Les charnier d'Yopougon en Côte d'Ivoire, analyses et réactions du 28 au 30 octobre 2000

 

Yopougon en image

"Oser le faire, oser voir"

 

Kofi Annan bouleversé par la découverte d'un charnier près d'Abidjan

Le secrétaire général de l'ONU Kofi Annan s'est déclaré lundi "bouleversé" par la découverte d'un charnier de 57 corps près d'Abidjan, a indiqué son porte-parole.
M. Annan a également "pris note" de l'engagement du gouvernement du nouveau président Laurent Gbagbo d'ouvrir une enquête "sans impunité" sur ces exécutions de masse, a ajouté le porte-parole Fred Eckhard.
Un homme affirmant être un survivant a affirmé que des gendarmes avaient commis ce massacre. Le Rassemblement des Républicains (RDR) de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara a réclamé de son côté une commission d'enquête internationale.
Selon le RDR, quelque 155 personnes ont été tuées dans les violences à caractère ethnique qui ont suivi l'élection présidentielle du 22 octobre et la chute du chef de la junte au pouvoir, le général Robert Gueï.
NEW YORK (Nations Unies), 30 octobre (AFP) - 22h09 -

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Washington prêt à travailler avec Gbagbo, veut de nouvelles élections

Les Etats-Unis se sont déclarés prêts à travailler avec le nouveau président ivoirien Laurent Gbagbo, tout en souhaitant la tenue de nouvelles élections présidentielles.
"Nous pensons qu'il faut premièrement tenir les élections législatives prévues (le 10 décembre) et deuxièmement avoir une élection présidentielle libre, équitable et ouverte à tous", a affirmé le porte-parole du département d'Etat, Richard Boucher.
Le porte-parole américain a réaffirmé que la présidentielle du 22 octobre, qui a vu la victoire du socialiste Laurent Gbagbo sur le chef de la junte militaire qui avait pris le pouvoir en décembre, le général Robert Gueï, avait été "faussée" en raison de l'élimination de candidats importants.
Les Etats-Unis avaient, dès le lendemain du scrutin, dénoncé la victoire auto-proclamée du général Gueï, estimant que cette élection était "illégitime", mais sans reconnaître la victoire de son concurrent.
Washington avait ensuite demandé à la classe politique ivoirienne de mettre au point des "disposition intérimaires" pour revenir à la démocratie, avant d'affirmer un peu plus tard être prêt à travailler avec M. Gbagbo.
M. Boucher a tenté de mettre de l'ordre dans ces déclarations successives qui ont donné un sentiment de confusion, en affirmant lundi que Washington voulait "travailler avec les autorités qui ont été investies" tout en appelant à "la restauration de la démocratie en Côte d'Ivoire le plus vite possible" par la tenue de nouvelles élections.
La tenue des élections législatives le 10 décembre dans de bonnes conditions sera "un pas important pour créer les conditions pour une élection présidentielle libre, honnête et ouverte à tous, dans laquelle tous les Ivoiriens pourront faire entendre leur voix".
Washington a, à plusieurs reprises avant le scrutin du 22 décembre, déploré l'éviction de la course à la présidence de l'ancien Premier ministre ivoirien Alassane Outtara, un ancien haut fonctionnaire du Fonds monétaire international, écarté en raison de doutes sur son "ivoirianité".
M. Boucher s'est également félicité de la volonté de M. Gbagbo d'enquêter sur les massacres qui ont suivi l'élection avec la découverte d'une fosse commune contenant 57 corps.
Il a également annoncé un assouplissement des mesures de sécurité prises par l'ambassade américaine en Côte d'Ivoire, en indiquant que des ordres de départ du pays pour le personnel diplomatique non-essentiel avaient été annulées. Ce personnel a toujours la possibilité de quitter le pays s'il le veut, mais n'y est pas contraint.
Les Américains qui voyagent se voient toujours conseiller d'éviter la Côte d'Ivoire, a-t-il toutefois ajouté.
WASHINGTON, 30 octobre (AFP) - 21h50 -

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Dans la cour, restes calcinés, blessés et disparus

