Du putsch du 28 mai à l'affaire Bozizé: la crise en RCA change d'enjeux (AFP, Libreville, 06 novembre 2001 - 13h16)


Entre le putsch manqué du 28 mai attribué aux hommes de l'ancien président André Kolingba, et la tension née de la tentative d'arrestation, samedi, du général François Bozizé, un loyaliste historique du régime actuel, la crise centrafricaine a changé peu à peu d'enjeux.

En cinq mois, les tensions dans la capitale centrafricaine, Bangui, se sont symboliquement déplacées des quartiers sud, où résident les ressortisants des ethnies riveraines de l'Oubangui (sud), vers les quartiers nord de la ville, traditionnellement acquis au président centrafricain Ange-Félix Patassé.

Le coup d'Etat manqué du 28 mai était apparu comme une réédition exacerbée des trois mutineries militaires de 1996-97, avec les mêmes officiers de l'ethnie minoritaire yakoma, riveraine du fleuve Oubangui (sud de la RCA) pour acteurs.

Comme lors des mutineries, les dix jours de combats meurtriers qui avaient suivi cette tentative avortée, s'étaient naturellement concentrés dans les quartiers sud de Bangui (Ouango, Bimbo, Pétévo, Bruxelles), où résident la plupart des habitants des ethnies Yakoma et apparentées.

La traque des putschistes avait entrainé l'exode de dizaines de milliers de Banguissois, civils, ou militaires impliqués, fuyant les combats, suivi d'une série d'exactions dirigées contre des membres de l'ethnie yakoma.

Ce nouvel épisode sanglant de l'histoire du pays illustrait, d'après les proches du président Patassé, la soif de revanche tenace de son prédécesseur, le général André Kolingba (1981-1993), considéré par la justice centrafricaine comme l'instigateur du putsch.

Mais depuis l'arrestation, le 26 août dernier, de l'ancien ministre de la Défense, Jean-Jacques Démafouth, soupçonné d'avoir ourdi un complot parallèle contre le régime, la tension a progressivement changé de camp pour s'insinuer dans les cercles du pouvoir.

Le ministre, ancien compagnon d'exil du président Patassé, ne pouvait agir sans solides complicités au sein de l'armée, estimait-on à Bangui.

Certains officiers de haut rang se sont du coup retrouvés au hit-parade de la fertile rumeur banguissoise. En première ligne: le chef d'état-major des armées, le général François Bozizé, limogé le 26 octobre et jusqu'alors considéré comme un loyaliste parmi les loyalistes.

Originaire de la préfecture de l'Ouham au nord-ouest de la RCA, qui compte parmi les plus peuplées du pays et vote majoritairement Patassé, le patron de l'armée de RCA depuis le seconde mutinerie de 1996, appartient comme plusieurs dignitaires du régime à l'influente ethnie Gbaya.

Les autorités n'avaient manifestement guère anticipé la vive résistance opposée à sa tentative d'arrestation, dans la nuit de vendredi à samedi, par de militaires et d'habitants de son quartier, membres de son ethnie.

Depuis, les tirs d'intimidation, tantôt nourris, tantôt sporadiques, entendus dans la capitale se sont tous concentrés dans les quartiers nord de la ville, où résident les populations nordistes favorables au président Patassé, lui-même originaire de la région frontalière avec le Tchad.

François Bozizé est par ailleurs considéré par nombre de Centrafricains comme un héros de la lutte contre l'ancien président Kolingba.

En exil au Bénin sous le règne de fer de l'ancien dictateur, il avait été rapatrié de force en RCA lors d'une opération spéciale et avait échappé de peu à une exécution sommaire par des militaires yakomas dans sa cellule.

"Les gens de Bozizé sont des loyalistes: ils étaient à nos côtés contre les mutins et les putschistes. Nous n'avons pas envie de nous tirer dessus", confiait lundi à l'AFP un militaire centrafricain.

Les données de l'affaire Bozizé, bien différentes de celles du putsch, ont poussé depuis dimanche le régime à rechercher une solution négociée, apte à éviter un bain de sang aux conséquences imprévisibles.