Tollé pour le Premier ministre Centrafricain à l’ONU

 

Lundi 15 Mai 2000, se tenait au siège des Nations Unies à New York, une conférence où le Premier Ministre de la République Centrafricaine Anicet-Georges Dologuélé venait solliciter un financement pour son projet de restructuration de l’armée centrafricaine. L’assemblée onusienne était composée de diplomates et de bâilleurs de fonds. La délégation gouvernementale Centrafricaine étant formée par le 1er ministre Anicet-Georges Dologuélé, son directeur de cabinet Serge-Alain Yabouët-Bazoly, du ministre de la Défense Mr Démafout, et du Capitaine Parfait Mbaye.

Le plan de restructuration de l’armée défendu par le chef du gouvernement centrafricain consistait en plusieurs points, notamment :

la démobilisation des troupes,
la reconversion de plus de 700 soldats dans le civil,
la modernisation des infrastructures militaires.

La délégation Centrafricaine souhaitait obtenir des bâilleurs de fonds une aide de 110 millions de dollars pour la réalisation de son projet, évoquant la nécessité de restaurer une armée républicaine garante de l’état de droit.. Anicet-Georges Dologuélé, estimant que la cause des 3 mutineries qui ont secoué la République Centrafricaine en 1996 et 1997 avaient pour cause la dégradation du système de commandement de l’armée, affirme avoir œuvrer pour arranger la situation, et sollicite ainsi un soutien de la communauté internationale pour poursuivre son effort.

Et bien ce Lundi 15 Mai 2000, un groupe d’opposants en exil formé par Crépin M’Boli-Goumba, Bida Koyagbélé-Bida, la CSD et d’autres, représentés par Pascal Bida-Koyagbélé, a réussi l’exploit de s’introduire dans l’enceinte des Nations Unies et d’interpeller le 1er ministre centrafricain à l’issue de la conférence à travers un certain nombre de remarques et de questions.

Pourquoi exploit, parce que tous les ambassadeurs présents vous diront que, de mémoire de diplomates, ils n’ont jamais assisté à pareil événement.

Avant l’intervention du collectif d’opposants en exil, la délégation Centrafricaine s’était montrée très convaincante, dans un exposé clair, précis et élaboré. L’assistance buvait littéralement les paroles de M. Dologuélé ; bref, l’octroi de cette aide semblait quasiment certain. En fin de séance, après un flot de questions très encourageantes de certains diplomates, le représentant du collectif de l’opposition en exil, Bida Koyagbélé-Bida, demande la parole, et commence par une série de remarques :

Tout d’abord, les élections présidentielles de Septembre 1999 ont été truquée, et M. Patassé ne doit sa victoire qu’à une fraude massive. La présence de la Minurca n’a empêché aucune fraude, et résolu aucun problème.

Concernant l’origine des mutineries , les propos du Premier ministre sont loin des réalités du terrain: elles découlent surtout d’une dégradation globale de la situation politique, économique et sociale. Politique, car certains membres de la classe politique et certains militaires étaient en proie à une chasse aux sorcières, qui se manifesta par la liquidation, entre autres du Lieutenant Parfait Bida-Siombo. Économique et sociale, en raison de la dégradation des infrastructures socio-économiques, et l’accumulation de 14 mois d’arriérés de salaire, sont les véritables causes de la crise sur base de revendications corporatistes.

C’est ainsi que le représentant du collectif de l’opposition Centrafricaine remarque que la situation n’a pas changé ni évolué, et que les causes de la crise persistent : la chasse aux sorcières se poursuit avec l’assassinat du Colonel Réhote, ainsi que le massacre de Kembé où le Lieutenant Gbodo et des représentants de partis d’opposition trouvèrent la mort. Il fut précisé que ces massacres, qui visaient à liquider une série d’officiers furent commandités par le 1er ministre M. Dologuélé : le représentant du collectif de l’opposition Centrafricaine annonça qu’il détenait la copie de l’ordre de mission du Lieutenant Service pour l’exécution de ces crimes, signée par son ministre de la Défense M. Démafouth, ainsi qu’un recueil de témoignages.

Tollé générale à l’assemblée des Nations Unies ! ! !

