ALLIANCE POUR LA DEMOCRATIE ET LA SOLIDARITE (ASD) - CENTRAFRIQUE NOUVELLES PERSPECTIVES (CNP) - FORUM CIVIQUE (FC) - MOUVEMENT POUR LA DEMOCRATIE, L'INDEPENDANCE ET LE PROGRES SOCIAL (MDI/PS) - PARTI DE L'UNITE NATIONALE (PUN) - UNION POUR LA REPUBLIQUE (UPR)
JOURNEE NATIONALE DE CONCERTATION, 08 JUILLET 2000
D I S C O U R S D'O U V E R T U R E
PAR JEAN-PAUL NGOUPANDE
Ancien Premier Ministre |
Très chers amis leaders de l'ASD, CNP, FC, MDI/PS et UPR,
Chers amis cadres, militants et sympathisants de l'ASD, de CNP, du FC, du MDI/PS, du PUN et de l'UPR,
Chers invités,
Au nom des cinq autres leaders, mes frères Christophe BREMAIDOU, Denis KOSSI-BELLA, Timothée MALENDOMA, Daniel NDITIFEI-BOYSEMBE et Pierre SAMMY-MACKFOY, je souhaite la bienvenue à nos distingués invités représentant les partis politiques, les syndicats et associations de notre pays, ainsi que le Bureau de l'Organisation des Nations-Unies en Centrafrique (BONUCA).
Je salue la remarquable mobilisation de nos cadres, militants et sympathisants, venus très nombreux, malgré les difficultés de transport liées à la pénurie de carburants, et alors que nous avons disposé de très peu de temps et de moyens pour les informer. Vous démontrez ainsi votre attachement à notre pays. Vous êtes sensibles au triste sort qui est le sien aujourd'hui. Vous voulez vous battre pour que la situation change. Pour nous, les dirigeants que vous avez placés à la tête des six formations, votre présence massive est un message très clair : vous êtes déterminés à aller de l'avant ; vous nous encouragez à aller de l'avant. Vous nous demandez ; et vous avez raison, de montrer la voie. Ensemble, nous devons redonner espoir à ce peuple désespéré, ce peuple martyrisé, ce peuple qui n'a sans doute jamais autant souffert, depuis quarante ans que nous sommes indépendants.
A notre tour, nous vous assurons que vous pouvez compter sur notre engagement et notre détermination.
Comme vous le savez, nos six formations se sont retrouvées à l'occasion de l'élection présidentielle de 1999, et ont décidé de travailler ensemble pour organiser la campagne du candidat qu'elles ont librement choisi de soutenir. A force de travailler ensemble, quotidiennement, les leaders sont parvenus à un constat simple : celui de la parfaite identité de vue entre ces formations, identité de vue sur la nature de la crise que traverse notre pays, et sur la politique à suivre pour en sortir. Depuis un an, nous avons multiplié les occasions de prises de position communes, et confirmé ainsi l'existence d'un courant spécifique dans le paysage politique centrafricain, courant dont les caractéristiques essentielles sont les suivantes :
1/ un attachement viscéral à l'unité de la nation centrafricaine, et donc une hostilité implacable vis-à-vis du tribalisme et du régionalisme sous toutes les formes ;
2/ en conséquence, un attachement tout aussi viscéral à la paix et à l'évolution pacifique de notre pays, surtout dans le contexte de cette Afrique centrale en proie à de redoutables soubresauts qui en font l'une des régions les plus dangereuses de la planète. Pour nous, une mauvaise paix est toujours préférable à la guerre civile quelles qu'en soient les justifications.
3/ une adhésion complète aux valeurs de la démocratie, et une volonté ferme de contribuer à les asseoir solidement et durablement, pour en faire le soubassement du développement centrafricain.
4/ la conviction forte que le développement de la République centrafricaine passe obligatoirement par une gestion rigoureuse et transparente dans le contexte de la mondialisation. Une prise en compte des nouvelles exigences de l'économie mondiale, doublée d'une constante préoccupation de solidarité et de justice sociale, voilà ce qui oriente notre vision commune des conditions du développement centrafricain.
