Le président de l'Assemblée nationale Luc Appolinaire Dondon tente en vain d'obtenir un rendez-vous avec M. Patassé le président de la République, président du MLPC. Ultime recours, prendre sa plume et d'adresser en date du 27 février 2001 à ce dernier une "Note". Il fait part, au nom de la "vérité", de quelques réflexions en six points, paraphrasant au passage un auteur - nous avons juré de dire la vérité même si elle blesse.
A suivre...
(Dimanche 11 mars 2001)
Que reste-il de l'opposition centrafricaine ? Quel est le rôle actuel de l'Assemblée nationale ? - une réponse est partiellement contenue dans cette dépêche de l'AFP Bangui du 10 mars 2001 :
Trois députés d'opposition entrent au bureau de l'Assemblée nationale
(AFP, Bangui, 1O mars 2001 - 16h27)Il s'agit de deux élus, Jean-Marie Mokole et Elie Gbeda, du Mouvement pour la démocratie et le développement (MDD) de l'ancien président David Dacko, et d'un élu, Joseph Malemindou, du Front patriotique pour le progrès (FPP) du Pr Abel Goumba.
M. Malemindou a par ailleurs décidé de rejoindre le camp de la majorité présidentielle, a indiqué la même source.
M. Mokole a été nommé 2ème vice-président de l'Assemblée, alors que l'opposition a toujours refusé d'occuper ce poste depuis les élections législatives de décembre 1998, le jugeant comme un poste de "figuration", incompatible avec son poids politique réel.
A l'issue des législatives, la majorité n'avait en effet obtenu qu'une courte majorité de 55 sièges, contre 54 pour l'opposition, grâce à la défection d'un député du Parti social démocrate (PSD) peu après le 2ème tour.
Deux autres députés du PSD et un élu indépendant, considéré comme proche de l'opposition, s'étaient ensuite rapprochés de la majorité.
L'entrée de membres de l'opposition dans le bureau de l'Assemblée constitue une "faille" au sein de ce groupe qui réclamait jusqu'à présent le poste de 1er vice-président, au motif que celui peut être amené à remplacer le président de l'Assemblée en certaines occasions.
QUELQUES REFLEXIONS SUR L'ETAT DE LA NATION A LA TRES HAUTE ATTENTION DE SON EXCELLENCE MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE, CHEF DE L'ETAT.
Depuis le 19 Décembre 2000, date de l'arrestation de quatre de nos collègues députés, suite au meeting interdit du stade BONGA-BONGA, j'ai demandé à rencontrer Votre Excellence pour lui faire part des préoccupations du moment, mais en vain. Je suis donc obligé de le faire par écrit maintenant.
Ces préoccupations se rapportent aux points suivants :
1/ Le remaniement du Gouvernement
L'idée de ce remaniement a été admise et retenue par Votre Excellence, mais qui ne voulait pas l'opérer dans la précipitation, sous la pression des évènements.
Maintenant que la tension sociale a chuté et que les agents de l'Etat ont décidé, le 23 février de reprendre le travail, il est temps de procéder à un remaniement.
Le pays tout entier est bloqué, surtout lorsque l'on sait que plus de la moitié des ministres ne travaillent pas et vivent dans l'expectative. L'action gouvernementale est bloquée.
Rappelons que les quatre premiers mois de l'année sont ceux au cours desquels le Trésor enregistre le plus de rentrées fiscales. Pour le moment, la situation est difficile.
En ce qui nous concerne, nous ne céderons pas aux sirènes du changement alors que le pays traverse une période de grâce.
La célébration liturgique de la messe d'action de grâce inter-religieuse du Samedi 23 février 2001 doit nous faire réfléchir aux actes que nous devons poser dans l'intérêt du peuple centrafricain.
2/ La Présidence du Conseil des Ministres
Depuis plusieurs mois, Votre Excellence ne préside plus le Conseil des Ministres. Des conseils de cabinet se suivent sans qu'aucune grande décision ne soit prise. Pis encore, Votre Excellence reçoit certains membres du Gouvernement avec lesquels Elle traite certains dossiers en dehors du Chef du Gouvernement. Cela crée un disfonctionnement préjudiciable à la cohésion de l'action gouvernementale.
