A propos de la grave crise sociale en cours et la solution politique pour sortir du dangereux blocage dû à la faillite de l'Etat.

(vendredi 15 décembre 20000 de 9 heures à 11 heures au siège de l'ADP)


COLLECTIF DES PARTIS D'OPPOSITION - GROUPE DES SIX

COMITE DE COORDINATION

CONFERENCE DE PRESSE

Chers invités,

Avant de commencer notre Conférence de Presse, le Comité de Coordination des Partis d'opposition, mis en place hier pour unifier et coordonner à partir de maintenant notre action, vous prie de bien vouloir observer une minute de silence à la mémoire de Monsieur François PEHOUA, Président de l'ADP, qui nous accueille aujourd'hui à son siège. François PEHOUA, grand combattant de la liberté et de la Démocratie, nous a quittés le 26 août dernier.

Chers invités,

Le Collectif des partis politiques de l'opposition (ADP, FND, FODEM, FPP, MDD, MESAN-BOGANDA, MNR, RDC, UNDD) et le Groupe des Six (ASD, CNP, FC, MDI/PS, PUN, UPR) adressent leurs chaleureux remerciements aux distingués invités et à la population centrafricaine venus nombreux écouter le message qu'ils entendent délivrer ce matin à propos de la grave crise sociale en cours et la solution politique pour sortir du dangereux blocage dû à la faillite de l'Etat.

Les partis politiques de l'opposition constatent la présence à nos côtés, malgré leur calendrier chargé, des leaders des centrales syndicales. Il les saluent fraternellement.

Notre rencontre de ce matin se déroule à une période exceptionnelle de notre histoire, qui voit les travailleurs, les retraités et les étudiants se lever comme un seul homme pour exiger la juste réparation de leurs droits, et qui ont vu leurs revendications, que le gouvernement disait catégorielles, recouvrir l'exigence d'amélioration des conditions sociales de tout un peuple et de toute une Nation. Le message était trop fort pour que les partis politiques d'opposition ne tirent pas les conclusions qui s'imposaient en unifiant leur instance de lutte. Afin de coordonner cette lutte et mettre en commun les idées devant conduire à un changement sans violence et préparer le cadre qui devrait conduire la politique de la nation durant une transition apaisée, les formations politiques de l'opposition ont décidé d'unifier davantage leurs efforts pour se retrouver dans le cadre d'une structure commune, le Comité de Coordination, dont c'est la première manifestation aujourd'hui.

Il était temps. En effet, depuis le mois de juin 2000, la crise socio-économique qui n'était que latente à la fin de l'année 1999, a pris de l'ampleur avec l'accumulation de toutes les pénuries, l'immobilisme d'un gouvernement arrogant et incompétent ayant entraîné le pays dans la misère et de la famine provoquant la grève des travailleurs du secteur public.

Nous retiendrons des moments forts de l'action des travailleurs : la marche pacifique du 24 novembre 2000, la conférence de presse du 08 décembre, le meeting du 09 décembre et la journée historique du lundi 11 décembre 2000. Le vif succès populaire de ces manifestations traduit bel et bien un nouvel état d'esprit que les revendications salariales sont une partie de l'immense besoin du peuple au bien-être social. Cette large adhésion des centrafricains aux revendications des travailleurs, est la traduction fidèle du rejet total du régime du président PATASSE par l'ensemble du peuple centrafricain et une demande pressante de réponse politique nouvelle à ses attentes sociales. Cette tâche incombe aux partis politiques.

Les organisations syndicales ont eu la franchise, au cours de leur conférence de presse et de leur meeting, d'inviter les leaders politiques de l'opposition à prendre leurs responsabilités en s'engageant résolument dans la lutte sur le terrain qui est le leur, celui du combat proprement politique. Cette interpellation, les centrafricains la formulent tous les jours à l'attention des partis politiques. Disons que le message a été reçu cinq sur cinq.

Dans l'exposé liminaire de la conférence de presse des centrales syndicales, il a été rappelé la bataille menée auprès des partis politiques dans le cadre de l'UFAP (l'Union des Forces Acquises à la Paix).

Personne aujourd'hui ne peut nier ce moment important de la contribution décisive des syndicats à la victoire des partis politiques d'opposition aux élections législatives de 1998. C'était David contre Goliath. Face à la machine militaro-financière du MLPC, aux pluies d'argent déversées sur le peuple affamé pour détourner son choix, les électeurs ont donné une chance à l'alternance politique. Mais pouvait-on savoir que parmi les nouveaux députés de l'opposition se trouvait un mercenaire en la personne de KOUDOUFARA ? L'opposition a été dépossédée de sa victoire. Elle pouvait recourir à la violence, elle a choisi la légalité.

