Opération "Centrafrique pays mort" réussie (11 décembre 2000)

"Objectif atteint", "pari réussi", disent unanimement les syndicats. "Nous sommes très satisfaits", commente Théophile Sonny-Colé, l'un des leaders des mouvements syndicaux.
Surpris par la détermination des syndicats et très embarrassé, le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC) dénonce dans un communiqué la récupération politique des revendications salariales des travailleurs. Mais en même temps, avec l'appui de ses alliés de la mouvance présidentielle, demande "fermement au gouvernement de prendre ses responsabilités", et "d'explorer toutes les voies possibles pour répondre dans un délai raisonnable aux attentes justifiées des travailleurs du secteur public".
Les syndicats ont prévu de se réunir mardi 12 décembre 2000 pour tirer le bilan de leur opération et se concerter sur la suite de leur mouvement.


Début de l'opération "Centrafrique pays mort" sous surveillance militaire (Afp, Bangui, 9h37)
L'opération "Centrafrique pays mort", organisée par les syndicats de fonctionnaires pour paralyser tous les secteurs de la vie économique du pays, a commencé lundi à Bangui sous haute surveillance policière et militaire, a constaté un journaliste de l'AFP.
Des unités de la FORSDIR, l'ancienne garde présidentielle, se sont déployées dès dimanche soir sur les grands axes du centre-ville tandis que des éléments de la police et de la gendarmerie ont organisé des patrouilles mixtes dans les quartiers populaires, ont rapporté des témoins.
L'atmosphère semblait néanmoins très calme lundi dans la capitale, désertée par les automobilistes et où seuls les véhicules militaires et de rares mobylettes empruntent les grandes avenues.
La plupart des commerces et des boutiques n'ont pas ouvert lundi matin, aussi bien en centre-ville que dans les quartiers populaires. Mais il était encore difficile de savoir si le mot d'ordre des syndicats a été respecté par tous les travailleurs.
Vendredi 8 décembre, les cinq principales centrales syndicales des fonctionnaires, en grève depuis le 2 novembre, ont appelé tous les commerçants et Boubanguérés (vendeurs à la criée) à "rester chez soi" lundi pour soutenir leur mouvement.
La fonction publique centrafricaine, qui compte quelque 17.000 agents dans tout le pays, est entrée en grève pour réclamer le "paiement immédiat de 12 mois d'arriérés de salaire".
Certaines catégorie de fonctionnaires ont accumulé depuis huit ans 30 mois d'arriérés, rappelle-t-on.
Le gouvernement avait lancé samedi 9 décembre une sévère mise en garde "à ceux qui profiteraient de la situation pour entraver la liberté de travailler, d'aller et venir des paisibles citoyens".

