BANGUI, 8 juillet 2003 (AFP) - 19h06 - Le Premier ministre centrafricain, le Pr Abel Goumba, a déclaré ses biens la semaine dernière auprès d'un cabinet notarial chargé d'établir les propriétés des membres du gouvernement au moment de leur entrée en fonction, a-t-on appris mardi à Bangui de source officielle.
Initialement prévue avant la prise de fonction des nouveaux ministres, cette déclaration de biens, établie en vue d'attester de leur intégrité dans l'exercice de leurs fonctions, a été mise en oeuvre tardivement en raison de difficultés rencontrées par le notaire habituel de l'Etat centrafricain.
Le gouvernement a finalement porté son choix sur Me Gina Roosalem qui a été reçue la semaine dernière par M. Goumba. Elle a remis au chef du gouvernement une copie du formulaire que celui-ci a rempli. C'est désormais aux autres membres du gouvernement de procéder à cette déclaration, a-t-on indiqué de même source.
En avril, au lendemain de la constitution du gouvernement, M. Goumba avait demandé à tous les ministres de déclarer leurs biens avant leur prise de fonction car "il ne faut pas qu'on nous taxe demain de détournements", avait-il déclaré.
Le chef de l'Etat, le général François Bozizé, avait peu après emboîté le pas à son Premier ministre en demandant que cette déclaration soit étendue aux responsables des régies financières (douanes, impôts, Trésor) ainsi qu'à ceux des entreprises publiques.
Comme dans de nombreux pays, l'enrichissement illicite des hommes politiques est un des problèmes rencontrés dans la gestion des finances de l'Etat en Centrafrique.
Abel Goumba joue la transparence
Le Premier
ministre Abel Goumba, le monsieur «mains propres» de la classe politique
centrafricaine veut rester fidèle à son surnom. Il vient de déclarer ses biens
auprès d’un cabinet notarial pour initier la lutte contre la corruption au plus
haut niveau de l’Etat.
«Il ne faut pas qu’on nous taxe
demain de détournements», a avait lancé le Premier ministre Abel Goumba,
lors de l’installation de son gouvernement, en avril dernier. Il les exhortait
au sérieux dans le travail pour rompre avec les pratiques de l’ancien pouvoir
qui s’est distingué, selon lui par «une corruption avérée, l’affairisme».
Le Premier ministre qui avait souhaité que le patrimoine de ses ministres soit
officiellement répertorié avant leur prise de fonction n’a pu arriver à ses fins
que quelques plus tard. En effet, le notaire habituel de l’Etat a été confronté
à des difficultés qui l’ont empêché de remplir sa mission. Le choix du
gouvernement s’est finalement portée sur Gina Roosalem qui a été reçue par le
Premier ministre lui-même qui a aussi remis sa déclaration de biens.
Les membres du gouvernement sont attendus sur ce terrain, mais le général
François Bozizé, président de la République est allé plus loin que son Premier
ministre en demandant que cette déclaration soit étendue aux directeurs et
présidents des régies financières que sont les banques, les services des impôts,
les douanes et le trésor. Il a également souhaité que les chefs d’entreprises
publiques soient concernés par la même démarche.
Après le renversement du président Ange-Félix Patassé, les nouveaux dirigeants
du pays ont été confrontés à une «désastreuse situation économique» comme
l’a dit le Premier ministre à l’occasion des 100 jours de son gouvernement. Il a
attribué à la mauvaise gestion et aux détournements des deniers publics «la
baisse du niveau de production et d’exportation des principales ressources
nationales telles que le diamant, l’or, le bois, les cultures de rente notamment
le café, le coton, et le tabac». Le corollaire de cette situation est
l’accumulation des arriérés de salaires, la baisse des niveaux des
investissements publics, la hausse des prix ou encore la faiblesse des
financements extérieurs. C’est pourquoi le gouvernement fait de l’assainissement
des comptes publics et de la moralité en politique son cheval de bataille.
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Plusieurs audits
commandés par le gouvernement ont d’ailleurs poussé celui-ci à confier à la
justice de procéder au recouvrement de 4,8 milliards de francs CFA (plus de 7
millions d’euros), dons du Japon qui se sont retrouvés dans des comptes privés
de dignitaires de l’ancien régime. Selon la presse locale, certains
remboursements de fonds détournés auraient été effectués par les bénéficiaires.
Le Japon avait gelé sa coopération avec la Centrafrique subordonnant sa reprise
au recouvrement des frais détournés.
Par ailleurs, à l’occasion des états généraux des mines, le président Bozizé a
réaffirmé son attachement au processus de Kimberley, qui est une démarche
soutenue par les Nations unies et qui prévoit une certification et la
traçabilité des diamants afin de lutter contre les «diamants de la guerre». Pour
lutter contre les pillages et trafics de tous genres le processus de Kimberley a
mis sous embargo la production en provenance de certains pays si des critères
objectifs n’étaient pas respectés. La Centrafrique est le cinquième producteur
mondial de diamant pour une production annuelle de 500 000 carats.
La lutte contre la corruption mobilise les hautes instances de la République et
apparaît de plus en plus comme l’arme la plus efficace aux mains du gouvernement
pour assurer sa réussite. Après l’état de grâce d’après coup d’Etat, les langues
commencent par se délier pour critiquer certaines méthodes de gestion du
gouvernement Goumba. Les alliés politiques d’hier de la Concertation des partis
politiques d’opposition (CPPO), reprochent au Premier ministre de tronquer son
intégrité incontestée jusqu’alors contre quelques faiblesses coupables à nommer
en priorité les membres de son parti, le Front patriotique pour le progrès (FPP)
et les originaires de sa région, Ouaka, à des postes clef de la République,
bafouant ainsi, selon eux, le principe de la transition, basé sur un partage
équilibré du pouvoir.
A ces premiers accrocs de la transition, le Premier ministre oppose
immédiatement sa réputation d’homme intègre pour ne pas se mettre à dos non plus
l’opinion nationale. La déclaration des biens qui n’est pas encore rendue
publique participe à cette démarche. A Bangui tout le monde connaît la résidence
principale d’Abel Goumba, sauf les supplétifs tchadiens de la rébellion conduite
par le général Bozizé, qui ont pillé sa maison du centre ville, le jour du coup
d’Etat. Une deuxième maison connue abrite une partie de la famille très
nombreuse du Premier ministre. La publication prochaine du patrimoine permettra
de connaître précisément la «fortune» du Premier ministre.
DIDIER SAMSON
09/07/2003