L'Assemblée Nationale, les Cours et Tribunaux ont aussi la clé de la sortie démocratique de la crise


Il fallait s'y attendre. La crise qui secoue la République Centrafricaine est une crise totale et profonde, une crise politique et institutionnelle, une crise économique et sociale, et ..., au bout du compte, une crise de légitimité. Cette crise était prévisible. Mais, si elle s'est déclenchée, elle n'est pas insurmontable aujourd'hui. En effet :

- devant un niveau aussi élevé de dérèglement général qui bloque le fonctionnement régulier des pouvoirs publics déstabilisés depuis la tête de l'Etat ;

- devant un si grand péril qui conduit droit à la ruine et à la mort prochaine de la République, il y a toujours des pistes de sortie que chaque Centrafricaine et chaque Centrafricain qui a une foi inébranlable dans les valeurs démocratiques a le devoir et l'obligation de chercher et d'exploiter à fond, pour éviter coûte que coûte le pourrissement de la situation et barrer ainsi la route aux actions déviationnistes d'usurpateur à ''visage humain'', ''vengeur des innocents et punisseur des coupables''. Bref des ''justiciers''.

Dans ces circonstances douloureuses, graves et délicates où les passions sont aux commandes, où les esprits s'égarent et où la fuite en avant est la solution des désespérés, le meilleur et le premier réflexe est de travailler avec gravité, constance et lucidité au retour à la normale, en allant à la démocratie par la voie démocratique et à la paix par la voie pacifique. Et cela aussi longtemps que le dialogue et la tolérance sont possibles.

Ces voies démocratiques et pacifiques existent et se trouvent à profusion dans l'arsenal juridique disponible qui prévoit effectivement des possibilités constitutionnelles et légales de sortie et d'évitement des blocages politiques et institutionnels.

La crise que vit la R.C.A. actuellement trouve certes sa cause lointaine dans l'économie de traite fermée par principe et par vocation à l'industrialisation qui crée l'emploi et aide au progrès. Mais, cette crise trouve sa cause immédiate et directe dans cette absence cruelle et délibérée de volonté politique tendant résolument à considérer que l'économie de traite n'a jamais été qu'un trait de l'histoire et qu'elle peut disparaître pour peu :

1- que les autorités politiques arrêtent un cadre juridique solide, efficace, activé par des institutions opérationnelles et équilibrées ;

2- que ces autorités politiques s'obligent avec la fermeté et la détermination requises à faire un bon usage du cadre juridique ainsi fixé, sans réserve ni condition. Quitte à y apporter les modifications devenues nécessaires à la marche en avant, loin, plus loin, très loin.

Il se trouve que la crise sociale et économique qui s'éternise et qui s'est muée depuis en crise politique indéniable, tient à la fragilité très prononcée de la Constitution qui accuse des faiblesses techniques au niveau de la distribution des pouvoirs et responsabilités entre les deux Chefs de l'Exécutif :

- dont l'un, le Chef de l'Etat, est l'autorité par excellence, qui définit sans partage la politique de la Nation, dispose seul de toutes les administrations et nomme seul aux fonctions civiles et militaires ;

- dont l'autre, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement, est en revanche, l'autorité au statut réducteur de simple Agent d'Exécution, chargé de se contenter de mettre fidèlement en œuvre cette politique définie par le Chef de l'Etat ; Un Agent d'Exécution privé du droit d'être juge des qualités de ses collaborateurs directs, privé du droit de les nommer librement et de les révoquer tout aussi librement ; Un Agent d'Exécution interdit de disposer des administrations. C'est-à-dire en bref, un Premier Ministre bridé, constitutionnellement mis hors d'état de gouverner efficacement puisqu'il ne peut disposer que de seuls moyens humains, matériels et financiers que le Chef de l'Etat, Président de la République veut bien accepter de lui fournir; Etant donné que le Premier Ministre ne dispose des administrations et ne nomme aux fonctions civiles que selon le bon vouloir du Président de la République (article 21 de la Constitution).

C'est véritablement un comble ! Et quiconque voudrait saboter la République et instaurer une monarchie impériale ne s'y prendrait pas autrement. C'est pourquoi il n'est pas acceptable que les choses restent en l'état. Surtout que dans la pratique les Premiers Ministres, Chefs de Gouvernement , n'ont pas toujours participé à la définition de la politique nationale du Chef de l'Etat pour prétendre à la maîtrise de la gestion concrète et d'en minimiser les ratés.

