Combats meurtriers à Mongoumba
La région de Libenge dans le nord-ouest de la RDC est à nouveau le théâtre de violents affrontements entre les troupes de Kinshasa et les rebelles congolais, selon des témoignages recueillis vendredi par un journaliste de l'AFP à Mongoumba, localité centrafricaine située juste en face de Libenge.
Ces combats, qui opposent depuis plusieurs mois les militaires de Laurent-Désiré Kabila et ses alliés, notamment angolais, aux rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, ont pris ces derniers jours un "caractère massif", ont rapporté à l'AFP des officiers de l'armée centrafricaine et des réfugiés congolais à Mongoumba (à une centaine de kilomètres au sud de Bangui).
Ces derniers seraient désormais au nombre de 10.000, "mais peut-être beaucoup plus", à avoir fui la région de Libenge pour éviter des massacres commis aussi bien par les deux camps, selon des organisations non-gouvernementales comme Médecins sans frontières (MSF) ou la Croix-rouge centrafricaine.
"La semaine dernière, des bombardiers de Kinshasa ont attaqué Libenge toujours aux mains du Mouvement de libération du Congo (MLC), en prenant comme répères, l'hôpital et la gendarmerie de Mongoumba pour larguer les bombes sur la ville congolaise", raconte, sous couvert de l'anonymat, un sous-officier du détachement de Mongoumba.
"Les bombardements effectués de jour comme de nuit, à haute altitude par des Antonov et des MIG 21, ratent souvent leurs cibles, échouent dans le fleuve et dans la forêt et constituent un danger pour la population de Mongoumba gagnée par la peur", ajoute-t-il.
Un autre sous-officier du même détachement rapporte qu'"après avoir repoussé les Forces armées congolaises (FAC) et subi des bombardements à courts intervalles, les rebelles du MLC ont pris position sur l'île de Libengué (entre Libenge et Mongoumba) pour riposter aux attaques aériennes, mettant Mongoumba entre deux feux".
"A la mi-août, ajoute-t-il, le MLC avait déjà capturé 12O soldats des FAC, attaqué et détruit un bateau lourdement équipé ayant à son bord plusieurs dizaines d'hommes et récupéré des armes lourdes".
"Depuis quelques jours, des combats sont signalés à 60 ou 80 km de Libenge et Kinshasa est en train de ravitailler ses troupes pour la riposte", précise ce sous-officier.
Les réfugiés congolais, qui continuent à affluer chaque jour en pirogue à Mongoumba, font, de leur coté, état "d'atrocités commises de part et d'autre" dans cette guerre "sans pitié".
Makpahuze Mokizho, élève en classe de terminale à Libenge ne cache pas sa colère: "les soldats de Kabila nous considèrent, nous qui sommes de l'Equateur, comme des ennemis. Ils nous tuent sans pitié".
"Le jour où ma famille a pris fuite, début août, il y a eu quatre bombardements de "Gbagbaradanga", c'est comme ça qu'on appelle les Antonov de Kabila, c'est à dire +mauvais avions+ parce qu'ils sont comme des éperviers qui tuent les poussins", ajoute-t-il.
Une institutrice congolaise, Mukeza Ikema, qui a fui fin août la région de Libenge, affirme de son coté que "les hommes de Jean-Pierre Bemba ont récemment capturé et brulé vif plus d'une dizaine de soldats angolais tombés dans une embuscade".
"Les bombardements de ces derniers jours sont si intensifs qu'ils ont entraîné un repli des rebelles du MLC qui ne sont plus visibles à Libenge. Il en reste cependant sur l'île de Libengué et il interdisent le passage à toutes les embarcations qui descendent le fleuve. Ils tirent sur tous ceux qui ne veulent pas obtempérer", affirme-t-elle.
(AFP, MONGOUMBA - Centrafrique, 1er sept 2000 - 15h48)
Mongoumba transformé en immense camp de réfugiés congolais
Selon le correspondant de l'AFP, chaque jour, des dizaines d'entre eux franchissent en pirogue le fleuve Oubangui, qui sert de frontière entre les deux pays, faisant plus que doubler la population de cette petite ville qui comptait auparavant moins de 6.000 habitants.
Au total, près de 10.000 réfugiés ont été recencés à Mongoumba et dans ses environs, selon la Croix rouge centrafricaine qui tente d'organiser leur accueil en leur fournissant vêtements et nourriture.
Les localités portuaires de Mongoumba et de Zinga abritent la quasi-totalité de ces Congolais qui fuient les combats de plus en plus meurtriers entre les troupes de Laurent-Désiré Kabila et les rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, dans le nord-ouest de l'Equateur.
Des civils et militaires, cachés depuis des mois sur une île située entre les deux rives de l'Oubangui, ont été contraints ces derniers jours au départ vers la Centrafrique pour sauver leur vie.
"Face aux soldats de Kabila comme aux rebelles de Bemba, les populations civiles sont toutes suspectes et menacées", affirment en coeur ces réfugiés. "On a vite fait de vous trouver complice d'un camp ou de l'autre et vous êtes tué", appuie une enseignante congolaise.
Hommes, femmes et enfants, militaires, fonctionnaires, commerçants, élèves, et ménagères: tous franchissent le fleuve en pirogue et s'installent là où ils peuvent. A leur arrivée, ils se font enregistrer par la Croix Rouge centrafricaine ou par la police locale.
Selon Henri Rende, coordonnateur sur le terrain des activités de la Croix Rouge, 9.695 réfugiés ont été déjà recensés. "Mais, précise-t-il, il se pose des problèmes d'accès à certains sites comme dans les villages Mongo, Ngbango et Sedalet, inaccessibles par la route, alors qu'ils comptent plusieurs centaines de réfugiés".
Pour leur venir en aide, l'agence humanitaire italienne COOPI a également ouvert des postes de santé dans cinq ou six villages de la région. Ici et là, des établissements scolaires, des maisons de quartiers, où encore une gare servent d'abri aux réfugiés.
Les autres, couchent sous des tentes sur les places des villages où aux abords des points d'eau, provoquant l'inquiétude des populations locales à quelques semaines de la rentrée scolaire.
Les habitants de Mongoumba se plaignent déjà de ce que leur ville est devenue une "localité congolaise où 75% d'habitants ne parlent plus que le lingala" en lieu et place du sango, la langue nationale de RCA.
La situation sanitaire des réfugiés provoque aussi les inquiétudes de la Croix rouge: "ils souffrent pour la plupart d'infections respiratoires aiguës, de paludisme, de diarrhée et de parasitoses", note M. Rende.
Cinq d'entre eux sont ainsi morts à l'hôpital de Mongoumba où exerce désormais le médecin congolais de Libenge, localité congolaise située de l'autre coté du fleuve.
Les réfugiés doivent enfin faire face à des problèmes d'alimentation, ne bénéficiant pas de rations distribuées à un rythme régulier. Certains n'hésitent pas à surmonter leur peur pour aller chercher des vivres à Libenge ou à Batanga, zones où les combats font particulièrement rage.
Mais, espère-t-on, ces problèmes de prise en charge devraient prochainement trouver une solution avec l'arrivée très attendue à Mongoumba d'une équipe du Haut Commissariat des Nations Unies au Réfugiés (HCR
(Le 2 septembre 2000, 11h17)