3/ L'absence de réaction du Gouvernement devant certaines situations graves ressemble à une démission de l'Etat face à ses responsabilités.
La persistance de cette situation contribue à affaiblir davantage l'autorité de l'Etat. Il s'agit en l'occurrence des situations suivantes :
- Le procès des personnes impliquées dans l 'assassinat de l'Ambassadeur de Libye.
Le procès devrait s'ouvrir après le ramadan, qu'en est-il maintenant ? que dira Votre Excellence à son frère le Guide de la Révolution Libyenne en marge de la conférence de Syrte.
- Le procès des personnes impliquées dans la scandaleuse affaire de ZONGO-Oil tarde à se tenir.
- Le procès des personnes impliquées dans l'affaire mafieuse de Centrafrican Air lines n'est pas en vue.
- Le procès des personnes impliquées dans la plus mafieuse des affaires maffieuses des 325 milliards de CFA de la BEAC semble être enterré.
Toutes ces affaires discréditent notre pays et nous font perdre la confiance de nos amis. Notre mutisme risque (s'il ne l'est déja) d'être considéré comme complice.
4/ Le comportement du Bureau Exécutif du MLPC est une véritable manoeuvre de déstabilisation de notre régime.
Si votre Excellence s'était rangée à son avis en Novembre et en décembre dernier, nous aurions été balayés de la scène politique centrafricaine avant fin 2000.
Les camarades qui aspirent à occuper le poste de Premier Ministre sont non seulement corrompus, mais incompétents. Leur unique but est de faire partir l'actuel Premier Ministre pour échapper aux poursuites judiciaires pour des forfaits commis. Accéder à leur demande équivaudrait à l'institutionnalisation de la corruption et à l'anéantissement de la bonne gouvernance.
5/ Notre attitude vis-à-vis de la France
Au lendemain de la réélection de Votre Excellence à la magistrature suprême de l'Etat, le Président du Groupe parlementaire MLPC et moi-même vous avions rencontré en présence de l'actuel Premier Ministre pour éxiger la normalisation de nos rapports avec la France. Votre Excellence avait accédé à notre requête.
Tout récemment à Yaoundé, vos homologues vous ont fortement incité à le faire.
Malheuresement, nous avons comme l'impression que la situation ne semble pas évoluer. Nous voyons la main de la France derrière des complots réels ou imaginaires et nous nous braquons.
La France est à l'heure actuelle un partenaire incontournable.
La considérer comme nous le faisons est simplement suicidaire.
6/ En conclusion
Notre méthode de Gestion de la chose publique, si elle n'est pas infléchie, corrigée dés maintenant, nous conduira irrémédiablement au " REBUT " à la fin de notre mandat.
En effet, notre manque de rigueur, notre laxisme et l'absence d'imagination créatrice risquent de nous amener à la fin de notre régime sans que nous n'ayons marqué positivement notre passage à la tête de l'Etat, au même titre que le RDC, encore que ce dernier, à tort ou à raison, s'est prévalu d'avoir laissé à la postérité le Palais de l'Assemblée Nationale.
Il est utilie de souligner que notre ingratitude à l'égard des militants les plus engagés nous a fait perdre leur confiance. Les Slogans tels que " Victoire " et " Premier Tour KO ", ont disparu de Bangui et en province.
Nous devons, avec l'actuel Premier Ministre, nous atteler à l'aissinissemment de la situation financière, resorber les arrièrés de salaires et envisager la réalisation de certains grands projets qui matérialiseront notre présence à la tête de l'Etat. Nous devons redonner confiance aux militants durant les trois années qui nous restent si nous ne voulons pas disparaître à tout jamais.
Nous avons juré de ne dire que la vérité, même si elle blesse.
Le Président Omar BONGO n'a-t-il pas dit, à l'occasion de la cérémonie de la Reconciliation Nationale, je cite :
" Si tu aimes ton Président, dis-lui le vérité "
" Si tu aimes ton frère, dis-lui le vérité "
" Si tu aimes ton ami, dis-lui le vérité "
" Car en faisant cela, tu lui rends service " fin de citation.
Le 27/02/2001
Luc Appolinaire DONDON-KONAMABAYE
Président de l'Assemblée Nationale.
(Source :Le CITOYEN N°1061)