5/ enfin, corollaire de ce qui précède, le courant que nous représentons exprime la conviction que le redressement de ce pays viendra essentiellement des efforts nationaux. Nous disons haut et fort qu'il faut remettre résolument les Centrafricains au travail, leur expliquer que le monde à changé, que l'aide publique au développement se réduit, et qu'en tout état de cause seuls les pays sérieux, rigoureux dans leur gestion, sont en mesure d'en bénéficier. D'où l'importance que nous accordons à la promotion de la qualité des ressources humaines, dans un monde où le maître-mot est la compétition.
Loin de nous l'idée que nous détenons le monopole de ces convictions. Nous voyons, au contraire, tout l'intérêt qu'il y a à ce que d'autres Centrafricains, toujours plus nombreux, les partagent. Nous sommes persuadés que d'autres groupements, politiques ou de la société civile, sont acquis à ces idéaux. En la matière, le critère qui compte à nos yeux, c'est celui de la pratique. Ce n'est un secret pour personne que les formations ici réunies ont, à travers certains de leurs leaders, pris part à l'expérience du Gouvernement d'Union Nationale (GUN). Malgré les conditions extraordinairement difficiles, et le temps très court dont il a bénéficié, le GUN a administré la preuve que la mauvaise gestion et la prédation ne sont pas une fatalité en RCA. En veut-on une preuve ? Pendant les huit mois de son action, ce gouvernement a réussi à réduire sensiblement les dépenses liées aux missions à l'étranger. Les déplacements du Chef de l'Etat étaient strictement limités à l'essentiel, et le nombre des accompagnateurs rigoureusement contrôlé. Aujourd'hui, chacun peut, objectivement, faire la comparaison et observer la différence. Je n'ai pas besoin d'en dire plus.
Veut-on encore une autre preuve ? Les salaires, pensions et bourses étaient effectivement une priorité de l'action gouvernementale, et les recettes du Trésor étaient prioritairement affectées à cela. Enfin, je mets n'importe qui au défi d'apporter ne serait-ce qu'un début de preuve d'actes de détournements, de corruption ou de passe-droits commis par le Chef du GUN.
Entendons-nous bien : ce n'est pas par vantardise que je rappelle cela. Pendant les récentes campagnes électorales, et notamment la présidentielle, une vaste campagne d'intoxication et de dénigrement a été orchestrée, dans le but de brouiller le message de bonne gestion que le GUN a voulu délivrer à travers des actes concrets, Ceux qui ont organisé ce brouillage visaient un but précis: minimiser la question de la bonne gestion ; et pour cela discréditer autant que faire se peut le candidat qui s'entêtait à recentrer le débat sur la nécessité de bien gérer ; déplacer ce débat vers un terrain favorable au candidat dont la reconduction était programmée, ce terrain étant celui du tribalisme et du régionalisme.
Chacun peut constater le résultat : la mauvaise gestion a replongé notre pays dans une crise dont la pénurie de carburants n'est que la face la plus visible. En ce début du mois de Juillet de l'an 2000, il suffit d'aller dans les stations d'essence, de monter dans les taxis ou les bus, de circuler dans les marchés et autres lieux publics, de discuter avec les habitants des quartiers et régions traditionnellement favorables au régime, pour savoir ce que les Centrafricains, dans leur immense majorité, pensent désormais du fameux PREMIER TOUR, K O !
Chers amis, leaders, cadres, militants et sympathisants de l'ASD, de CNP, du FC, du MDI/PS, du PUN et de l'UPR,
Distingués invités,
En date du 10 Juin 2000, les leaders de nos six formations ont rendu public un communiqué de presse pour donner leur position sur la crise liée à la pénurie de carburants. Tous les observateurs de bonne foi ont salué le sérieux, la pertinence et l'objectivité de cette prise de position. Le communiqué publié le 19 Juin par 11 partis, dont le MDI/PS et le PUN, va dans le même sens. J'y suis revenu dans une interview au quotidien LE DEMOCRATE daté du 29 Juin 2000. Il n'y a rien à ajouter, si ce n'est le sentiment de révolte et d'écoeurement que nous inspire la façon dont les autorités, le Président de la République en tête, traitent les Centrafricains. On les prend carrément pour des demeurés à qui on peut raconter n'importe quoi pour les calmer. On leur ment sciemment, cyniquement. C'est d'abord la Libye qui nous donne gratuitement, généreusement, 55000 tonnes, soit près des deux tiers de notre consommation annuelle. On nous annonce que 5000 tonnes sont déjà à Douala et seront acheminées à Bangui par pont aérien avant la fin du mois de juin, le reste devant arriver en deux tranches en juillet et août. Puis nous apprenons quelques jours après que le transport des 5000 tonnes est à notre charge, et même que les 50 000 qui doivent venir après ne seraient pas tout à fait gratuites... Depuis le début de cette semaine, un incroyable battage est organisé par les médias d'Etat autour de la livraison de quelques dizaines de fûts ne représentant même pas une journée de consommation du pays.
