Impressions de Bangui et la question de chasse à l'homme vue par Jules S. Gueye

Lorsque le vol 632 de la CAMAIR en provenance de Yaoundé s'immobilise sur le tarmac de l'aéroport de Bangui Mpoko, un peu avant 8 heures locales (17 heures GMT) ce mercredi 20 juin, il est aussitôt entouré par des soldats.

Simple mesure de sécurité, a-t-on dit, mais bref moment d'inquiétude pour les passagers qui ont encore en mémoire les récits des sanglants évènements ayant marqué la tentative de coup d'Etat du désormais ex-général André Kolingba.

Aucun signe de nervosité chez les militaires, qui sont plutôt calmes.

Une fois les formalités de police et de douane expédiées, sous le contrôle d'éléments féminins, un soldat va pousser la courtoisie en se démenant pour m'aider à joindre mon contact.

Il faut absolument un téléphone portable, car le fixe a encore quelques problèmes.

L'aéroport de Bangui offre un visage ordinaire avec la même faune de porteurs en quête de leur pitance.

Dehors, plusieurs véhicules de la croix rouge internationale arborant le fameux drapeau s'ébranlent vers la ville. Les taxis sont rares. Il faut payer les services d'un jeune garçon pour en quérir un qui accepte de nous prendre, mon confrère camerounais et moi, au double du prix officiel soit 6000 francs CFA.

Nous traversons rapidement le marché jouxtant l'aéroport, qui grouille de monde malgré la nuit tombante.

Rien dans l'attitude des Centrafricains n'indique que ce pays vient de vivre sa quatrième mutinerie, sans doute la plus sanglante de son histoire.

Le chauffeur de taxi, Sylvain, un nom d'emprunt, se veut rassurant : ""Tout va bien maintenant, les combats sont terminés"".

Quand on l'interroge sur la chasse aux Yakomas, l'ethnie du chef présumé des mutins, le général André Kolingba, il confirme.

A quoi reconnaît-on un Yakoma ? N'y a t-il pas de risque que nous soyons pris pour des Yakomas ? ""Les Yakomas portent souvent des scarifications et puis il y a votre accent, et les soldats vérifient les papiers"", répond-il.

Mon compagnon déposé devant une mission catholique, je poursuis seul avec Sylvain. Nous évitons soigneusement la zone où réside le président Patasse où les soldats tirent sans

sommation.

Nous croisons une jeep armée d'un canon et remplie de soldats. Dans le centre-ville, aucune trace des combats les bâtiments ont été épargnés contrairement à ce qui s'est passé lors des mutineries précédentes.

Les rues de Bangui sont encore un peu plus défoncées. Le chauffeur doit être particulièrement vigilant pour éviter les nombreux nids de poule dans l'obscurité qui a fini de s'installer.

Il est surtout très prudent à mesure qu'on se rapproche du camp Kasai, théâtre des plus violents affrontements entre forces loyalistes et mutins.

Entre deux nids de poule, il explique : ""Je dois faire très attention car les soldats peuvent nous tirer dessus, malgré les consignes"".

Mais, il faut également faire vite pour ne pas être surpris par le couvre-feu qui commence à 21 heures locales (20 heures GMT).

A cause des multiples précautions de Sylvain, je finis moi-même par éprouver une certaine psychose en me disant qu'un accident est vite arrivé.

C'est donc avec un soulagement dissimulé que je vois arriver mon contact, à l'endroit convenu.

Le bonhomme semble tout à fait à l'aise, avec les soldats postés aux barrages, échangeant des mots par-ci, distribuant des billets de banque par là. Comme les fonctionnaires, les soldats centrafricains traînent des mois d'arriérés de salaires.

Les barrières se lèvent sur notre passage.

La nuit sera calme, seulement troublée par une lointaine détonation, de l'autre côté de l'Oubangui, en République démocratique du Congo, d'où sont venus les renforts aux forces loyalistes dépêchés par le chef rebelle Jean Pierre Mbemba.

(PANA, Bangui, Jeudi 21 Juin 2001)


Actualité Centrafrique - Dossier 5