Crise économique en RCA: le président Patassé accuse le FMI et la BM
Le président centrafricain Ange-Félix Patassé a violemment accusé les institutions de Bretton Woods d'être "responsables" de la crise économique qui frappe son pays, confronté depuis mardi à une grève "d'avertissement" générale de quatre jours dans la Fonction publique.
"La situation que nous vivons, j'en rends directement responsable le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM), parce que nous nous sommes saignés afin de rembourser nos dettes et que, de leur côté, ils avancent des arguments fallacieux pour retarder le règlement du dossier centrafricain", a déploré M. Patassé au cours d'un entretien avec un journaliste de l'AFP.
Interrogé lors d'un de ses fréquents séjours dans son domaine agricole expérimental privé de Gbouen (environ 80 km à l'ouest de Bangui), où il affirme, en tant qu'ingénieur agronome de formation, "pouvoir bientôt nourrir" son peuple, le président Patassé ne mâche pas ses mots.
"Nous, Centrafricains, nous nous serrons la ceinture depuis plusieurs années, ce qui nous a permis de rembourser presque toutes les dettes de l'ancien régime (de son prédécesseur André Kolingba, ndlr) et les institutions de Bretton Woods viennent maintenant nous créer des difficultés injustifiées", proteste-t-il.
Le régime de Bangui, qui vient de connaître des années difficiles en raison des mutineries militaires à répétition de 1996/97, attend toujours le second décaissement de 13 millions de dollars US du FMI et de la Banque mondiale, promis depuis plusieurs mois par Washington.
Cette violente diatribe contre les deux institutions internationales, soupçonnées par le président d'être "plus à l'écoute de l'opposition que du gouvernement" intervient alors que le FMI et la BM ont dépêché une mission d'observation dans la capitale centrafricaine.
Cette mission doit à nouveau faire le point des progrès du pays dans le domaine économique.
Devant l'incompréhension des autorités financières, M. Patassé, bottes aux pieds, préfère exhiber fièrement les dernières productions de son domaine agricole de Gbouen. Celui-ci, assure-t-il, va "prochainement transformer la vie de mes concitoyens en rendant notre pays quasiment autosuffisant".
C'est sur ce terrain de plus d'un millier d'hectares, situé en pleine forêt vierge, que le président compte installer prochainement, entre autres, une usine d'embouteillage d'eau minérale, un champ de maïs "révolutionnaire", une plantation "d'arbres à pétrole", un élevage de crevettes d'eau douce et un centre de thalassothérapie.
A propos de la situation en République démocratique du Congo (RDC), pays partageant avec son pays plusieurs milliers de km de frontière, le président Patassé rappelle qu'il a "toujours condamné l'invasion de la RDC par l'Ouganda et le Rwanda".
"Je reste invariable sur cette position et c'est pour ça que je mène des actions avec d'autres chefs d'Etat engagés (les voisins de la RDC), pour trouver des solutions constructives, afin que les Congolais puissent se retrouver autour d'une table pour négocier l'avenir de leur pays", ajoute-t-il.
Affirmant qu'il connaît "très bien en tant que frère" le président Laurent-Désiré Kabila et qu'il considère le chef de la rébellion du nord-ouest Jean-Pierre Bemba "comme mon fils", M. Patassé estime que "ne pas écouter l'un ou l'autre serait un suicide étant donné nos frontières avec la RDC".
"Tout comme j'ai demandé à Bemba de ne pas aller jusqu'à Mbandaka (600 km au nord de Kinshasa, verrou stratégique de la capitale congolaise, ndlr), j'ai exhorté Kabila à ne pas bombarder les troupes de Bemba", précise-t-il.
Selon lui, la solution se trouve dans "une véritable intégration régionale du pays", car "ce n'est pas avec les armes que l'on va résoudre les problèmes de la RDC". M. Patassé estime à cet égard que "l'Afrique centrale francophone et son doyen le président gabonais Omar Bongo ont leur rôle à jouer dans cette crise".
Enfin, le chef de l'Etat centrafricain, qui entretient "d'excellentes relations" avec la Libye, a qualifié de "malheureux" les affrontements de septembre dernier entre des Libyens et des ressortissants africains qui ont fait plusieurs dizaines de victimes.
"Cette situation a été choquante, mais elle ne doit pas barrer la route à l'intégration et à l'avenir de l'Afrique", a-t-il conclu.
(AFP, Gbouen (Centrafrique), 18 octobre 2000)