Ce n'est pas bon de mentir au peuple. Le jour où il finit par se rendre compte qu'on lui ment sciemment, il se retourne contre ceux qui lui mentent et le traitent en demeurés. Le Président de la République et le gouvernement feraient mieux de méditer cela. Ils feraient mieux de dire la vérité maintenant. La vérité, c'est qu'il n'y a pas encore de solution satisfaisante. La vérité, c'est encore que nous devons trouver de l'argent pour acheter le carburant dont nous avons besoin, et que nous devons régler le contentieux avec les autorités congolaises pour retrouver l'usage de la voix fluviale, qui est la moins coûteuse. La vérité, c'est surtout que les conséquences de cette pénurie sont déjà désastreuses pour une économie déjà fragilisée : la baisse d'activités est déjà là, les recettes fiscales sont en chute libre et la crise financière ne peut que s'approfondir. Il est d'ores et déjà certain que les difficultés de trésorerie de l'Etat centrafricain vont s'aggraver, que les impayés intérieurs et extérieurs vont continuer de s'accumuler. Le programme avec les institutions de Bretton Woods en prendra inévitablement un coup, dans la mesure où les critères de performance, à commencer par les prévisions de recettes, ne seront pas réalisés.
Pour compléter et préciser ce qui vient d'être dit, Daniel NDITIFEI-BOYSEMBE, Secrétaire Général du MDI/PS, qui connaît bien le dossier en tant qu'ancien patron de la Délégation aux sociétés d'Etat et d'économie mixte, puis ancien ministre délégué à l'Economie et au Plan dans le GUN, fera l'historique de la privatisation de PETROCA, historique qui fait apparaître clairement la responsabilité directe du Président Patassé dans les blocages et les retards ayant préparé le terrain pour la pénurie.
De la même façon, Christophe BREMAIDOU, Président de l'ASD, économiste lui aussi, ancien responsable du Comité Technique de Suivi du Programme avec le FMI et la Banque Mondiale à l'époque du GUN et ancien ministre de l'Economie dans le GADD, exposera les conséquences désastreuses de la pénurie de carburants sur le programme actuel, et la situation financière particulièrement grave qui attend le pays dans les prochains mois.
Inutile, dans ce contexte, de préciser que les arriérés de salaires, pensions et bourses vont grimper, et que la situation sociale, déjà insupportable, ressemblera de plus en plus à une noyade sur une vaste échelle. Pierre SAMMY-MACKFOY, Président de l'UPR et ancien ministre de l'éducation nationale, brossera le tableau du naufrage du secteur social, particulièrement celui de l'éducation et de la santé. Il est vrai que le pouvoir mise sur ce qui apparaît comme une passivité congénitale du peuple centrafricain. Or cette passivité congénitale n'existe pas et n'a jamais existé. Le peuple centrafricain a l'habitude des réveils brusques, comme les volcans que l'on croit endormis.
Chers amis, cadres, militants et sympathisants de l'ASD, de CNP, du FC, du MDI/PS, du PUN et de l'UPR,
Distingués invités,
Les leaders de nos formations ont jugé nécessaire d'organiser en urgence cette rencontre. pour nous donner l'occasion de réfléchir ensemble, avec nos cadres et nos militants, à ce que nous pouvons faire immédiatement pour contribuer à la lutte que doit mener le peuple centrafricain pour sortir de l'impasse dans laquelle l'ont conduit des dirigeants peu soucieux de l'intérêt national. Car ne nous y trompons pas : le régime est bel et bien dans l'impasse, du fait des problèmes qu'il a lui-même créés.