Il y a les restes de maisons calcinées, les impacts de balles dans les murs, les blessures des femmes, les frères disparus. Dans cette cour de la commune populaire d'Abobo, les familles dioula vivent la peur au ventre.
A l'entrée du quartier, des barrages de tables et de tôle.
De 19H00 à 6H00 du matin, les jeunes hommes ont veillé, comme toutes les nuits depuis les sinistres événements de jeudi quand les militants du Front populaire ivoirien (FPI) d'abord puis les gendarmes les ont attaqués. Les membres de l'association locale de jeunes se sont organisés en brigades et se relaient pour protéger leurs familles.
"On a nos machettes, nos gourdins. Le soir, le quartier est fermé, personne n'entre", dit Ayarba, 24 ans. "Personne n'arrive à dormir. Dès qu'il y a un bruit, on a peur", disent les dioulas (ethnie du nord musulman).
Dans la cour, femmes en boubou et enfants déguenillés sont à l'ombre. Une douzaine de familles habitent ici. Un homme se lamente: il n'a plus rien. Son maquis (petit restaurant) qui donnait sur la rue est parti en fumée. Comme le kiosque du menuisier, celui du libraire, du quincailler ou les maisonnettes mitoyennes.
Ici chacun a une histoire terrible à raconter. Pour raisons de sécurité les vrais noms des témoins ne sont pas cités.
"Les gendarmes ont brûlé mon restaurant de spaghetti, ceux-là même qui venaient manger chez moi à crédit", dit Adama devant les gravats. "Et la soeur, là-bas, qui vendait du charbon. Elle n'avait pas grand chose. Là il y avait le lit, là la télévision noir et blanc", dit-il montrant deux pièces dévastées.
Les habitants l'assurent, c'est le commandant de gendarmerie qui a jeté l'allumette. "Je le connais, il disait +petit dioula on va te tuer+ +arrosez-les tous+", dit Ismaël, 23 ans.
Quand le feu a pris, femmes et enfants sont montés sur le toit. Le vieil invalide raconte comment les jeunes l'ont hissé dans son fauteuil roulant à travers la tôle.
"Les gendarmes ont défoncé le portail, les portes des maisons avec des barres de fer. Ils ont pris un jeune dans la cour, un footballeur, ils l'ont déshabillé et lui ont tiré une balle dans le pied", dit Ali.
Ahmed, lui, n'a plus de nouvelles de son frère. "Il traversait le rond-point, les gendarmes l'ont frappé, déshabillé et mis dans le +baché+ (camionnette). Depuis on n'a pas de nouvelles, on l'a cherché partout, à la police, dans les hôpitaux. Rien", dit-il.
Ils ont vu plusieurs hommes ainsi être poussés dans des camionnettes en direction du camp de gendarmerie à moins d'un km de là.
Ibrahim, 55 ans, qui s'est réfugié dans une cour voisine, a été pris un peu plus loin. Il n'ose plus rentrer chez lui. "Ils ont foncé sur moi, m'ont battu, mis dans un +baché+. Du sang coulait. Ils disaient +faut pas que tu salisses la voiture", dit-il le visage tuméfié, l'oeil injecté de sang.
Emmené à l'autre bout d'Abobo, dans le quartier de Clouetcha, les six gendarmes l'ont jeté dans la brousse. Les coups à nouveau. "Il y avait les corps de cinq hommes tués par balle, je me suis vu mort". Effectivement laissé pour mort, il s'est réveillé à la clinique, raconte-t-il.
Dans une autre cour, à côté, les voisins montrent les impacts de balle sur les murs, une grenade lacrymogène, une douille. Là, Fatou, jeune fille de 25 ans, a elle aussi été déshabillée, battue. "Ils voulaient me lancer dans les flammes". A la cuisse, elle a une sale blessure. Une autre a été frappée dans le dos avec une brique.
Depuis dimanche, la vie a repris malgré la peur. Les femmes ont réinstallé tomates, piments et orange par terre sur des bouts de pagne colorés
ABIDJAN, 30 octobre 2000 (AFP) - 17h46)

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Les témoins mettent en cause les forces de l'ordre, la vie reprend

