Menaces de grève générale des fonctionnaires sur fond d'économie fragilisée
L'ensemble des fonctionnaires centrafricains, dont certains accusent des arriérés de salaire de près de deux ans, agitent la menace d'une grève générale la semaine prochaine qui risque d'aggraver la situation économique et politique déjà plus que fragile du pays.
Appuyée par les principaux partis de l'opposition, l'interfédérale de l'Union des syndicats des travailleurs centrafricains (USTC, regroupant les 7. 000 fonctionnaires du pays) devrait en effet appeler samedi ses adhérents à un mouvement de grève générale sur toute l'étendue du territoire.
Si le principe de cet arrêt de travail était adopté en assemblée générale, comme l'ont affirmé vendredi à l'AFP plusieurs responsables syndicaux, il pourrait mettre à mal le régime du président Ange-Félix Patassé, confronté à un mécontentement politique et social grandissant.
Deux fédérations syndicales du secteur public - celles des enseignants et des services sociaux et de santé - n'ont pas attendu le mot d'ordre de samedi pour entamer depuis plusieurs jours leur propre mouvement de grève.
Elles ont été rejointes jeudi par celle des travailleurs de la communication qui cesseront le travail dès mardi pour 48 heures en guise "d'avertissement".
Ces mouvements sociaux interviennent alors que le gouvernement du Premier ministre Anicet-Georges Dologuélé, également ministre de l'Economie et des Finances, est enfin sur le point de parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI).
L'accord qui se traduira - le principe étant déjà acquis à Washington - par un second décaissement de 5,5 milliards de francs CFA (550 M FF) du FMI au titre de la Facilité d'ajustement structurel renforcé (FASR), devrait permettre au gouvernement de M. Dologuélé d'apurer progressivement tous les arriérés de salaires, affirme-t-on de source officielle.
Mais l'opposition, impatiente de reprendre l'initiative politique après son échec à l'élection présidentielle de septembre 1999, qu'elle conteste toujours, a trouvé dans ce mécontentement social grandissant l'occasion de fournir les preuves de l'échec du régime Patassé.
"Les revendications des travailleurs sont justifiées. Si le président Patassé n'a pas la capacité de gérer le pays, alors il faut qu'il le reconnaisse et en tire les conséquences en s'en allant", a déclaré à l'AFP le président du Parti de l'unité nationale (PUN, opposition) et ancien Premier ministre de M. Patassé, Jean-Paul Ngoupandé.
"Nous ne croyons plus en ce gouvernement qui nous a trompé et n'en finit pas de nous promettre de satisfaire nos revendications", renchérit le secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs des services sociaux et de santé (FNTSS), dont les adhérents sont en grève depuis mercredi pour au moins quatre jours.
Le secrétaire général de la Fédération syndicale des enseignants de Centrafrique (FSEC), Noël Ramadan, dénonce quant à lui la "mauvaise volonté" du Premier ministre "qui est en train de dévaloriser la fonction publique". Les enseignants n'ont pas pris part à la rentrée scolaire prévue il y a une dizaine de jours.
L'ensemble des syndicats exigent le règlement d'au moins 12 mois d'arriérés alors que le gouvernement leur a promis trois mois d'ici dimanche.
Les étudiants, qui n'ont pas perçu leurs bourses depuis deux trimestres, menacent également d'entrer dans la danse: "actuellement nous essayons de tempérer notre base, mais si le gouvernement ne se décide pas à nous verser au moins un trimestre, nous ne répondrons plus de la situation", affirme le secrétaire général du Collectif des étudiants, Bertrand Kenguetona.
Dernière incertitude dans ce climat socio-politique déjà très tendu: l'attitude des militaires, dont les arriérés de solde se montent maintenant à 11 mois. On craint ici qu'ils ne soient tentés de revendiquer leur dû par les armes.
"Dans ce cas de figure, pronostique un journaliste centrafricain, nous nous retrouverions dans la situation qui a précédé les rébellions de 1996/97 ou la fuite de l'empereur Jean-Bedel Bokassa".
(AFP, Bangui, 13 octobre 2000)