La poudrière congolaise aux portes de Centrafrique
Bangui est inquiète. Il y a risque que les scènes du Congo Kinshasa se reproduisent comme un dans un film d'aventures ou de tragédie comédie avec des rôles bien réglés : les acteurs quelques fois gonflés à bloc, sans sourciller, répètent déjà leurs rôles avec de véritables balles. Une ambiance cauchemardesque et tragique règne. Au rugby, l'on parle de mêlées, d'ouverture, de combat, mais l'arbitre veille pour que cela reste un simple jeu de tour de force et de ruse pour le bonheur des spectateurs.
Rêve, réalité ou opacité, Bangui se pose mille question sur sa capacité à recevoir les réfugiés fuyant les bases de guerre du Congo. Le HCR tente d'apporter son aide mais cela ne saurait arrêter le flot humain affamé, miné par la peur et des maladies. Ces réfugiés s'amassent, traversent le fleuve, se tassent dans des abris de fortunes. Ils tentent de traverser l'Oubangui sur des embarquement au risque de chavirer ; chaque jour, le nombre décuple, les candidats à la traversée se bousculent.
Par milliers, ils se morfondent. Certains errent à la recherche d'un secours hypothétique d'une ONG, de la Croix Rouge. Combien de temps faut-il pour que la guerre cesse ? Plus personne ne pose la question ; alors, il faut fuir le plus loin possible. Pourtant, le Congo n'est pas encore entrée dans sa phase de combat général le long du fleuve Oubangui, la République Centrafricaine annonce le dépassement de la côte d'alerte... la capacité d'accueil ne suit plus et tout peut basculer. Dans une discussion autour d'une table, un voisin me souffle que la diplomatie africaine ou onusienne n'a encore jouer sa dernière carte, alors il y a lieu d'espérer.
Victor BISSENGUE
Bangui craint une contagion du conflit congolais à la Centrafrique
L'avancée des rebelles congolais de la province de l'Equateur (nord-ouest de l'ex-Zaïre) et les menaces de riposte généralisée des alliés du président de la République démocratique du Congo, Laurent-Désiré Kabila, font craindre à Bangui une contagion du conflit inter-congolais à la Centrafrique.
"La République centrafricaine (RCA) risque de servir de base d'attaque des Forces armées congolaises (FAC) et de se retrouver ainsi impliquée directement malgré elle dans ce conflit meurtrier", selon le délégué du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Bangui, Eusèbe Mounsokou.
Dans un entretien accordé vendredi à l'AFP, M. Mounsokou a fait état d'une avancée des rebelles du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, soutenus par l'armée ougandaise et des éléments rwandais, jusqu'à hauteur d'Impfondo (plus de 300 km au sud de Bangui, au Congo-Brazzaville).
Selon le délégué du HCR à Bangui, les rebelles qui progressent le long du fleuve Oubangui, "veulent parvenir à Mbandaka", une localité considérée comme un verrou stratégique ouvrant la route vers la capitale congolaise Kinshasa.
Ces informations ont été confirmées par des réfugiés congolais et de source militaire indépendante à Bangui, où l'on craint une contre-offensive massive des FAC dans l'Equateur depuis le sud du territoire centrafricain.
Le président zimbabwéen Robert Mugabe, allié du président Kabila, avait déjà affirmé le 7 octobre que les troupes ougandaises et les rebelles soutenus par Kampala étaient en train d'avancer vers l'ouest en République démocratique de Congo (RDC) et de s'approcher de Kinshasa.
Les pays alliés du président Kabila ont menacé lundi à Windhoek les rebelles d'une confrontation militaire généralisée au cas où ils poursuivraient leur avancée, rappelle-t-on.
La RCA, déjà accusée par Kinshasa de soutenir matériellement Jean-Pierre Bemba, craint de plus que les partisans de l'opposant et ancien président centrafricain André Kolingba ne profitent de la présence massive de réfugiés congolais en Centrafrique pour recruter parmi eux des mercenaires.
Ces réfugiés, dont nombre sont de la même ethnie que celle du général Kolingba - les Yacomas -, ont été poussés par les combats de ces derniers mois entre FAC et rebelles du MLC à franchir l'Oubangui, frontière naturelle entre les deux pays.
Une crainte d'autant plus forte que de nombreuses armes, issues de ce conflit, mais également des trois mutineries militaires de 1996/97 à Bangui, circulent en Centrafrique à des prix dérisoires. Pour 15.000 F CFA (150 FF), on peut ainsi se procurer une kalachnikov munie de son chargeur au marché noir à Bangui.
"De plus, l'utilisation illégale du territoire aérien centrafricain par les forces loyalistes de Kinshasa pourrait accentuer la tension entre les deux pays", selon M. Mounsokou. Le président congolais Laurent-Désiré Kabila a enjoint récemment son homologue Patassé à cesser toute aide aux rebelles du MLC, rappelle-t-on.
Le délégué du HCR craint également qu'une reprise intensive des combats ne panique les réfugiés congolais installés dans le sud de la Centrafrique et au nord du Congo-Brazzaville. Le HCR estime leur nombre à 20.000 et à plus de 100. 000 ceux installés le long de l'Oubangui au nord du Congo.
"Toute attaque des FAC dans cette région aurait des effets catastrophiques sur ces réfugiés qui hésitent à quitter les bords du fleuve parce qu'ils espèrent encore rentrer prochainement dans leur pays et que nombre d'entre eux sont des pêcheurs", affirme le délégué du HCR.
Le gouvernement centrafricain, conscient de ce problème a offert au HCR un site, distant d'environ 100 km de Bangui pouvant accueillir plusieurs milliers de réfugiés.
Le site de Moulangi, d'une superficie habitable de plus d'1km2, est jouxté par des terrains cultivables permettant l'autonomie de ses habitants.
"Le problème reste maintenant pour nous et les autorités centrafricaines, qui nous sont d'une précieuse aide, de convaincre les réfugiés de s'y rendre. Et ce n'est pas la partie la plus facile de notre travail", a conclu le délégué du HCR.
(AFP, Bangui, samedi 14 octobre 2000 - 9h17)