Que pouvaient faire les partis politiques face à une Cour Constitutionnelle, qui n'est que le deuxième Bureau Exécutif du MLPC ? S'agissant de l'élection présidentielle, tous les chiffres indiquent qu'un deuxième tour était nécessaire pour départager les deux candidats. Serait-ce violer un secret que de dire qu'un membre important de la Cour Constitutionnelle a adressé, le vendredi 1er octobre au soir, ses félicitations au général KOLINGBA pour son admission au second tour ? Sans aucun élément nouveau, le président PATASSE s'est fait déclarer vainqueur au 1er tour.

Pourquoi la requête en annulation du scrutin du 19 septembre 1999, déposée devant la Cour Constitutionnelle par les candidats de l'opposition, dort toujours dans ses tiroirs ? Tout cela nous aurait épargné la misère et la souffrance du peuple centrafricain aujourd'hui.

Les centrafricains semblent faire griefs aux partis politiques d'opposition d'avoir placé toutes leurs actions politiques dans le strict respect de la légalité constitutionnelle alors même que toutes ces actions étaient systématiquement interdites. Avions-nous eu tort de n'avoir pas choisi la violence, avions nous eu raison ? Toujours est-il que tout en ayant fait le choix de respecter les mesures arbitraires du président PATASSE, son régime est en ce moment par terre " Ngou a Goué lo oko a bâ " ; autrement dit, " le crime ne paie pas ". PATASSE non plus, d'ailleurs ....

Quelle est la nouveauté de la situation actuelle ?

Les conséquences de l'accumulation des arriérés de salaires touchent évidemment tous les centrafricains. Les 17 000 fonctionnaires entretiennent chacun au moins 20 personnes. Les 2 milliards injectés chaque mois constituent la principale source de circulation monétaire, et qui irrigue toute l'activité économique et commerciale. Il faut une incroyable dose d'irresponsabilité pour affirmer, comme le ministre DABANGA, que les fonctionnaires ne représentent rien.

La mauvaise gestion de M. PATASSE à entraîné depuis sept ans des conséquences multiples : aggravation de la misère, effondrement du système de santé, naufrage de l'école, insécurité généralisée, etc. A vrai dire, Monsieur PATASSE a ruiné la République centrafricaine sur tous les plans. Les centrafricains sont désormais unanimes à admettre que le problème du pays, c'est M. PATASSE. C'est lui qui affame le pays. C'est lui qui divise les centrafricains.

Le constat général est que le problème posé est politique. Il ne peut y avoir de solution durable à la crise sociale tant que M. PATASSE demeurera à la tête de l'Etat. La crise n'est donc pas seulement sociale comme l'a prétendu le Président de la République dans sa déclaration du 1er Décembre dernier. Cette crise est une crise politique, c'est-à-dire une crise de gouvernance, avec des conséquences sociales dramatiques. Les centrales syndicales l'ont parfaitement compris. C'est pour cela qu'à juste titre elles ont interpellé les formations politiques lors de leur Conférence de Presse du vendredi 08 décembre et leur meeting du samedi 09 décembre 2000.

Les 15 partis politiques organisateurs de la présente Conférence de Presse, qui dès le début, ont apporté leur soutien total au mouvement de revendication, sont d'avis que la phase purement syndicale de la lutte des travailleurs ne suffit plus. Elle doit être amplifiée par des luttes politiques puisque le pouvoir se révèle incapable de donner suite aux légitimes revendications des salariés.

M. PATASSE doit partir. Il doit le faire dans l'intérêt supérieur de la Nation. Il doit le faire parce que sa présence à la tête de l'Etat est un facteur d'aggravation des tensions politiques et sociales. Il doit partir parce qu'il n'a cessé, depuis sept ans, de violer la Constitution, notamment en son article 22, et de trahir son serment constitutionnel. Chaque jour, chaque semaine, chaque mois qui passent avec lui entraînent inexorablement le pays vers le chaos. Cette dangereuse évolution ne peut être stoppée que si le Président PATASSE quitte ses fonctions de Chef de l'Etat, pour donner une chance à la réconciliation nationale et à une gestion saine en vue d'améliorer les conditions de vie du peuple.

Partout, à Bangui, en province, y compris dans les régions qu'on disait acquises à M. PATASSE, son départ est exigé. Au sein de son propre parti, le MLPC, de plus en plus de voix s'élèvent pour dire que les choses ne vont plus, et que le Président est le responsable n°1 de cette situation. Ce ne sont pas les mises en scène grotesques et les gesticulations infantiles du douanier véreux Jean-Edouard KOYAMBOUNOU qui tromperont. Le fiasco retentissant du soi-disant meeting qu'il voulait organiser en réponse à celui des centrales syndicales ne laisse aucun doute sur l'isolement des patassistes dans le pays..