 

I. LA NECESSITE DE REVISER LES ARTICLES 21 ET 37 DE LA CONSTITUTION POUR METTRE LE PREMIER MINISTRE EN SITUATION DE GOUVERNER REELLEMENT ET DE REPONDRE PLEINEMENT DE SA GESTION

Que l'on aille à l'école de l'histoire des sociétés des hommes, ou que l'on s'en tienne à l'observation de la vie quotidienne, on constate que l'économique et le social sont à eux deux les nerfs centraux des politiques nationales. De ce point de vue, il était d'une importance cardinale d'imaginer en R.C.A. des institutions constitutionnelles qui, non seulement, rendent compte de la position dominante de ces deux nerfs centraux ( économie et social)dans la politique nationale mais encore qui évite tout risque de dysfonctionnement et d'empiètement entre les deux organes chargés d'en assurer les traitements à savoir : le Chef de l'Etat, chef de l'exécutif (article 21 de la Constitution), et le Premier Ministre, Chef de Gouvernement (article 37 de la Constitution). Il suffisait de considérer :

- que si le Président de la République, Chef de l'Etat, est cette personne qui incarne et symbolise l'unité nationale et dispose à ce titre de très grand pouvoir, c'est sur simple délégation limitée dans le temps, l'autorité totale et le pouvoir total étant et restant le privilège absolu du peuple qui n'a jamais entendu consacrer l'imperium d'un alter ego omnipotent et omniscient dictant tout et régentant toute la politique nationale avec un soupçon d'infaillibilité ;

- que si le Premier Ministre, Chef de Gouvernement, est nommé à ce poste c'est parce qu'il a convaincu de sa grande culture d'Etat, donc de sa grande culture politique nécessaire et préalable, pour être la deuxième composante du tandem institutionnel de l'Exécutif.

C'est donc dire que le Chef de l'Exécutif qui est le Président de la République et le Chef du Gouvernement, qui est le Premier Ministre constituent à eux deux, dans un système démocratique régulier et sain, un couple harmonieux d'où doit naître tendanciellement l'énergie politique nécessaire au redressement d'une République Centrafricaine en péril. Au lieu que, par des textes ambigus et tendancieux conduisant à des pratiques non républicaines, on en arrive à ''s'habituer'' à la vassalisation du Premier Ministre acculé à assurer le rôle d'un super Directeur de Cabinet Présidentiel que l'on use à la tache.

C'est pourquoi, pour donner à la fonction du Premier Ministre, chef du Gouvernement, autorité et rayonnement qui sont des facteurs d'équilibre du pouvoir et de critère de responsabilité, le Premier Ministre devra être constitutionnellement autorisé à disposer d'emblée, purement et simplement des administrations. Il devra être juge des qualités professionnelles et politiques de ses collaborateurs immédiats qu'il pourra nommer et révoquer librement. Enfin, pour engager pleinement et régulièrement sa responsabilité devant le Chef de l'Etat et devant l'Assemblée Nationale en cas d'échec dans sa gestion des affaires publiques, il devra être constitutionnellement investi du pouvoir réel d'apprécier l'opportunité, la justesse et la faisabilité de la politique nationale définie par le Chef de l'Etat. Surtout, disons-nous, que le Premier Ministre n'est pas toujours un membre du parti politique dont le Chef de l'Etat est issu ou est un membre du parti, mais en a été éloigné par les affaires ou pour convenance personnelle. Car si le Premier Ministre se contentait de mettre en œuvre la politique définie par le Chef de l'Etat avec les moyens qu'il lui impose et qu'il (Premier Ministre) échoue, c'est bien évidemment le Chef de l'Etat qui perdrait son ''infaillibilité'', son ''omniscience'' et son ''intangibilité'' décrétées et devrait répondre de l'échec de sa politique exécutée à la lettre et dans son esprit par son préposé agissant rigoureusement dans les limites étroites d'un mandat impératif. Il en serait tout autrement si le Premier Ministre disposait expressément du droit de critique constructive que les difficultés du terrain imposent et s'il donnait du sien dans une redéfinition positive, donc réaliste de la politique du Chef de l'Etat. C e n'est que dans ces conditions que la bonne justice redistributive peut admettre que le Premier Ministre réponde devant les élus du peuple et devant le Chef de l'Etat, dans le cadre cette fois d'un mandat général.