De nombreux témoignages mettaient en cause lundi les forces de l'ordre après les violences politiques et ethno-religieuses de la semaine dernière en Côte d'Ivoire, alors que le pays retrouvait une vie normale.
Selon les partisans de l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara, la répression des manifestations de la fin de la semaine pour demander un nouveau scrutin présidentiel s'est transformée en une véritable "chasse" aux musulmans et aux gens du nord, dont M. Ouattara est orginaire.
155 personnes ont été tuées, selon le Rassemblement des Républicains (RDR), tandis que lundi à la mi-journée, 475 personnes étaient venues se faire soigner dans un centre de soins de fortune installé par la Croix rouge devant le domicile abidjanais de M. Ouattara.
Nombre de ces blessés, interrogés par l'AFP, ont affirmé avoir subi des sévices dans des camps de gendarmerie ou de police après leur interpellation.
Baba, 33 ans, arrêté par des policiers jeudi à Yopougon, raconte avoir été transféré le lendemain à l'école de police.
"Il y avait au moins 300 personnes raflées là-bas. Ils nous ont frappés, on nous a torturés. Quand ils frappaient les gens, ils nous disaient de regarder à terre pour qu'on ne voie pas ce qu'ils faisaient".
"Les policiers avaient la liste de nos noms. Ils ont fait des groupes de 25 et nous ont dit que toutes les heures ils prendraient un groupe et qu'ils nous tueraient".
"Un premier groupe est parti vers 19 heures. Il y avait beaucoup d'étrangers parmi eux. On les a pas revus", raconte Baba, le visage encore tuméfié, qui dit avoir été sauvé grâce à un policier que connaît sa soeur.
Il n'était pas immédiatement possible d'obtenir une réaction du ministère de l'Intérieur sur ces témoignages.
Le gouvernement du nouveau président Laurent Gbagbo a promis en fin de semaine dernière une enquête "sans impunité" après la découverte d'un charnier de 57 corps près d'Abidjan.
Le RDR, qui a demandé une commission d'enquête internationale, et un homme affirmant avoir survécu à ce massacre ont mis directement en cause des éléments de la gendarmerie pour ce carnage.
Le ministre de la Défense, Moïse Lida Kouassi, avait souligné dimanche que les nouvelles autorités ivoiriennes, qui souhaitent "se blanchir", accepteraient une telle commission.
Lundi, les activités économiques ont repris à travers le pays, après une semaine de paralysie due aux troubles qui ont suivi l'élection présidentielle du 22 octobre et au soulèvement qui a chassé du pouvoir le chef de la junte, le général Robert Gueï, qui s'était proclamé vainqueur.
A Abidjan, banques, magasins et services ont rouvert et les embouteillages ont fait leur réapparition.
Pendant le week-end, les débris des barricades érigées à travers la ville ont été déblayés.
A l'extérieur du pays, des voix se sont élevées pour demander la reprise de la présidentielle, avec la participation de tous les candidats déclarés.
M. Ouattara et tous les candidats de l'ex-parti au pouvoir avaient vu leurs candidatures invalidées par la Cour suprême.
Les présidents sud-africain Thabo Mbeki et nigérian Olusegun Obasanjo ont lancé lundi un appel en ce sens et pour la formation d'un gouvernement d'union nationale.
Les Etats-Unis, l'ONU et l'Organisation de l'unité africaine (OUA) avaient également demandé un nouveau scrutin présidentiel, ce que M. Gbagbo a exclu.
Depuis Washington a indiqué, le 27 octobre, son intention de "travailler avec" le président Gbagbo.
Pours sa part le président togolais Gnassingbé Eyadéma, président en exercice de l'OUA, a déclaré le 28 octobre que si le gouvernement formé par le président Gbagbo "convient aux Ivoiriens", il faut "les accompagner".
Le RDR a refusé d'entrer au gouvernement comme le lui avait proposé M. Gbagbo, du moins dans l'immédiat.
Mais les partisans de M. Ouattara, tout en réclamant un nouvelle présidentielle, ont annoncé leur intention de participer aux législatives du 10 décembre et envisagent ensuite d'entrer au gouvernement. Attitude qui ressemble à une reconnaissance de facto de M. Gbagbo
ABIDJAN, 30 octobre 2000 (AFP) - 17h22)


Massacre : vers une enquête internationale (RFI www.rfi.fr)

