Après la folle nuit du 28 mai 2001, Bangui se remet difficilement de sa 4e mutinerie
Bangui, entièrement sous contrôle de l'armée, reprend vie peu à peu
(AFP, Bangui, 7 juin 2001 - 18h22)Patassé demande un "constat international" de l'arsenal saisi chez Kolingba
Le président centrafricain Ange-Félix Patassé a demandé vendredi soir un "constat international" sur "l'impressionnant arsenal d'armes" saisi au domicile de l'auteur présumé de la tentative de coup d'Etat du 28 mai, l'ex-général André Kolingba.
Violence et angoisse, les dix jours de calvaire des habitants de Bangui
Quartiers bouclés, tirs de mortiers, "chasse" aux "mutins", disparus: dix jours après le coup d'Etat manqué du 28 mai, les Banguissois commencent à raconter le calvaire qu'ils ont enduré durant les combats entre putschites assiégés et forces loyalistes.
Près de 80.000 personnes ont fui les combats à Bangui (humanitaire)
Environ 80.000 personnes ont quitté la capitale Bangui pour échapper aux combats entre l'armée centrafricaine et les auteurs du coup d'Etat manqué du 28 mai, a estimé vendredi une organisation humanitaire basée à Bangui.
Il y aurait entre 50.000 et 65.000 personnes déplacées au sud-ouest de la capitale, auxquelles s'ajoutent quelque 10.000 personnes au nord et au moins 15.000 dans le sud-est, a indiqué le représentant de l'organisation italienne COOPI, Claudio Tarchi, interrogé par Radio N'Déké Luka.
Ces estimations ont ensuite été confirmées par la présidence centrafricaine, selon la radio.
Dans la préfecture de Lobaye, "la pression démographique est devenue trop forte, car on trouve trois déplacés pour un seul autochtone", a souligné M. Tarchi, estimant qu'il se posait "un problème d'abris".
Plusieurs milliers de Banguissois avaient déjà fui la capitale quand les Forces armées centrafricaines (FACA) ont violemment attaqué samedi 2 juin les quartiers sud-ouest, notamment la poche de résistance de Bimbo.
Les populations civiles de ces quartiers, réputés favorables à l'opposition, ont voulu se réfugier dans les forêts situées au sud-ouest de la capitale pour éviter d'éventuelles représailles des forces loyalistes du président Ange-Félix Patassé.
Environ 50.000 personnes ont alors emprunté la route de Mbaïki (90 km au sud-ouest, dans la Lobaye), ou longé les rives centrafricaines de l'Oubangui, selon des témoignages rapportés à l'AFP.
Aucun chiffre sur le nombre d'habitants qui ont fui les quartiers sud-est, violemment pilonnés par les FACA, n'étaient en revanche disponible jusqu'à présent.
Bangui, entièrement sous contrôle de l'armée, reprend vie peu à peu
Dix jours après la tentative de coup d'Etat manqué contre le président Ange-Félix Patassé, la vie reprenait peu à peu ses droits jeudi à Bangui, désormais sous "contrôle total" de l'armée centrafricaine.
Les Forces armées centrafricaines (FACA), soutenues par les rebelles congolais du Front de libération du Congo (FLC) et la logistique des soldats libyens, ont finalement eu raison des putschistes au terme de cinq jours de combats dévastateurs et meurtriers.
Un assaut final contre la dernière poche de résistance, qu'on attendait mercredi après-midi ou dans la journée de jeudi, n'a finalement pas eu lieu, les troupes loyalistes se contentant de pourchasser les mutins bien après la sortie sud-ouest de Bangui.
"La ville est totalement sous contrôle des FACA", a annoncé dès mercredi soir une source militaire autorisée interrogée par l'AFP.
"Cela n'exclut pas que quelques rebelles puissent encore se cacher dans certains quartiers du sud-ouest de Bangui", a affirmé cette même source.
Après plusieurs jours et nuits marqués par de violents tirs de mortiers ou de lance-roquettes entrecoupées d'accalmies, les Banguissois se sont levés jeudi matin sans avoir entendu de coups de feu significatifs depuis 24 heures.
Dans la journée, le ministre centrafricain de la Défense, Jean-Jacques Demafouth a confirmé sur les ondes de la radio N'Déké Luka que les FACA avaient repris le "contrôle total" de la capitale.
Cette information a été également donnée par le ministre français délégué à la Coopération, Charles Josselin, citant l'ambassade de France à Bangui.
M. Demafouth a par ailleurs appelé tous les militaires, "même ceux qui ont participé à cette insurrection", à regagner leurs casernes.
"Ils doivent renoncer à leur ouvrage désormais sans issue, et se départir de (l'ancien président André) Kolingba, principal auteur du coup d'Etat", a-t-il insisté
L'ex-général Kolingba, dégradé et dont la tête a été mise à prix par le président Patassé, a été "obligé d'abandonner la pirogue qu'il utilisait dans sa fuite pour errer dans la brousse en ce moment", a indiqué M. Demafouth sans plus de précisions.
Même les hommes du FLC, qui avaient traversé le fleuve Oubangui aux premières heures de la tentative de coup d'Etat manqué pour prêter main forte aux forces loyalistes, ont commencé à regagner jeudi leurs bases, en République démocratique du Congo (RDC), a-t-on constaté jeudi.
"Notre mission à présent est terminée. Ordre a été donné aux troupes de rentrer sur notre territoire", a expliqué le chef de guerre congolais Jean-Pierre Bemba.
Soulagés de cet arrêt des hostilités qui les ont obligés à rester calfeutrés chez eux durant dix jours, les 600.000 habitants de Bangui ont commencé à se déplacer dans la ville où la circulation a repris timidement.
De nombreux cadavres, dont la plupart sont en état de putréfaction, jonchaient pourtant les rues, ont constaté des témoins, dont le correspondant de l'AFP.
Certains ont commencé à être incinérés sur place, alors que des centaines de blessés continuaient à affluer jeudi en direction de l'hôpital communautaire de la capitale.
Débordés, le personnel médical a soigné en priorité les personnes blessées par des éclats d'obus ou des balles perdues, tandis que ceux dont l'état était moins grave ont été invités à rentrer chez eux.
Le bilan des combats, qui ont été surtout violents dans les quartiers sud-est et sud-ouest de la ville, pourrait "largement" dépasser le chiffre de 250 à 300 morts avancé sur la base de recoupements, selon des sources officieuses.
De nombreux corps seraient encore enfouis sous les décombres des maisons touchées par les obus de mortiers ou les roquettes des FACA, selon des témoins.
La fin de ce coup d'Etat avorté intervient quatre ans après la dernière mutinerie de 1996/97.
L'envoyé spécial de l'ONU, l'ancien président malien Amadou Toumani Touré est attendu en fin de semaine à Bangui où il avait déjà mené avec succès une première mission de réconciliation nationale.