Tout cela est possible si l'Assemblée Nationale le veut; Si au nom de l'intérêt général elle s'élève au dessus des clivages partisans et décide de la révision des articles 21 et 37 de la Constitution. On aura enfin un Premier Ministre qui dispose d'office des administrations, sa base technique et politique naturelle, un Premier Ministre qui nomme librement les hommes et les femmes qu'il faut à la place qu'il faut, pour être en position confortable de s'offrir les moyens humains, financiers et matériels nécessaires à une gestion orthodoxe, démocratique et républicaine des richesses du pays.

Il suffit de quatre-vingt et un (81) Députés pour que tout bascule et que l'espoir revienne. Le Président de la République, Chef de l'Etat, ne souffrirait pas du tout d'un basculement qui conduit à un rééquilibrage des pouvoirs et des responsabilités. Puisqu'il tirera tous les bénéfices des embellies économiques et sociales et du retour de la paix qui résulteront nécessairement de cette rectification.

 

II. NECESSITE DE POURSUIVRE L'ACTION EN DESTITUTION DU CHEF DE L'ETAT SUR LA BASE DES ARTICLES 22 ET 93 DE LA CONSTITUTION

"L'argent n'aime pas le bruit". Il se répand voluptueusement dans un cadre sécuritaire avec des institutions démocratiques solides fonctionnant régulièrement et garantissant la stabilité et la paix.

Ce n'est pas un hasard, si l'impératif du développement durable et de la croissance soutenue a conduit tous les Etats à consacrer l'imperium du droit, de la légalité constitutionnelle, comme condition irréductible du progrès dans la paix.

"JE JURE D'OBSERVER SCRUPULEUSEMENT LA CONSTITUTION ..." (article 24 de la Constitution du 14 janvier 1995). C'est le début du serment prononcé par le Chef de l'Etat ''démocratiquement élu'' qui accepte en son âme et conscience en toute lucidité, en toute responsabilité, en toute connaissance de cause et librement, de se soumettre sans réserve ni condition à la Constitution telle qu'elle est dans sa lettre et dans son esprit.

Si le Chef de l'Etat a pris cet engagement solennel de respecter la Constitution, c'est qu'il savait que c'était la condition sine qua non de la stabilité des institutions démocratiques et de la poursuite ininterrompue de la lutte contre la pauvreté par un développement durable.

Si, malgré tout cela, le Président de la République enfreint la Constitution et se révèle coutumier de cette infraction de violation de la Loi Suprême, il s'affirme tout seul et en toute responsabilité comme la cause surdéterminante immédiate du désordre institutionnel qui gangrène mortellement toute la politique nationale.

En effet, lorsque le Président de la République viole allègrement, et le cœur léger, une disposition aussi importante que l'article 22 de la Constitution qui lui fait obligation de choisir entre ses fonctions de Chef de l'Etat et une autre fonction politique ou tout emploi salarié, c'est pour le mettre à l'abri du risque rampant des comportements partisans (Président en exercice du MLPC) et pour le soustraire des activités attentatoires à son indépendance (Président du Conseil d'Administration des Sociétés commerciales). Si malgré ces précautions, le Chef de l'Etat s'abîme dans l'exercice de ces fonctions interdites, c'est qu'il accepte avec toutes les conséquences de droit, de renoncer à son Statut Auguste de Rassembleur, de Symbole, d'Arbitre Suprême, de Garant constituant à lui seul le cadre sécurisant qui rassure la Nation et permet l'explosion des initiatives créatrices dont le pays a besoin pour réussir son redressement. En tout cas, si le Chef de l'Etat a décidé de se mettre dans ces positions prohibées, c'est qu'il a décidé de cesser d'être le Président de la République, Représentant de tous les Centrafricains et Défenseur attitré de leurs intérêts et est devenu du coup, un Chef de parti et un Concurrent redoutable sur le double plan politique et économique. En effet, en Chef de parti, il aura la tendance naturelle et le devoir politique de s'investir à fond et en plein temps dans le fonctionnement de ce parti pour le rendre toujours plus compétitif aux différentes échéances électorales. Et en Acteur économique, l'égoïsme d'intérêts le rattrapera nécessairement pour le river dans la recherche systématique et frileuse des solutions de la promotion optimale de ses affaires. En clair, en violant l'article 22 de la Constitution, le Chef de l'Etat aura fait le choix de sacrifier le peuple qu'il a caressé dans le sens des poils juste pour être un ''élu démocratiquement'' et profiter de l'impunité liée à l'immunité présidentielle.

Cela n'est pas tolérable ! Ni sur le plan politique ni sur le plan humain tout simplement.

C'est la raison pour laquelle l'Assemblée Nationale doit se ressaisir en toute responsabilité de la procédure en destitution du Chef de l'Etat, Président de la République.

