à trouver pour notre bataille contre la pauvreté. Quels sont les points dappui, les points dancrage ou de pivot sur lesquels sappuyer pour réussir la régionalisation râtée. Les régions ne peuvent demeurer des repaires de prédateurs . il est impératif dy repérer des facteurs par une remise en cause de nos affirmations péremptoires pour impulser une authentique culture du développement humain sur le plan local et national. Quelle est la démarche que je propose ?
Partant du postulat que ce nest ni Monsieur Massy, ni Monsieur Ngoupandé ni Monsieur Bozizé ni Monsieur Patassé ni Monsieur Kolongba ni Monsieur Goumba etc dont je ne remets en cause les capacités et le dévouement voire le patriotisme- pourquoi pas, pendant quon y est- que la mondialisation et ses relais locaux cherchent. La mondialisation est en quête des organisations responsables, crédibles et des leaders qui savent fixer un cap à moyen, à moyen et à long termes à leur peuple. La Centrafrique est intérieurement et globalement désenclavée même avant les contorsions et les turpitudes de Kolingba et Patassé. Lenjeu des années qui viennent pour notre pays est de réussir à consolider les conditions préalables au démarrage pour emprunter une réthorique chère à Rostow. ( Les cinq étapes de la croissance économique) puis de faire émerger les facteurs favorables à linsertion dans les échanges internationaux. Par quoi commencer et quel sera le mode opératoire ?
Commençons par élaborer le diagnostic local des ressources susceptibles de nous servir de levier ou de points dappui et de constituer des couveuses de capital social. Nous avons six régions, 16 Préfectures, 44 Sous-Préfectures, des communes rurales. Le diagnostic ne saurait se réduire à la description statique des faiblesses, des handicaps ou des retards du territoire par rapport à dautres territoires plus avancés. LOmbella-Mpoko a naturellement plus dinfrastructure que Le Bamingui ou Vakaga mal désservies. Il faut inventer une autre manière de faire un diagnostic local des ressources ; celle qui consiste à sinterroger sur lactivité de base qui peut être valorisée à lextérieur du territoire, son exportation attirant des revenus et engendrant dautres activités sur le territoire considéré comme ce fut le cas pour le coton. Une fois identifier cette activité basique, on cherche à voir comment réunir et entretenir les intrants nécessaires et les marchés extérieurs correspondants.
Réunir les conditions préalables au démarrage ( Rostow précité) cest aussi envisager le diagnostic local des ressources à partir dune autre démarche, dune autre logique à déployer ; celle du type de cohérence qui peut exister entre différentes ressources dun territoire. Je pense au marché du pain de manioc dans la CEMAC. Les Camerounais, les Tchadiens, les Congolais et autres mangent tous du pain de manioc. Patassé en tant quagronome -aurait dû développer lémergence de ce marché que dinviter démagogiquement les planteurs du Coton à la désobéissance civile ou au boycott. Je pense aussi au marché de la plante plantin, à celui de ligname et à celui du piment. Les fabricants de paniers de manioc ( marché de lemballage et du conditionnement) y trouveraient leur compte et on construirait des coopératives de producteurs avec des cahiers de charges ect pour une production satisfaisant les économies déchelle ! La Somalie est consommatrice de riz, de petit mil et cest nous ne sommes pas en capacité de profiter de cette manne ! Le développement local croise des dimensions de plusieurs ordre :
- économique (cet ordre passe par la valorisation dactivités productives sur les différents marchés en liaison avec la satisfaction des besoins sociaux)
- communautaire (les efforts conjugués des différents membres dune communautés les sous-tendront.Le contexte international est propice à la coopération décentralisée notamment par le moyen de jumelage des communes. Au niveau national, les Maires de Baboua ou de Ndélé ou de OBO se connaissent-ils ? Quest-ce quils peuvent faire ensemble ou apprendre des uns et des autres ?. La décentralisation ne doit pas se limiter à cantonner les régions ou à juxtaposer les régions sans limplication des citoyens et des acteurs de la société civile .