Les forces de l'ordre dégagent quelques barricades dans Bangui [témoins] (Afp, Bangui,11 décembre - 14h05)
Les forces de l'ordre centrafricaines ont dégagé lundi une dizaine de barricades qui avaient été érigées dans plusieurs quartiers de Bangui, paralysée par l'opération "Centrafrique pays mort" des syndicats de fonctionnaires, ont rapporté à l'AFP plusieurs témoins.
Ces derniers ont affirmé que des jeunes Centrafricains ont empêché aux premières heures de la journée les quelque Banguissois qui ont tenté de se rendre sur leur lieu de travail, en jetant des pierres sur les rares véhicules en circulation et en érigeant des barricades.
Des unités de la FORSDIR (ancienne garde présidentielle), de la gendarmerie et de la police, déployées depuis dimanche soir sur les principaux axes de la ville, sont rapidement intervenues pour rétablir l'ordre, ont ajouté ces témoins qui n'ont pas fait état d'arrestations.
La porte parole du gouvernement, Marie Josèphe Songomali-Toungouvala, a confirmé dans un communiqué à l'AFP "une tentative" d'érection de barricade dans la matinée, tout en précisant que "la circulation est libre dans l'ensemble de la ville de Bangui".
Dans au moins trois arrondissements de la capitale centrafricaine, des traces de ces barricades, des restes de pneus enflammés et des pierres étaient visibles sur les chaussée de certaines artères de la ville, a constaté un journaliste de l'AFP.
En fin de matinée, une carcasse de voiture barrait encore la principale route du quartier "Fatima", dans le 6ème arrondissement de Bangui, tandis que de fortes fumées se dégageaient de plusieurs pneus en train de brûler.
Les cinq centrales syndicales de la fonction publique, en grève depuis plus d'un mois pour réclamer 12 mois d'arriérés de salaire, ont décrété le lundi 11 décembre journée "Centrafrique pays mort".
Ils avaient notamment appelé la population à soutenir leurs revendications salariales en restant chez eux.
Tous les magasins et commerces de la capitale sont restés fermés lundi, faute d'employés, à l'exception de quelques petits vendeurs de rue, mais de très nombreux badauds sont sortis en fin de matinée dans les rues des quartiers populaires, visiblement très calmes, a également constaté l'AFP.
Samedi, le gouvernement centrafricain avait lancé une sévère mise en garde contre "ceux qui tenteraient de profiter de cette situation pour entraver la liberté de travailler, d'aller et venir des paisibles citoyens".

L'économie de Bangui paralysée par l'opération "Centrafrique pays mort" (Afp, Bangui; 16h51)
La quasi-totalité des activités économiques de Bangui ont été paralysées lundi par l'opération "Centrafrique pays mort" des syndicats de fonctionnaires en grève, mais aussi par des jeunes qui ont érigé des barricades et jeté des pierres pour dissuader les travailleurs.
Toutes les sociétés et les commerces du centre-ville et de la plupart des quartiers de Bangui sont restés fermés, faute d'employés, ou par peur d'incidents avec les partisans de cette opération.
"Autour de 6H00 (5H00 GMT), on a jeté des pierres sur les premiers qui tentaient de prendre leur véhicules pour se rendre sur leurs lieux de travail", racontait Gustave, un vendeur ambulant qui avait décidé de ne pas travailler pour ne pas prendre de risque.
"Les +jeunes+ sont en état d'alerte", ajoutait-il en précisant que les tensions, perceptibles le matin, étaient rapidement retombées.
Sur les principaux axes d'au moins trois arrondissements de Bangui, où ne circulaient que des mobylettes et de rares voitures, des traces de barricades, de pneus enflammés et de projectiles étaient visibles.
Des unités de la FORSDIR (ancienne garde présidentielle), de la police et de la gendarmerie, déployées depuis dimanche soir, ont patrouillé à intervalles réguliers pour sécuriser la ville, mais aucune arrestation n'a été signalée.
Le gouvernement centrafricain, qui a dénoncé la récupération politique des "justes revendications" salariales des fonctionnaires, avait lancé samedi une sévère mise en garde contre toute entrave à la liberté de travailler.
Sur une route en latérite du quartier populaire "Fatima", une carcasse de voiture consumée par le feu encombrait le milieu de la chaussée, tandis que des petits groupes de jeunes surveillaient les pneus qu'ils venaient d'enflammer.
"Nous sommes des jeunes sans emploi et désoeuvrés et nous sommes en colère", déclarait sous couvert de l'anonymat l'un d'eux, dénonçant les "mensonges" du président Ange-Félix Patassé et du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC, au pouvoir).
Aux abords des rues, des centaines de badauds sont sortis pour "voir quelle est la situation", vaquant à leurs activités ou discutant avec leurs voisins.
"C'est une réussite pour les syndicats qui avaient déjà mobilisé les gens pour leur marche pacifique" du 24 novembre, a analysé de son coté un haut fonctionnaire des Finances réclamant lui aussi l'anonymat.
En short et lunettes noires, il a fait "un tour à pied" dans son arrondissement où, selon lui, la population a "largement suivi le mot d'ordre" des syndicats. "Certains ne sont pas allés travailler par peur, mais pas tous", a-t-il ajouté, affirmant que "le mécontentement est réel".
Pour les centrales de la fonction publique, l'opération "Centrafrique pays mort" a constitué un véritable "test" pour juger de l'adhésion de la société civile à leurs revendications salariales.
Une partie des quelque 17.000 agents de l'Etat - syndiqués à 70% - s'est mise en grève depuis le 2 novembre pour revendiquer le paiement immédiat de 12 mois d'arriérés de salaire.
Ces arriérés, qui "empoisonnent depuis des années la vie en Centrafrique" selon les dires d'un ministre centrafricain, s'élèvent à 30 mois de salaire pour certaines catégories de fonctionnaires, en comptant les 13 mois cumulés sous les dernières années du régime de l'ancien président André Kolingba (1981-1993).
"Nous sommes prêts à aller jusqu'au bout", ont affirmé de leur côté les centrales syndicales qui considèrent "Centrafrique pays mort" comme "la fin d'une série d'actions pacifiques".

