Bangui serait-il devenu la capitale de l'argent sale ? - 300 milliards en quête de blanchiment

Par H. GROTHE & J. KPIDOU

 

(Texte suivi d'un point de vue de Paul : 300 milliards de francs sortis de la RCA)

 

De sources proches de Yaoundé, Banque des États de l'Afrique Centrale, B.E.A.C., recoupées à Paris, nous apprenons qu'une mission d'inspection de cette institution séjourne à Bangui depuis quelques jours où elle serait rejointe par une autre équipe du Trésor français.

Motif ? L'établissement national dirigé par M. YOLOGAZA Jonas, la BEAC-Bangui, aurait tenté de transférer vers la Suisse, la coquette somme de 300 milliards de francs CFA pour le compte des autorités centrafricaines.

L'affaire ferait actuellement grand bruit dans les chancelleries et organismes financiers internationaux.

De l'avis des experts, l'énormité des sommes ne serait comparable qu'à l'énormité de la bêtise des autorités centrafricaines. Un tel montant se situe à l'antipode de la capacité financière d'un pays qui jouit d'une indécrottable réputation de "gestionnaire incapable de bonne gestion ". Les autorités centrafricaines sont réputées indiscutablement mauvais gestionnaires ; le montage du simple dossier ou document financier leurs échappant totalement. Les anecdotes sur ces autorités ne cesseraient d'ailleurs d'alimenter les conversations des experts des institutions de Bretton Wood, du Club de Paris ou encore de la Zone Franc à chacun de leurs passages à Bangui.

Ces autorités sont aussi inaptes dans la mobilisation des recettes fiscales.

Le Premier ministre centrafricain, Anicet Georges Dologuélé, présenté allègrement comme "banquier et financier d'expérience ", a récemment déclenché l'hilarité générale chez les fonctionnaires du F.M.I., de la Banque mondiale, de la Caisse française de développement et même chez ses anciens collègues de Yaoundé, lorsqu'il a osé budgétiser à hauteur de 70 milliards les rentrées fiscales pour l'an 2000. Une somme pourtant dérisoire au regard des potentialités du pays. C'est que depuis l'arrivée de Patassé, les taux de recouvrement ou de réalisation (de son budget) n'ont jamais dépassé 35 %, même avant les fameuses Mutineries. Alors qu'ils ne viennent pas, mais surtout pas, une fois de plus expliquer les incapacités financières ou économiques de l'État-Mlpc par ces ex-Mutins.

L'économie centrafricaine ne peut donc pas produire "normalement " un tel niveau de fonds. Même en y ajoutant les flux en provenance des bailleurs internationaux, il est quasiment impossible d'approcher le dixième (10%) de cette somme actuellement en litige.

D'où viendrait donc cette manne litigieuse tombée d'on ne sait où ? Proviendrait-elle aussi d'un excédent fiscal (à la française) ? Ou, moins sérieusement, est-ce la somme promise par Mme Angèle Patassé pour le règlement des arriérés de salaires de la Fonction publique centrafricaine ?

La tentative de ce transfert aurait donc, en tous les cas, mis en alerte les autorités françaises ainsi que les organismes chargés de la recherche et de la répression de l'argent sale. Organisme qui avait déjà mis sous surveillance Bangui.

Apprécions ensemble le niveau des enjeux.

Il faut savoir que les estimations évaluent actuellement le montant de l'argent sale blanchi chaque année entre 3 et 5% du P.I.B. mondial, soit 4 200 milliards à 9 900 milliards de francs français. Cet argent passe ou réside dans les paradis fiscaux. Pour son blanchiment, une myriade de sociétés écrans ou de pays sur lesquels la mafia a fait mains basses interviennent. 300 milliards de francs CFA représentent donc entre 0,03 à 0,07 % des fonds illicites en circulation dans le monde.

Nous tenons là l'occasion de nous souvenir des promesses d'un Premier ministre centrafricain : résorber les arriérés de salaires au courant de cette année 2000 !

Écrasés sous les contingences matérielles, en lutte quotidienne pour leur survie et celle de leur famille, les fonctionnaires centrafricains ne peuvent qu'encourager le Premier ministre à tenir sa promesse dans un pays où l'État a depuis, fort longtemps, perdu le sens des principes. Dans une telle situation, ils sont moins regardants sur l'origine des fonds versés par le Trésor centrafricain. Mais s'il existe encore, dans le pays de Boganda, un soupçon de valeurs morales ou simplement de bon sens, alors les Centrafricains devraient réprouver la collusion de ce qui reste de l'État centrafricain avec le milieu mafieux de la finance criminelle !