- institutionnel ( linsertion des dimensions publiques et privées est au cur de létablissement des conditions du développement. Quel rôle peuvent jouer les Préfets, Sous-Préfets et les élus de la Régions toutes tendances confondues et le Maires des communes rurales dans un projet ? La dimension institutionnelle donne sa caution et confère une légitimité nationale au projet de développement des communautés villageoises .
Tel que défini, le diagnostic local de ressources sorganise autour de lanalyse liée de ces trois pôles. Une articulation " institutionnelle-économique " sans dimension communautaire risque de déboucher sur des stratégies extraverties et fragilisant à terme le territoire. De même que des articulations " institutionnelles- communautaires " sans contenu économique risquent de déboucher sur des politiques dassistance plus que de mise en gestation dune culture de développement humain. Pour terminer, cette analyse de mise en cohérence et de fertilisation croisée de synergie devra être consignée dans un schéma directeur national et soumis à ladhésion des parties prenantes, de la représentation nationale et garanti par lEtat.
Conclusion :
Le paradoxe de la situation de la Centrafrique est que le genre dEtat et le genre dorganisation sociale que nous avons actuellement est loin de nous qualifier pour jouer dans la division des pays en voie de développement qui tentent de réunir tant bien que mal les conditions préalables de leur démarrage et pourtant il est urgent et nécessaire quon le fasse au risque dêtre mis au placard par les institutions supranationales et intergouvernementales. La communauté internationale nous enjoint darrêter de raser le mur et de lui prouver que nous ne sommes pas que des mesquins et des casseurs. Présentons un bon projet de société..
Il est de notoriété que les hommes vont là où il y a de largent. Nous pouvons, en devenant créatif, en construisant un avantage différentiel par leffort de nous inserrer dans les échanges internationaux, largent finira par venir chez nous. Evoluopns de la culture de consommation mesquine à la construction dune culture de développement humain.
Aux compatriotes qui me reprochent la longueur de mes papiers et leur complication, je veux dabord les remercier de lhonneur quils me rendent en prenant le temps de me lire. Ensuite, je veux leur dire que la contribution au débat ne saurait se réduire à un ramassi dinsultes et de propos condescendants. Il est questio- me semble t-il de confrontation danalyses, de solidité et pertinence de problématiques. Nous contestons la logique et les orientation de ceux qui ont cru avoir la clé de lecture de notre société. Ne faut-il pas tout en ayant du respect et de la considération pour eux et pour leur famille faire la démonstration des insuffisances de leur vision et de la pauvreté de leurs outils ! Cest ce que je memploie à faire. Dautre part, jai lopportunité de connaître le cercle des anciens ministres Centrafricains. A certaines questions, nombre dentre eux objectent que " cest de la théorie, que la réalité est plus complexe que çà ou que cest une jalousie ou la manifestation timorée dune frustration ou que nous voulons être tous des ministres etc ".
Aucune de mes contribution nest une lettre de motivation à lappui dune candidature à un poste ministériel. Dailleurs je suis trop vieux pour avoir de telle aspiration. A lexception de la bourse quau nom du contribuable Centrafricain- rendu invisible et inconsidéré- je nai bénéficié daucune largesse de personne. Je suis habitué à une ascension professionnelle consécutive à des efforts alors je me vois mal en train de tomber dans le piège dun roublard de politicard dont le premier geste quil peut effectuer avec talent serait de menvoyer paître dans la précarité pour que je revienne limplorer.
Je ne laisserai jamais tomber dans les oubliettes le nom du contribuable Centrafricain. Chaque fois que je peux,il sera au cur de mes recherches et de mes préoccupations Les opportunités que jaies dexpérimenter ces orientations sont pour moi loccasion de brandir haut et fort le nom de centrafrique, mes origines.
*
Lauteur est enseignant en sciences de gestion à
lIUT-IUP ( Université de rouen)
3è
Vice Président de la section française de DEI, il est depuis
Février 2004 membre du comité de rédaction de la Norme NF du
commerce équitable et collabore en tant quexpert de
léconomie sociale et solidaire au sein du comité
européen de coordination.- Les réactions et les contributions
à cet article seront bienvenues.