La première tâche de notre réunion sera d'aider nos cadres, militants et sympathisants à être bien informés et à comprendre la nature et les conséquences de la crise actuelle par delà les mensonges et la propagande officielle. C'est pour cette raison que les leaders ont voulu que cette rencontre ne se limite pas aux seuls cadres de nos partis, mais soit ouverte aux militants de base et aux sympathisants. Le débat général comportera un important volet d'échanges d'informations.
Ensuite, et c'est sans doute ce qui est le plus attendu de notre rencontre, nous devrons dire clairement comment nous voyons la voie à suivre pour que notre pays sorte de cette situation. Depuis quelques semaines, la question qui revient constamment et partout est : Où est l'opposition, et que fait-elle ? Aussi bizarre que cela puisse paraître, même les militants et électeurs du parti au pouvoir posent cette question, signe que le désenchantement est là. C'est vrai que depuis la proclamation des résultats de l'élection présidentielle, on n'a pas beaucoup entendu les partis d'opposition, et encore moins les syndicats. A l'exception des députés de l'opposition qui n'ont cessé de faire leur travail à l'Assemblée nationale et de la presse privée indépendante dont il faut louer le courage et la combativité, le pouvoir a pu s'imaginer qu'il disposait d'un boulevard pour mener la politique prédatrice et mafieuse que l'on sait. La succession de tant de scandales politico-financiers, et en si peu de temps, prouve qu'il se sentait pousser des ailes. Ses thuriféraires, à l'intérieur comme à l'extérieur, pouvaient même pronostiquer un troisième, voire un quatrième mandats assurés, tant le vide paraissait sidéral.
Pour ma part, je ne suis pas certain que l'opposition ait entièrement mal fait de prendre un peu de recul, d'observer et de laisser passer la clameur et l'exaltation du PREMIER TOUR K O. Que n'aurait-on dit aujourd'hui pour justifier l'impasse, en cherchant comme d'habitude les boucs émissaires !! On aurait parlé de complots, de sabotage, que sais-je ? Nous les avons laissés faire, et ils se sont cassé la figure tout seuls. L'irresponsabilité, l'incompétence, la corruption et la prédation s'en sont donné à coeur joie. Et voila le résultat !
Ceci précisé, l'opposition n'a plus le droit de se taire maintenant. Il faut mettre la pression sur ce régime pour qu'il sorte le pays du guêpier où il l'a entraîné. Trois options s'offrent désormais au Président Patassé:
1/ Il limoge le gouvernement incompétent qui n'a pas vu venir la crise et en forme un autre. Mais nous savons qu'il a horreur des sanctions, s'agissant des parents, des courtisans et de ses militants en général. De toute façon, il serait étonnant qu'un simple changement de titulaires à la primature et à la tête des ministères puisse apporter quelque amélioration que ce soit, si c'est pour appliquer la même politique de concussion, de corruption et de gabegie qui a conduit le pays là où il se trouve. Et d'ailleurs le constat général, quand on écoute la population, c'est que le simple changement de gouvernement ne suffit plus. C'est désormais le Chef de l'Etat lui-même qui est montré du doigt comme principal responsable de la situation.
2/ Il revient à l'esprit et à la lettre des accords politiques qu'il a signés depuis quatre ans mais qu'il n'a jamais acceptés avec sincérité, puisqu'il a tout fait pour en empêcher l'application : Protocole d'Accord Politique (PAP) du 5 Juin 1996, Accords de Bangui du 25 Janvier 1997 et Pacte de Réconciliation Nationale du 5 mars 1998. Cela veut dire qu'il engage des discussions sincères et sérieuses avec les forces vives de la Nation, et notamment les partis politiques d'opposition, pour trouver une forme consensuelle de gestion de la crise, par la mobilisation de toutes les bonnes volontés et de toutes les compétences.
Bien que craignant l'eau froide comme le chat échaudé, nous avons toujours marqué notre attachement à ces Accords, qui avaient pour but d'aider le pays à s'éloigner durablement de la zone de hauts risques avant de revenir, le moment venu, au rythme normal de l'alternance. Mais nous savons, là aussi, que le Président de la République n'en veut pas. Pour lui, il n'y a pas de crise. Il n'y a même pas de crise de carburants. Chacun se souvient de l'intransigeance avec laquelle il s'est opposé, en janvier 1999, à la proposition de CO-GESTION formulée par l'ONU à la suite de la victoire de l'opposition aux élections législatives des 22 novembre et 13 décembre 1998.