Alors que la population ivoirienne, notamment la communauté dioula (musulmane, originaire du nord), est traumatisée par une semaine d_affrontements et de massacres ethnico-religieux, les autorités ivoiriennes tentent de rassurer et de panser les plaies d_un pays déchiré. Jamais, dans son histoire, la Côte d_Ivoire n_avait connu de telles violences. Selon les partisans de l_opposant Alassane Ouattara, le bilan de cette semaine sanglante dépasse les 150 morts. Tout au long du week end, les quartiers d_Abidjan ont été parcourus de rumeurs d_attaques, les habitants organisant des rondes nocturnes pour parer à une éventuelle agression. Toutefois, l'activité a repris ce lundi 30 octobre 2000 à Abidjan. Les magasins et les services ont rouvert leurs portes, les transports en commun et les taxis fonctionnent normalement. Le gouvernement du nouveau président Laurent Gbagbo annonce, par la voix du ministre de la Défense, la mise en place d_une commission d_enquête internationale, comme le demandait le RDR d_ Alassane Ouattara. Il s_agira, en particulier, de faire la lumière sur le massacre de Yopougon, où un charnier de 57 personnes a été découvert vendredi. Les premiers témoignages des survivants mettent en cause des gendarmes. En outre, Laurent Gbagbo doit recevoir, mardi 31 octobre 2000, une délégation d_imams du Conseil national islamique (CNI, le principal mouvement musulman de Côte d_Ivoire).

De notre envoyé spécial en Côte d_Ivoire

A 10 kilomètres du centre d_Abidjan, dans les environs de la maison d_arrêt du quartier de Yopougon commence la forêt. A l_orée du bois, une petite route boueuse part sur la droite. Quelques gendarmes en armes sont postés au croisement. Le ciel est gris, l_air humide. Sur le côté, un grand panneau du service des eaux et forêts. Cette phrase de Félix Houphouët-Boigny y est inscrite : "La Côte d_Ivoire est trop belle, trop harmonieuse pour que la responsabilité soit prise de détruire aveuglément ses beautés naturelles et ses richesses les plus authentiques". Ironie macabre. À un peu plus de cinq cent mètres de là, l_horreur : des corps, une quarantaine, peut-être plus, sont entassés à l_écart du chemin. Certains sont criblés de balles. D_autres, les yeux encore ouverts, ont visiblement été violemment tabassés.
Trois membres du nouveau gouvernement ivoirien et plusieurs hauts responsables militaires et policiers observent ce monstrueux spectacle aux côtés du procureur de la république. "J_ai une réaction d_indignation et de tristesse. Je ne pensais pas que la barbarie pouvait atteindre un tel degré", réagit Emile Boga Doudou, ministre de l_Intérieur et numéro trois du parti de Laurent Gbagbo. "Le gouvernement mettra tout en Suvre pour trouver les coupables", poursuit-il. Les coupables ? La plupart des témoins interrogés jurent qu_il s_agit de membres des forces de sécurité, probablement de la gendarmerie. D_après eux, les victimes, selon toute vraisemblance des membres du RDR, auraient été tuées jeudi, durant les affrontements qui les ont opposé à des membres du FPI et à des habitants, en représailles à la mort d_un lieutenant de gendarmerie dans le quartier populaire d_Abobo. Une partie des corps auraient été emmenés là. D_autres, qui ne semblent pas avoir été transportés, seraient ceux de victimes tuées sur place.