KOYAMBOUNOU et son petit groupe avancent comme argument massue le fait que M. PATASSE a été élu démocratiquement. Certains partenaires extérieurs de la RCA, par méconnaissance des souffrances du peuple centrafricain, invoquent ce même argument pour justifier le maintien de M. PATASSE jusqu'au terme de son mandat constitutionnel, en 2005, c'est-à-dire dans cinq ans. Autrement dit, il est demandé aux Centrafricains de jouer les prolongations jusqu'à l'enterrement complet de leur pays. Car la poursuite de la politique de M. PATASSE telle que nous l'avons vue depuis sept ans n'aura pas d'autre conséquence que la décomposition de la République Centrafricaine. Il faut être naïf, ou ignorant des réalités centrafricaines, ou même franchement cynique, pour croire que le maintien de M. PATASSE à la tête de l'Etat aura une autre conséquence que la mort programmée du peuple centrafricain.

Faut-il rappeler que le Président du MLPC a bénéficié d'une circonstance exceptionnellement favorable au lendemain de son élection en septembre 1993 ? Les Centrafricains, épuisés par trois années de turbulences liées à la lutte pour l'instauration de la démocratie, ont souhaité donner une chance à la reconstruction du pays. Ils ont décrété une trêve à la fois politique et sociale, il suffisait que le Président PATASSE fasse les bons choix, ceux de l'unité nationale, de la lutte contre le tribalisme et l'exclusion, de la mobilisation de toutes les compétences, de la gestion rigoureuse et transparente de l'économie nationale, de l'assainissement des finances publiques, de la lutte résolue contre la corruption et les prévarications, du développement de relations fructueuses et confiantes avec nos principaux partenaires au développement. On n'en serait pas là où nous sommes aujourd'hui. Il n'y aurait eu ni mutineries ni accumulation des arriérés de salaires et donc aggravation de la misère, ni développement de l'insécurité. Le Président PATASSE répète inlassablement que la RCA est un pays riche. C'est vrai que notre pays ne manque pas de ressources. Le diamant, l'or, le bois, l'agriculture et l'élevage sont autant de créneaux qui, bien rentabilisés peuvent permettre à ce pays de faire face sans difficulté à des dépenses de salaires, d'autant plus que les montants n'ont rien de faramineux.

Ce ne sont ni le FMI, ni la Banque Mondiale, ni la France, qui sont responsables de l'accumulation d'arriérés de salaires, pensions et bourses. C'est la corruption, c'est l'affairisme du Président PATASSE et des siens, c'est l'incompétence due à la politisation extrême de l'administration centrafricaine, c'est l'interférence des intérêts de réseaux mafieux.

Rien de tout cela ne peut changer tant que le Président PATASSE reste aux commandes du pays. Bien au contraire : il a suffi d'à peine six mois après le deuxième mandat obtenu dans les conditions que nous savons pour que le pays accélère sa descente aux enfers. Cinq ans de plus, et il n'y aura plus de pays. Telle est la stricte vérité.

Les centrafricains sont des gens tolérants, prêts au pardon. On peut parfaitement envisager le vote par l'Assemblée Nationale d'une loi d'amnistie pour garantir l'immunité au Président PATASSE pourvu qu'il accepte de partir sans verser inutilement le sang des Centrafricains. L'opposition affirme haut et fort que le MLPC a sa place dans le paysage politique à mettre en place pour une transition pacifique, consensuelle, soucieuse de sauvegarder les institutions démocratiques, de préserver l'unité nationale et la paix civile et d'associer toutes les forces vives de la nation, y compris l'armée nationale.

Certains extrémistes pressent le Président PATASSE d'armer des miliciens et de programmer l'élimination physique de dirigeants politiques et syndicaux. Plutôt que de provoquer un bain de sang dont lui-même et ses proche paieront nécessairement le prix, il est raisonnable qu'il se retire pour favoriser un règlement pacifique de la crise. Un tel geste le grandirait aux yeux de la postérité.

L'opposition pour sa part, s'engage dès aujourd'hui à unifier les différents fronts de lutte et à proposer une plate-forme politique autour de laquelle toutes les forces vives de la nation - partis politiques, syndicats, jeunesse, femmes, association de la société civile, confession religieuse, représentants des forces de l'ordre et des forces armées centrafricaines - se regrouperont afin que, comme un seul homme, nous sauvions notre chère patrie.

Le meeting du mardi 19 décembre 2000, qui se tiendra coûte que coûte, nous donnera l'occasion de préciser amplement le contour et le contenu de cette plate-forme.

Nous vous remercions.

Actualité Centrafrique - Dossier 3 [sangonet, 15 décembre 2000]