Intérêt supérieur de la Nation oblige!

La recevabilité de cette procédure étant définitivement acquise, la décision de la mise en accusation du Chef de l'Etat ayant été prononcée, il suffit de continuer les poursuites et de transmettre le dossier au Procureur Général et au Président de la Haute Cour de Justice. Le caractère de juridiction non permanente de cette Cour ne peut pas être un obstacle conduisant à un regrettable déni de justice qui confinerait, à n'en pas douter, à une complicité tragique de l'écrasement de la Nation Centrafricaine déboussolée, en quête de sortie démocratique des griffes de son Chef, sans trop de sursaut, sans la destruction des nerfs vitaux, sans effusion d'un sang précieux qui a déjà trop coulé ... par bêtise.

L'article 93 de la Constitution offre cette possibilité de ''révolution sèche et légale'' pour un retour en douceur à la normale.

Sauf si le Président de la République, Chef de l'Etat, se rendait à la solution de la démission. Simple hypothèse d'Ecole , s'il n'y a pas une très forte pression multiforme qui le pousse dans cette direction.

 

III. NECESSITE DE RENDRE JUSTICE A L'ORDRE DEMOCRATIQUE BAFOUE AU LIEU DE RENDRE SERVICE A CEUX QUE L'ORDRE DEMOCRATIQUE ETOUFFE

LE DERNIER REMPART DE LA LIBERTE, DE LA DEMOCRATIE ET DE L'ORDRE REPUBLICAIN EST LA JUSTICE. Ainsi comprise et appréhendée, la Justice n'est rien d'autre que la liberté et la démocratie en action. Il en est ainsi parce que cette justice est rendue au nom du peuple souverain, maître sur terre après Dieu, exclusivement volontaire en cette qualité, pour ne soutenir et promouvoir que les faits et actes qui contribuent à son bonheur et à son épanouissement et farouchement hostile à tous les faits et actes qui le ravalent, l'humilient, le déshumanisent. Et en définitive favorisent le désordre et la crise tous azimuts.

Ce n'est pas un hasard par conséquent, si la Constitution affirme sans ambages que le pouvoir judiciaire est le gardien des libertés ... et qu'il est tenu d'assurer le respect des principes consacrés comme bases fondamentales de la société (article 78 de la Constitution) dont notamment l'obligation absolue pour tous les agents de la puissance publique de respecter et de protéger la personne humaine déclarée sacrée (Cf. Titre I de la Constitution du 14 janvier 1995, articles 1 à 16). Ce n'est pas un hasard non plus, si la Constitution a créé toute une très Haute Juridiction (Cour Constitutionnelle) pour réguler l'ensemble de la vie de la République par des décisions de style prétorien qui s'imposent au pouvoir public, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toute personne physique et morale, décisions qui ne sont susceptibles d'aucun recours (article 74 de la Constitution du 14 janvier 1995). Il s'agit en effet par cette démarche de bien marquer l'autorité du Juge Constitutionnel, son indépendance et son devoir de contraindre selon les règles de l'art, les personnes en conflit à enterrer la hache de guerre, notamment dans les conflits d'intérêts entre forces politiques en compétition pour le contrôle de l'Etat. C'est précisément le cas, quand il s'agit de trancher un contentieux électoral. Dans ce cas en effet, cette autorité et cette indépendance du Juge Constitutionnel revêtent toute leur importance et toute leur utilité, en considération de la dangerosité de l'enjeu dans les compétitions électorales où les forces politiques rivales croient chacune à la supériorité de sa vérité et militent avec passion à la victoire de cette vérité très vite érigée à la vérité de tous, avec un parfum d'intolérance et d'exclusion. Au nom de la paix sociale et de l'ordre public, la Constitution a décidé que le Juge Constitutionnel statue en premier et dernier ressort, pour calmer le jeu politique et le ramener rapidement à la normale. Mais elle exige en conséquence du Juge Constitutionnel qu'il prenne toutes les précautions requises pour juger sur pièces rien que sur pièces mais sur toutes les pièces, sans état d'âme, dans les délais légaux et avec cette conviction que sa sentence ne sera pas sérieusement contestée et même pas du tout contestée. Cette exigence de la transparence vaut son pesant quand on sait que le réflexe de la pensée unique et du dirigisme politique a conduit les pouvoirs successifs à instrumentaliser la Justice depuis plus de trente (30) ans et a pu affecter durablement le mental des magistrats qui, par peur d'être traité d'opposants, risquent de ne jamais dire la vérité judiciaire que la pertinence des pièces du dossier commande. Il n'est pas sûr hélas que la nécessité de cette exigence de la transparence ait été comprise et acceptée par le Juge Constitutionnel d'après les élections de 1999 où saisi régulièrement des contentieux électoraux, le Juge Constitutionnel se tait, préférant plaider coupable de déni de justice dont il n'a cure dans un pays sans foi ni loi, littéralement frappé d'anomie. Et quand il se prononce, il se donne une bonne conscience en plaidant le ''réalisme politique'' et juge faux. Dans les deux positions, il perd son autorité et il perd son indépendance. Dans les deux positions, il crée forcément et nécessairement des conditions objectives de déclenchement de crise et de désordre politique. Il perd là encore sa qualité de dernier recours et pousse les populations à se dégoutter de la justice et de la politique et à crier écœurée : ''QUE PERISSE L'ETAT ET QUE VIVE LA MORT''.