3/ Il ne lui resterait alors que la seule option qui s'impose en dehors des deux autres : soulager le peuple centrafricain en donnant sa démission. Notre Constitution prévoit qu'au moment où il entre en fonction, le Président de la République prête un serment dans lequel il s'engage notamment, je cite, a <<ASSURER LE BIEN-ETRE DU PEUPLE CENTRAFRICAIN ...>>, << DE NE JAMAIS EXERCER LES POUVOIRS QUI [ME] SONT DEVOLUS PAR LA CONSTITUTION A DES FINS PERSONNELLES ET DE N'ETRE GUIDE EN TOUT QUE PAR L'INTERET NATIONAL ET LA DIGNITE DE L'HOMME CENTRAFRICAIN >>.
Peut-on sérieusement affirmer que ce serment a été scrupuleusement respecté, quand on voit la situation dans laquelle le peuple centrafricain se débat maintenant, à cause de la politique conduite par le Chef de l'Etat ? Quant à nous, notre choix est clair : l'intérêt supérieur de notre peuple commande qu'il s'en aille!
La ville de Bangui bruit de rumeurs de toutes sortes. Quoi que l'on puisse penser de ces rumeurs, une chose est certaine : elles traduisent le désarroi général devant l'impasse dans laquelle le Président Patassé a conduit le pays. Pour nous, il doit être clair qu'avec ou sans Monsieur Patassé, les exigences du peuple centrafricain demeurent les mêmes :
- Toute démarche qui présenterait un risque d'affrontement entre Centrafricains est à rejeter catégoriquement. Toute solution qui ouvrirait la porte à des règlements de comptes ou à des actes de vengeance conduirait inévitablement à la guerre civile, et les Centrafricains, nous en sommes persuadés, ne veulent pas de guerre civile.
- Toute perspective qui signifierait la substitution d'un nouveau club de prédateurs à l'équipe de prédateurs actuels ne ferait que prolonger les souffrances du peuple centrafricain. C'est le cycle ininterrompu, pendant de longues années, de systèmes politiques basés sur la corruption, la prévarication, la gabegie et la gestion patrimoniale, qui a bloqué jusqu'ici le décollage économique du pays, appauvri les Centrafricains et discrédité la République centrafricaine aux yeux de ses partenaires au développement ainsi que des investisseurs privés. L'ASD, le CNP, le FC, le MDI/PS, le PUN et l'UPR disent tout de suite qu'ils se mobiliseront, comme ils l'ont fait par le passé et comme ils le font aujourd'hui,
pour combattre une nouvelle dérive prébendiere. De toute façon, l'expérience récente du continent africain montre que depuis la chute du mur de Berlin, aucun système prédateur n'a pu prospérer durablement avec le soutien de la communauté internationale, comme cela pouvait exister pendant la guerre froide.
- Toute alternative qui reprendrait à son compte les pratiques démagogiques et le laxisme ambiants ne rendrait aucun service à l'Etat, qui a besoin être raffermi et revigoré. Il n'y a plus d'Etat digne de ce nom en Centrafrique. L'administration s'est liquéfiée, tous les services publics sont déstructurés, chacun des agents est devenu un tire-au-flanc, le relâchement est général. Pire : l'accumulation des arriérés de salaires et les mauvais exemples affichés par les dirigeants au plus haut niveau ont cultivé l'incivisme, au point que chaque détenteur de la moindre parcelle de la puissance publique a tendance à la rentabiliser pour son propre compte. On assiste ainsi à une espèce de <<privatisation>> des services publics. Qu'on soit magistrat, policier, infirmier des hôpitaux et dispensaires publics, garde-barrière, membre de jury d'examens scolaires ou agent de protocole, on gagne sa vie en <<privatisant>> le service public que l'on a en charge. Soit dit en passant, c'est peut-être là que réside l'explication de l'absence de grève dans le secteur public centrafricain depuis un certain temps, puisque c'est sur son lieu de travail qu'on peut se faire un peu d'argent en rackettant l'usager.