Le représentant de l’opposition en exil, poursuit par une série de questions destinées au chef du gouvernement centrafricain en termes de garanties, et de la méthodologie utilisée pour la réalisation du programme de restructuration de l’armée :

La méthodologie : est-ce que la démobilisation s’appliquera uniquement aux militaires originaires du sud, comme ce fut le cas jusqu’alors ? Quant au recrutement de nouveaux soldats, concernera-t-il uniquement les habitants du nord du pays, naturellement favorables à M. Patassé, ce qui a pour conséquence une tribalisation de l’armée ? De même, l’élimination physique des militaires originaires des régions du sud va-t-elle se poursuivre en tant que moyen de démobilisation? Et le désarmement , sera-t-il effectué uniquement dans les quartiers défavorables au régime actuel comme nous le constatons aujourd’hui ? Alors que simultanément, le même régime arme les populations de la région de Pahoua au nord du pays, et celles des quartiers de Bangui qui le soutiennent comme Boyrabe, où des milices " Karako " suivent des entraînements militaires ?
Cela pose implicitement le problème de l’insécurité : en effet, la création de ces milices ne va-t-elle pas accroître le banditisme, sachant que les coupeurs de routes (" Zaraguinas ") sont des anciens miliciens du MLPC, parti du Président de la République ? Y a-t-il une réelle volonté d’enrayement du banditisme ?

Le représentant du collectif de l’opposition a souligné qu’au moment où il s’exprime, le gouvernement Dologuélé traque des journalistes, qui sont obliger de fuir Bangui et de se réfugier dans la forêt, comme M. Maka, directeur du quotidien Le Citoyen. Le représentant du collectif de l’opposition souligne le rôle barbare qu’assigne le 1er ministre à l’armée au nom de la défense de l’état de droit. Le 1er ministre continuera-t-il d’utiliser l’armée pour museler, molester, liquider toutes formes d’opposition au régime ? Car jusque là, cette armée a été utilisée par le gouvernement Dologuélé pour passer à tabac M. Sonny Collé, haute figure du syndicalisme centrafricain, et pour perpétrer des massacres d’opposants et de militaires, comme ceux de Kembé.

- Les garanties : pouvons nous être certains qu’une partie de cette aide ne sera pas destinée au financement de nouvelles milices gouvernementales ? Enfin, quelles garanties avons-nous, peuple centrafricain, que les fonds sollicités par le chef du gouvernement ne seront pas détournés par les autorités ? Car la crédibilité du 1er ministre, en terme de gestion de la chose économique et financière, fût gravement entachée par la corruption, plusieurs scandales financiers et des transactions douteuses. Tout récemment à Bangui, un scandale financier et mafieux, éclaboussa et impliqua M. Dologuélé : une transaction de fonds d’origine mafieuse, à hauteur de 500 millions de dollars a été décelée de justesse ! ! !

Un grand silence tombe sur l’assemblée, suivi d’une explosion de chuchotements... ceci sous le regard consterné et impuissant des membres de la délégation Centrafricaine. Le contre-exposé du représentant du collectif de l’opposition en exil est un tollé pour le 1er ministre centrafricain. Pour toute réponse, le 1er ministre déplora que son compatriote ait posé des problèmes nationaux sur la scène internationale.

Mais le pavé est déjà jeté dans la mare, et la pseudo-image de technocrate " clean et compétent " que veut donné M. Dologuélé en achetant régulièrement des articles dans la presse (ndrl Jeune Afrique et Jeune Afrique-Economie), est désormais entachée de façon indélébile, devant les représentants de la communauté internationale.

Ceci est une victoire pour l’opposition Centrafricaine ; et l’on ne peut que saluer l’audace et le courage dont a fait preuve le collectif des opposants en exil que forment Crépin M’Boli-Goumba, Bida Koyagbélé-Bida, CSD et d’autres, pour alerter l’opinion internationale sur la corruption et les exactions meurtrières à la charge du Président Ange-Félix Patassé, et de son 1er Ministre Anicet-Georges Dologuélé.

En quittant la salle de conférence, le collectif des opposants en exil a pu mesurer l’impact de son intervention par le nombre de diplomates, qui choqués, étaient désireux d’en savoir davantage sur la situation dramatique qui prévaut en République Centrafricaine.

Collectif des Opposants Centrafricains en Exil

C.O.C.A.E. - France

Actualité Centrafrique - Dossier 2