PATASSÉ ET LA LETTRE DE CACHET

Le président centrafricain découvre la pratique de la lettre de cachet. Un journaliste vient en effet d'être condamné à deux mois de prison et 150.000 F CFA d'amende pour avoir publié les résultats d'un sondage demandant la démission du chef de l'état.

La lettre de cachet réside dans la faculté qu'avaient au 18ème siècle les nobles de faire arrêter et tenir en geôle le premier manant venu pour délit de vagabondage. Par la suite, cette pratique s'est étendue aux règlements de compte entre courtisans. Elle caractérise la manœuvre d'un envieux d'écarter des faveurs du roi, un adversaire ou un rival, en le dénonçant par le biais d'une lettre anonyme qui recevra le cachet du Roi pour embastiller.

La lettre de cachet n'a pas en soi une forme juridique incontestable même si elle se fonde parfois sur une règle de droit. C'est un dispositif contraire au droit. Il consiste à soustraire un individu de la cité et à l'enfermer sans autre forme de procès dans un endroit reclus.

On nous répondra que tel n'est pas en l'occurrence le cas du journaliste Aboukaré TEMBELEY.

Quel crime a commis le directeur de la Lettre ou Journal des Droits de l'Homme ? Avoir publié le résultat d'un sondage où la majorité des interviewés sont favorables à la démission du président PATASSÉ. Que lui reproche-t-on ? D'avoir initié une manœuvre mettant à mal la sécurité publique,

d'inciter à la haine et à la révolte, de s'être absout du dépôt légal d'un titre de presse.

En un sens, un crime de lèse-majesté. Bigre !

Résumons : sur une population de 3.500.000 habitants, un journaliste entreprend un micro-trottoir,

C'est-à-dire un sondage sur le vif auprès de 200 personnes, et se retrouve en prison pour 2 mois assortis d'une amende de 150.000 F CFA.

Le jugement stupide, il s'est trouvé des magistrats pour stigmatiser un exercice de style journalistique sans conséquence dans toute démocratie digne de ce nom.

Ainsi en Centrafrique cette plaisanterie donne des vapeurs aux plus hautes autorités de l'Etat au point de mobiliser tout l'aréopage judiciaire. Une enclume pour enfoncer une mouche !

En réalité, cette condamnation inique est dramatique. C'est un drame collectif pour le peuple centrafricain qui est ainsi l'objet du mépris de ses dirigeants. Ceux-ci ne veulent pas savoir ce qu'il pense !!

C'est un drame humain pour le journaliste TEMBELEY qui, en l'absence de toute structure pénitentiaire correcte - la prison de NGARABA est hors d'usage depuis novembre 1997, est contraint de subir non seulement les locaux putrides du commissariat du port mais de graves violences physiques au risque de perdre sa vie.

C'est enfin un drame moral dans le sens où un citoyen privé de liberté subit le racket et une extorsion de fonds de 150.000 F CFA de la part d'un Etat qui ne paie pas ses fonctionnaires depuis 29 mois.

Devant ce drame, il n'est plus permis de tergiverser, de rappeler les grands idéaux républicains en attendant des jours meilleurs. Non, il faut agir, concrètement, basiquement.

Cotisons-nous, réunissons 15O.000 F CFA (1500 FF), payons à PATASSÉ son "cachet" comme on verse son obole à un saltimbanque.

Au moins, cette décision de justice qui discrédite la Centrafrique, la justice, et la démocratie méritera son nom dérisoire, une lettre de cachet.

Dès lors la grâce présidentielle consentie par PATASSÉ comme un grand seigneur gardera sa

signification : le geste cynique d'un Ubu-président

Cisco


Actualité Centrafrique - Dossier 4