Or aucun pays au monde n'a pu se développer sans un Etat digne de ce nom, et sans une administration compétente, dévouée, disciplinée et honnête. C'est pourquoi la persistance de la situation actuelle compromet gravement et durablement le développement de ce pays.
- Tout <<changement>> qui sacrifierait les droits de l'homme irait à l'encontre des intérêts fondamentaux de notre peuple. Cette affirmation n'est nullement en contradiction avec celle qui précède. Il n'y a pas de contradiction entre la nécessité d'un Etat fort et le besoin de liberté. Il s'agit de responsabiliser les Centrafricains et non de revenir à l'esclavage ou à la chicote. Il s'agit de concilier la nécessaire discipline collective et le besoin de liberté. Pour cela, il y a une recette qui a fait ses preuves partout : l'application juste et équitable de la loi dans toute sa rigueur et le bon exemple que doivent afficher les dirigeants, constamment et à tous les niveaux.
- Tout <<changement>> qui conduirait à suspendre le processus démocratique et revenir à un régime d'un autre âge devra trouver sur son chemin une opposition résolue du peuple centrafricain. L'ASD, le CNP, le FC, le MDI/PS, le PUN et l'UPR s'y opposeront avec vigueur et détermination. On peut comprendre que la désorganisation actuelle de l'administration et le manque de ressources financières nécessitent un délai raisonnable pour la préparation d'élections crédibles. Mais il n'est pas question de tolérer la restauration sournoise d'un régime anti-démocratique.
Quant aux élections, la mascarade de la présidentielle de 1999, dont nous subissons maintenant les conséquences dramatiques, est le très mauvais exemple qu'il ne faut plus suivre. Comme vous le savez, au lendemain de la proclamation du résultat, nos six formations avaient pris la décision d'organiser ensemble un séminaire d'évaluation de ce scrutin. Les circonstances, et surtout la précipitation des événements actuels rendent ce projet inactuel. Il n'empêche : nous ne pouvons pas passer en pertes et profits les violations de la Constitution et du Code Electoral, le gonflement des listes électorales, la mainmise des sous-préfets à la solde du régime et la manipulation grossière des résultats. Félix AGOU, qui a représenté le Forum Civique au sein de la CEMI (Commission Electorale Mixte Indépendante), fera un bref exposé sur les nombreuses irrégularités qui ont émaillé ce scrutin de la honte. Si nous avons appelé nos militants à garder leur calme après la proclamation du résultat, ce n'est pas parce que nous nous faisions la moindre illusion sur sa validité. Nous avons choisi la paix face au risque d'affrontement, et nous avons misé sur le temps pour clarifier la situation. La crise actuelle et la déroute du régime nous donnent raison.
Chers amis, cadres, militants et sympathisants de l'ASD, de CNP, du FC, du MDI/PS, du PUN et de l'UPR,
Les leaders des six formations vous appellent à vous mobiliser avec détermination pour faire prévaloir les intérêts du peuple centrafricain, dans cette période critique où tout peut basculer. Nous le ferons d'autant mieux que nous serons capables de mobiliser les Centrafricains autour des idéaux communs à nos six partis
Nous réaffirmons notre appartenance pleine et entière à l'opposition démocratique. Il est inutile de préciser que notre hostilité à la politique de division nationale, de haine tribale et de gestion prébendiere du régime de M. Patassé ne date pas d'aujourd'hui. Les dirigeants de nos six formations avaient tous la possibilité d'être à coté de la mangeoire pour contribuer à l'oppression du peuple. Ils ont fait un autre choix et ont accepté d'en subir toutes les conséquences. Qui, dans ce pays, ignore le degré de haine et de tracasseries dont le Président du PUN, ancien Premier Ministre du GUN, a été l'objet depuis quatre ans ? Qui peut soupçonner de mollesse l'un des fondateurs du MLPC, Denis KOSSI-BELLA, qui a osé, début 1997, dire ce qui ne va pas, et en tirer les conséquences que l'on sait ? Je cite ces deux exemples, mais j'aurais pu parler des autres leaders, qui n'ont aucune leçon d'engagement patriotique à recevoir.