Ces faiblesses tragiques reprochées au Juge Constitutionnel surpris de laisser-aller qui confine là aussi à une complicité de destruction de l'ordre démocratique avec des dénis de justice et des arrêts de complaisance qui provoquent et alimentent sournoisement des foyers des tensions déstabilisatrices; Ces faiblesses-là, dis-je, se retrouvent chez les juges des Tribunaux et Cours judiciaires qui condamnent, le cœur léger, les Députés de la Nation qu'ils savent, pourtant, couverts par l'immunité parlementaire pendant la session et même en cas de flagrant délit; Des juges des Tribunaux et Cours qui condamnent sans sourciller un journaliste pour délit imaginaire de sondage non conforme d'opinion.

Dans les deux cas, le juge a renoncé à son libre arbitre pour s'abîmer avec enthousiasme et dévouement dans l'arbitraire en choisissant de RENDRE SERVICE à un régime qui vacille et se cherche nerveusement des béquilles. Dans les deux cas, la loi n'était pas violée par les prévenus. Leur tort était d'avoir tort de croire que dans un environnement répressif le droit pouvait encore être dit.

Toutes ces accumulations des cas de violation flagrante et délibérée de la Constitution et des lois de la République ont pu traumatiser plus d'un individu, plus d'un groupe d'individus, plus d'un leader politique, plus d'un parti politique. Les réactions ont pu être variées : pacifiques, violentes, très violentes, les mains nues, armées, spontanées, isolées, organisées, ... selon l'intensité des frustrations et des ressentiments des victimes, selon leurs capacités et moyens d'action, selon enfin leur degré de conviction démocratique qui aide ou non à avoir raison gardée et le sens de la mesure.

Au bout du compte, ce qu'il faut retenir, c'est que le désordre politique, la crise générale qui ont débouché sur la crise de légitimité du Chef de l'Etat et de l'ensemble des institutions démocratiques résultent directement et immédiatement de l'attitude du Président de la République, chef de l'Etat et de tous les pouvoirs politiques et judiciaires qui violent la Constitution et les lois avec délectation et un cynisme à donner le vertige et le tournis à l'ensemble de la République abasourdie, déboussolée et, comme une conséquence naturellement, prête à s'ouvrir à toutes les aventures crapuleuses. Il faut savoir en effet que c'est "lorsque leur propre légalité les étouffe et qu'ils la violent que les régimes politiques commencent à susciter leurs propres fossoyeurs".

C'est le cas en R.C.A.

Pourtant tout serait tellement différent et la crise actuelle serait déjà résolue selon les règles de l'art, s'il y avait un Etat démocratique fiable, équilibré, opérationnel, accepté et respecté par tout le monde en commençant par le Président de la République lui-même.

Car, même si une Vérité Commune sortait d'un souhaitable forum national de toutes les forces politiques et de la Société Civile ; Même si cette Vérité Commune était déclarée exécutoire et opposable à toutes les Autorités Politiques, Administratives et Juridictionnelles, à toutes les Personnes Physiques et Morales de la république, il y a toutes les chances que cette Vérité Commune soit très vite traitée par le mépris et violée allègrement par toutes celles et tous ceux qu'elle étouffe. Tant que ne sont pas édifiées des digues juridiques solides (textes et Hommes) pour contraindre les contrevenants de tous bords au respect scrupuleux du Droit, au respect de ce qui est convenu, au respect de la parole donnée.

Et ce sera l'éternel cycle infernal, l'éternel recommencement.

Fait à Libreville, 4 décembre 2001

Henri POUZERE
DEPUTE de la NATION


Actualité Centrafrique - Dossier 8