Retour au calme et fin de l'opération "Centrafrique pays mort" (Afp, Bangui, 19h37)
L'opération "Centrafrique pays mort" organisée par les syndicats de fonctionnaires en grève a pris fin dans le calme à Bangui, où quelques barricades ont encore été érigées lundi après-midi, tandis que des magasins ont finalement ouvert leurs portes.
La population a dans l'ensemble largement répondu à l'appel des syndicats de fonctionnaires, qui avaient fait de cette journée le point d'orgue de leur mouvement de protestation et un test de popularité.
"Vers 15H00 (14H00 GMT), des jeunes ont encore mis des barricades près du centre-ville et brûlé des pneus", ont rapporté à l'AFP plusieurs témoins qui n'ont pas fait état d'actes de violence.
Dans la plupart des quartiers de la capitale, où des traces de pneus enflammés étaient visibles dans une dizaine d'endroits, les fortes tensions perceptibles en début de matinée se sont progressivement atténuées dans la journée, a constaté l'AFP.
Quelques magasins du centre-ville n'ont finalement ouvert leurs portes que très tard dans l'après-midi, faute d'employés, solidaires du mouvement ou craignant des représailles.
"Nous avons tout fait pour enlever ces barricades, mais les gens les remettaient en place à chaque fois", a expliqué un haut responsable de la police centrafricaine de Bangui où, selon lui, le calme est revenu.
Les quartiers les plus touchés par ce phénomène sont les 2ème, 6ème et 7ème arrondissements, "des fiefs de l'opposition", a précisé ce dernier.
Les forces de l'ordre n'ont réalisé aucune interpellation car "il n'y a pas eu de dégâts matériels ou corporels", a-t-il ajouté.
"Nous sommes très satisfaits", a commenté Théophile Sonny-Colé, le dirigeant d'une des cinq centrales syndicales à l'origine de cette "grève générale".
Le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC, au pouvoir) a une nouvelle fois dénoncé la récupération politique des revendications salariales des travailleurs, selon un communiqué de presse transmis à l'AFP.
"Des partis politiques (...) tentent de caporaliser le mouvement et font maintenant des revendications justifiées des travailleurs leur cheval de bataille pour exiger la démission du président Ange-Félix Patassé", selon ce texte signé par de nombreux responsables du MLPC et de la majorité présidentielle.
Le parti présidentiel et ses alliés ont également demandé "fermement au gouvernement de prendre ses responsabilités", et "d'explorer toutes les voies possibles pour répondre dans un délai raisonnable aux attentes justifiées des travailleurs du secteur public".
La plupart des 17.000 agents de l'Etat centrafricains sont en grève depuis le 2 novembre pour réclamer le paiement immédiat de 12 mois d'arriérés de salaire. Certaines catégories ont accumulé en huit ans 30 mois d'arriérés.