La vérité, c'est que ce processus de regroupement que nous avons entamé ne plaît pas à tout le monde. La spécificité que nous revendiquons sur la base des principes très clairs mentionnés plus haut, dérange. L'autonomie d'action et de pensée que nous affirmons ne plaît pas à tout le monde. Alors certains voudraient nous faire passer pour des alliés du régime. Tout cela n'est évidemment pas très sérieux. Je dirai même que c'est franchement infantile. Alors, mes chers amis, répétons après DANTE ALIGHIERI, le célèbre auteur de la Divine Comédie : <<Suis ton chemin et laisse dire les gens>>
Alors, mes chers amis, suivons le chemin que réclament nos militants depuis l'élection présidentielle. Nous avons commencé à tirer les leçons de cette période, ainsi que de l'expérience de l'UFAP. Nous ne voulons plus revivre l'expérience de ce qui ressemblait parfois à de l'uniformisation forcée, à de l'inquisition et du soupçon permanent, à des stratégies dont nous ne maîtrisions pas toujours les tenants et les aboutissants, bref, à une forme subtile de tentative d'instrumentalisation. Nous pensons pour notre part que l'opposition sera d'autant plus forte qu'elle saura accepter et intégrer sa diversité, cultiver le respect mutuel et des relations de confiance entre ses membres. Tout ce climat d'inquisition et d'instrumentalisation ne sert que la division et donc l'affaiblissement.
Nous sommes par ailleurs persuadés que les centaines de milliers de Centrafricains qui ont jusqu'ici voté pour M. Patassé ne doivent pas être mis dans le même sac que les dirigeants du régime. Les paysans et le petit peuple de l'Ouham-Pendé, de l'Ouham, de la Nana-Mambéré, de la Mambéré-Kadéi, de la Sangha-M'Baéré, de la Nana-Grébizi, de la Kémo, de l'Ombella-M'Poko ou encore des quartiers Nord de Bangui, souffrent des conséquences de la gestion désastreuse du régime au même titre que leurs compatriotes des autres régions du pays. A nous de les convaincre de nous rejoindre, et pour cela nous devons être ouverts au dialogue et à la discussion patiente avec eux. Denis KOSSI-BELLA dira tout à l'heure un mot à ce sujet. Ce n'est pas parce que les caciques du MLPC n'ont pas eu le courage de sanctionner le gouvernement à l'occasion de la motion de censure déposée par l'opposition que nous devons en conclure que tous les militants de ce parti sont définitivement acquis au régime.
Cette Journée doit être enfin l'occasion de faire un premier bilan des efforts de regroupement entre nos six formations, et de voir ensemble les mesures à prendre pour avancer dans la connaissance et la compréhension entre nos cadres et nos militants. C'est la condition à remplir pour prévenir les préjugés, renforcer notre unité d'action et évoluer sereinement, à travers la discussion fraternelle et le respect de la personnalité de chaque entité, vers un regroupement qui se veut moderne, et donc démocratique dans son fonctionnement de tous les jours. Pas de dirigeant de droit divin et pas de guéguerre permanente de chefs non plus ; pas de pensée unique ni de centralisme bureaucratique, pas d'uniformisation au forceps mais plutôt des courants dynamiques qui enrichissent l'ensemble ; pas d'hégémonisme de tel ou tel parti, mais le respect et la considération à l'égard de chaque entité ; enfin, pas de sectarisme mais plutôt une disponibilité constante à accueillir d'autres Centrafricains, partis ou individus, qui voudraient rejoindre notre démarche.
Mes chers amis,
L'heure est grave. C'est pour cela que nos discussions devront aller à l'essentiel, et traduire en résolutions et recommandations précises ce que nous entendons faire pour répondre à l'attente du peuple centrafricain.
Au coeur de toutes nos interrogations, il y a la question de comment faire pour que le pays sorte pacifiquement de l'impasse.
Nous sommes persuadés que nombreux sont nos compatriotes qui, hors de cette salle, attendent et espèrent. Ils attendent de nous que nous montrions la voie. Ne les décevons pas. C'est sur cet appel que je déclare ouverts les travaux de notre Journée Nationale de Concertation.
Je vous remercie.