Nous devons savoir que l'argent sale provient de la drogue et de la prostitution qui entretiennent le sida. Il provient aussi des ventes d'armes dont se servent les Zaraguinas, des détournements de fonds publics et des fraudes fiscales qui entretiennent et alimentent la corruption, de toutes les activités mafieuses de part le monde.

Un État qui s'en accommode, même pour des raisons "compréhensibles ", est un État qui criminalise son économie et sa société.

Nous devons savoir aussi que 300 milliards de francs CFA représente une somme considérable, pour ne pas dire colossale, en comparaison de la masse monétaire centrafricaine. Le retour d'une partie de cette somme, après le bouclage du cycle de blanchiment vers les divers bénéficiaires nationaux et internationaux, ne peut qu'avoir des effets désastreux sur la politique monétaire de notre zone. Une politique déjà insuffisamment coordonnée qui explique, pour partie, les différents rythmes de croissance des pays de la zone qui subissent, de ce fait, des chocs asymétriques, c'est-à-dire touchant les pays de manières profondément différentes.

Nous savons que notre appartenance à la zone Franc pose question ! De plus et à termes de telles opérations finiront par remettre en cause notre appartenance à la zone CFA de l'Afrique centrale. Toutefois, il est important de faire constater que ce ne seront pas sûrement l'irresponsabilité d'un Premier ministre fantaisiste, ni le copinage d'un Président de la République avec la mafia ou le grand banditisme international et encore moins le montage d'opérations sulfureux, sur fond d'argent sale, qui constituent les réponses à nos questions légitimes.

Affaire à suivre...

Gonesse-Lognes, 16 février 2000 (17h30)

300 milliards de francs cfa sortis de la RCA

S'ils ne sont pas trompés de deux 00, c'est que l'organisation criminelle et mafieuse au niveau de l'Etat centrafricain a atteint de telle puissance qu'elle peut enfoncer encore davantage toute l'économie de la région déjà par terre.

Citons succinctement les raisons :

- La masse monétaire dans la région ne correspondant pas du tout à la demande du crédit d'investissement par les opérateurs économiques de la région, les banques locales ne disposent pas de liquidité suffisante.

- Tout retrait de la masse monétaire importante de la région porte atteinte à l'économie de la région. La zone CFA souffre de grave pénurie de crédit en raison d'un taux de circulation de masse monétaire extrêmement bas.

Toute la région Congo-Kinshassa, Angola, Soudan et Nigeria se "refinance" à partir du CFA.

- La banque de France limite le taux de croissance de la masse monétaire à un niveau très bas afin d'éviter une inflation des prix.

- La Deutsche Bundesbank n'a jamais accepté l'alignement et la couverture du franc CFA par le FF. Toutes malversations dans la zone CFA susciteraient des réserves des institutions européennes et les conforteraient dans leur quête à obliger Paris de lâcher la zone CFA.

 

Si cela se produisait, se serait la catastrophe dans la mesure où la région n'est pas du tout préparée (et surtout ne veut pas se préparer) à une gestion monétaire saine, indépendante. L'essence de la "politique monétaire est un black box pour les gestionnaires de la région et la magie de la Banque de France". Alors qu'il est absolument nécessaire de prendre main toute la responsabilité de la gestion de la masse monétaire et du crédit.

Dans la mesure où les décideurs en de Centrafrique gèrent le pays comme du temps des concessions coloniales et d'esclavage" il est vain d'attendre autre chose d'eux !

 

On ne peut se sortir de cette situation que par action volontariste. La population devrait manifester son mécontentement par une grève générale et demander la démission des responsables de cet acte criminel à l'encontre de l'économie de la région. Mais elle manque de leaders authentiques et souffre de tout.

Les résultats des dernières élections frauduleuses, le silence de la classe politique sur les activités criminelles du pouvoir devraient faire réfléchir les Centrafricains où qu'ils se trouvent sur la décrépitude de notre pays et susciter l'avènement d'un front de refus.

Cette situation devrait également alerter les responsables politiques des pays amis, français notamment et les donateurs internationaux qui savent montrer du doigt les coupables des faits monstrueux.

Paul

(22 février 2000)

Actualité Centrafrique - Dossier 2