Bangui paralysée par l'opération "Centrafrique pays mort" (Afp, Bangui, 11 décembre - 20h21)
La capitale centrafricaine Bangui a été paralysée toute la journée de lundi par l'opération "Centrafrique pays mort" des fonctionnaires en grève, mais aussi par des groupes de jeunes qui ont érigé des barricades et enflammé des pneus.
Après les fortes tensions perceptibles tôt le matin dans plusieurs points de la capitale centrafricaine, le calme était revenu en fin d'après-midi sans qu'aucun incident grave n'ait été déploré.
La population a dans l'ensemble largement répondu à l'appel des syndicats de fonctionnaires, en grève depuis le 2 novembre, par solidarité ou crainte des représailles.
Les syndicats qui exigent du gouvernement le paiement immédiat d'au moins 12 mois d'arriérés de salaires avaient fait de cette journée le point d'orgue de leur mouvement de protestation et un test sur l'adhésion de la population à leurs revendications.
La quasi-totalité des commerces et entreprises sont restés fermés toute la journée, faute de candidats au travail. Certains magasins n'ont ouvert leurs portes qu'en fin d'après-midi.
Seules quelques rares voitures et des mobylettes circulaient dans la journée sur les principaux axes de la capitale, quadrillés par des unités de la FORSDIR (ancienne garde présidentielle), de la police et de la gendarmerie.
Ce dispositif n'a pas empêché des jeunes d'ériger des barricades et d'enflammer des pneus dans plusieurs points de la capitale.
"Autour de 06H00 (05H00 GMT), on a jeté des pierres sur les premiers qui tentaient de prendre leur véhicules pour se rendre au travail", a confié à l'AFP un vendeur ambulant resté à la maison pour ne pas prendre de risque.
Sur une route en latérite du quartier populaire "Fatima", une carcasse de voiture consumée par le feu encombrait la chaussée, tandis que des petits groupes de jeunes surveillaient les pneus qu'ils venaient d'enflammer.
"Nous sommes des jeunes sans emploi et désoeuvrés et nous sommes en colère", déclarait l'un d'eux, en dénonçant les "mensonges" du président Ange-Félix Patassé et du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC, au pouvoir).
Aux abords des rues, des centaines de badauds sortaient pour "voir quelle est la situation", vaquant à leurs activités ou discutant avec des voisins.
"Certains ne sont pas allés travailler par peur, mais "le mécontentement est réel", assurait près de chez lui un fonctionnaire du ministère des Finances en short et lunettes noires.
La plupart des incidents ont eu lieu dans les 2ème, 6ème et 7ème arrondissements, "des fiefs de l'opposition", selon un responsable de la police de Bangui. Les forces de l'ordre n'ont procédé selon lui à aucune interpellation car "il n'y a pas eu de dégâts matériels ou corporels".
"Nous sommes prêts à aller jusqu'au bout", ont affirmé pour leur part les centrales syndicales qui considèrent "Centrafrique pays mort" comme "la fin d'une série d'actions pacifiques" et se sont félicité du succès de leur opération.
Le Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC, au pouvoir) a de son côté dénoncé dans un communiqué la récupération politique des revendications salariales des travailleurs, dans un communiqué.
"Des partis (...) tentent de caporaliser le mouvement et font maintenant des revendications justifiées des travailleurs leur cheval de bataille pour exiger la démission du président Ange-Félix Patassé", selon les nombreux responsables du MLPC et de la majorité présidentielle signataires de ce texte.
Mais le parti présidentiel a aussi demandé "fermement au gouvernement de prendre ses responsabilités", et "d'explorer toutes les voies possibles pour répondre dans un délai raisonnable aux attentes justifiées des travailleurs du secteur public".
Les syndicats ont prévu de se réunir mardi pour tirer le bilan de leur opération et se concerter sur la suite de leur mouvement.

Actualité Centrafrique - Dossier 3