Racket et prise d'otages des citoyens en Centrafrique, des voix s'élèvent contre la pratique
Braquage à main armée, fusils d'assaut en circulation dans les quartiers de Bangui et sur les axes routiers de province, visites inopportunes à domicile pour dépouiller les citoyens, voilà un lot quotidiensont pour les centrafricains. Il s'agit surtout des bras armés, des délinquants, des sans emplois, des "coupeurs de routes", qui excellent dans cette activité dangereuse et criminelle.
- Le non-paiement des salaires, l'insolence de quelques nantis qui bradent les biens publics et qui perçoivent régulièrement leurs émoluments;
- des élèves forcés à se mettre en congé permanent, une population affamée, des centres hospitaliers transformés en mouroir,
conduisent à une situation de désespoir et de bêtise humaine. Pour pouvoir survivre, certains individus "vendent leur âme". Certains esprits malins n'hésitent pas à exploiter cette faiblesse; il en découle un important clientélisme. Ainsi, la dignité dans le pays de Barthelémy Boganda s'en allée.
Dans l'administration, "pourboire" obligatoire à tous les étages (AFP, BANGUI, 16 jan. 2002 - 11h39)
Il est rare aujourd'hui, à Bangui surtout, que l'usager d'un service public voit sa demande satisfaite sans qu'une contrepartie lui soit réclamée, parfois sans détour.
"Aucun papier ne peut vous être délivré rapidement sans un geste", explique un retraité. "Mon dossier de pension est en souffrance parce qu'à chaque étape il faut donner 500 FCFA (0,76 EUR) par-ci, 1.000 FCFA (1,52 EUR) par-là".
Dans les services du Trésor public où sont versées pensions, bourses ou retraites, certains fonctionnaires se sont vus affubler des surnoms de "Monsieur 5%", "Monsieur 10%" ou même "Monsieur 15%", en fonction des commissions qu'ils exigent en échange du versement.
Plus grave, "dans les hôpitaux, rien n'est gratuit", déplore un pasteur. "Ma fille est décédée sur la table d'accouchement parce qu'il fallait débourser 30.000 FCFA (45,73 EUR) avant qu'elle puisse subir une césarienne".
"Se soigner est devenu aujourd'hui un véritable parcours du combattant, où succombent les personnes économiquement faibles", avaient dénoncé les évêques de Centrafrique, réunis à la mi-janvier en session plénière à Bangui.
La hiérarchie catholique centrafricaine avait également averti que le non-paiement des salaires avait "fini par gangrener toutes les catégories sociales".
"Privés de la juste rétribution de leur travail, ceux qui oeuvrent dans les services publics en sont réduits aujourd'hui à monnayer leurs prestations", avaient-ils souligné, donnant pour exemple la multiplication des barrages des forces de l'ordre, "où les populations sont systématiquement rackettées".
"Même l'armée, censée être disciplinée, s'y est mise avec beaucoup d'entrain", confirme un étudiant. "Tous ceux qui désirent obtenir un passeport sont tenus de payer 500 FCFA au planton de l'Unité de sécurité présidentielle, à la guérite du camp De Roux avant d'entrer, faute de quoi il ne vous laisse pas passer".
Selon une commerçante, "ceux qui sont basés en aval du fleuve Oubangui pour sécuriser les rives centrafricaines, exigent 500 FCFA de chaque passager de toutes les embarcations descendant ou remontant le fleuve".
"A la police, c'est lamentable!", s'indigne un homme venu récemment porter plainte. "Un monsieur a violé ma fille encore mineure. Quand je me suis présenté à l'enquêteur, il m'a demandé 5.000 FCFA (7,62 EUR) pour approvisionner un véhicule en carburant afin d'aller chercher le violeur! Quand même!"
Les établissements scolaires, jadis épargnés par la corruption, sont désormais touchés. "Quand j'ai récemment demandé un certificat de scolarité de ma fille, le censeur de l'établissement a exigé 500 FCFA avant de signer le document, alors que c'est théoriquement gratuit! Où allons nous comme ça?", témoigne un parent d'élève.
Les autorités tentent actuellement de mesurer l'ampleur du phénomène dans le pays, et de définir, avec l'appui du Programme de l'ONU pour le développement (PNUD), une stratégie de lutte contre la corruption.
Car malgré les injonctions, les sanctions, et autres dispositions prises par le gouvernement, les Centrafricains continuent de devoir quotidiennement faire "un petit geste".
Les évêques s'alarment des risques d'implosion d'une RCA "prise en otage" (AFP, Bangui, 12 jan 2002 - 11h28)
"Le constat est plus qu'alarmant: depuis les dernières mutineries (NDLR: jusqu'aux derniers coups de force (NDLR: mai et novembre 2001), tout le pays est comme pris en otage par les hommes en armes", déclarent les évêques dans une déclaration publique.
"Chaque jour qui passe nous rapproche lentement mais sûrement d'une implosion certaine si rien n'est fait, car l'accumulation de tant de haine, de souffrances et de frustrations ne peut conduire qu'à la violence aveugle", estiment-ils.
Les évêques appellent les hommes politiques, les fonctionnaires et les syndicalistes à "laisser de côté leurs dissensions pour travailler ensemble", et demandent le retour au pays des Centrafricains en exil.
Dans sa déclaration, la hiérarchie catholique centrafricaine s'émeut aussi des conséquences de la pauvreté en RCA, estimant que le non-paiement des salaires a "fini par gangrener toutes les catégories sociales".
"Privés de la juste rétribution de leur travail, ceux qui oeuvrent dans les services publics en sont réduits aujourd'hui à monnayer leurs prestations", relèvent-ils, citant pour exemple la multiplication des barrages des forces de l'ordre "où les populations sont systématiquement rackettées".
Les évêques dressent également un constat douloureux de la situation mal connue de l'intérieur de la RCA: "aux quatre coins du pays, la population s'enfonce inexorablement dans une misère jamais égalée; la colère gronde dans l'arrière-pays; le café, le coton, le tabac ne sont plus régulièrement achetés".
"On assiste ainsi à l'appauvrissement de toute une Nation, créant la colère des hommes qui n'ont plus rien à perdre", s'inquiètent-ils.
Des étudiants occupent le consulat de RCA pour obtenir leur bourse (AFP, Libreville, 11 jan 2002 - 13h38)
"Nous n'avons pas été payés depuis la fin d'année 1999, et nous sommes à bout de souffle", a expliqué à l'AFP le président du collectif des étudiants centrafricains au Gabon, Donatien Namgana.
La trentaine de jeunes Centrafricains qui poursuivent des études supérieures dans différents établissements du Gabon sont concernés par ces arriérés de bourse, a précisé M. Namgana, affirmant avoir sollicité - en vain - les autorités de Bangui.
"Nous réclamons aussi le billet de rapatriement pour les étudiants qui arrivent en fin d'études et pour ceux qui doivent retourner en Centrafrique faire leur stage", a-t-il ajouté.
Le consul honoraire de Centrafrique au Gabon, Bertrand Ayo, qui a reconnu que ces étudiants n'avaient pas touché leur bourse, leur a néanmoins demandé de quitter les locaux, sous peine de recourir à la force publique.
"Les bourses ne transitent pas par le consulat et je n'ai pas de budget pour les payer", a souligné M. Ayo.
Note :
Le président de l'Assemblée nationale critique le Trésor public mis "en coupe réglée par une bande mafieuse"Actualité Centrafrique de sangonet - Dossier 9