"On a reçu l'ordre de les abattre". Un gendarme.
Interrogé sur ces premiers éléments, le ministre de la défense, Moïse Lida Kouassi estime "difficile de pointer du doigt dans une direction". Mais il insiste : "Une enquête est déjà ouverte. Il faut qu_elle établisse les responsabilités de ces massacres et nous exigerons toute la rigueur de la loi, quels que soient les responsables".
Jusqu_où ce drame entachera-t-il la présidence de Laurent Gbagbo ? Le RDR jure en effet que les forces de sécurité ont délibérément pris parti pour le mouvement du nouveau chef de l_État lors des affrontements. Une version en partie confirmée sous couvert d_anonymat par un gendarme : "Tout le monde était contre le comportement des gens du RDR qui cassaient tout et dont certains été armés. Au milieu il y avait la gendarmerie. On a reçu l_ordre de les abattre". De qui ? Mystère.
Emile-Boga Doudou refuse néanmoins de voir son parti, le Front populaire ivoirien, endosser les actes monstrueux qui ont été commis. "Je vous rappelle que le FPI a fait sortir plusieurs milliers de personnes mardi sans qu_il y ait la moindre casse. Tout le monde ne peut pas en dire autant", lance-t-il à l_adresse du parti d_Alassane Ouattara, dont les militants sont accusés par des habitants d_Abobo et de Yopougon d_avoir très violemment manifesté mercredi et jeudi.
Il reste que les représailles contre les ressortissants du nord ont été sanglantes. Le décompte des morts de ces deux derniers jours reste à établir, mais il devrait être beaucoup plus élevé que le chiffre d_une quarantaine de victimes avancé. Dans plusieurs quartiers d_Abidjan, la population vit dans la peur. Des habitants d_Abobo avouent leur inquiétude. "Nous veillons parfois toute la nuit de peur que quelque chose arrive", confie une femme qui craint une nouvelle attaque des sympathisants du RDR. Même inquiétude chez les ressortissants du nord, dont beaucoup ont préféré s_enfermer chez eux ou mettre leur famille en lieu sûr. En milieu de journée toutefois le calme semblait revenu.
A ABIDJAN, CHRISTOPHE CHAMPIN (30/10/2000)

 

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L'Etat laïc et multiconfessionnel trahi par ses enfants (PANA)

Après le vent de folie qui a soufflé sur la Côte d'Ivoire, le pays d'Houphouët- Boigny, "l'apôtre du dialogue et de la paix", panse ses plaies et enterre ses morts.
La découverte hier à Yopougon (banlieue d'Abidjan), d'une cinquantaine de cadavres entassés les uns sur les autres et probablement exécutés par balles, a achevé de donner aux dramatiques évènements des 23, 24 et 25 octobre 2000, une dimension apocalyptique où le comble de l'horreur aura été atteint.
"Gbagbo s'installe dans le sang" titrait à la une vendredi dernier, le quotidien "Le patriote" proche du Rassemblement des républicains (RDR) de M. Alassane Ouattara. D'autres auraient pu écrire : "Guei s'en va dans le sang".
Après le décompte des voix sur fond de violences, de destructions et de morts d'hommes, voici venir celui des cadavres dans une atmosphère lourde et empreinte de douleur, de tristesse et d'émotion. De remords et de regrets ?
Le RDR "revendique" 155 morts et plusieurs centaines de blessés. Le Front populaire ivoirien (FPI) s'apprête à envoyer au "panthéon", une quarantaine de "martyrs".
Dans cette comptabilité macabre qui s'affiche à la une des journaux, qui a tenu compte des malheureux qui, nombreux, sont tombés dans un conflit qui ne les concernait nullement, comme ces étrangers, burkinabé, maliens, libériens ou nigérians, pris dans la spirale de la violence qui a enveloppé la capitale économique de la Côte d'Ivoire ?
La mort, c'est un fait, n'avait pas de camp dans ce déferlement de violences qui ont failli embraser la Côte d'Ivoire tout entière.
Les nombreuses victimes estimées, au bas mot, à 200, ont en partage d'avoir payé de leur vie pour les ambitions contraires d'hommes politiques barricadés derrière le mur de leurs projets de société et autres programmes de gouvernement voire de leurs antagonismes irréductibles.
Fait autrement plus grave, pour la première fois en quarante ans d'indépendance, la Côte d'Ivoire, Etat laïc et multiconfessionnel, s'est transformée en un théâtre où des lieux de culte, des mosquées pour l'essentiel, ont été incendiés ou profanés donnant ainsi une dimension religieuse à un conflit qui aurait dû être circonscrit uniquement autour du champ politique.
Fait aussi grave puisque charriant les mêmes risques de fractures au sein d'une nation qui n'a jamais été traversée, de façon aussi intense, par des clivages politico-religieux : le "contentieux" ethnique.
Certains ivoiriens originaires du sud ont voulu le "vider" en s'attaquant aux nordistes dioulas. Ils drainaient à n'en pas douter, la mèche du baril de poudre qu'est devenue ainsi la Côte d'Ivoire, en dix mois d'une transition, terreau fertile où a germé le grain vénéneux de l'ivoirité".
Cette ivraie a été semée par l'ancien président par M. Henri Konan Bédié qui s'apprête à rentrer dans un pays où, sauf sursaut et dépassement des hommes politiques, le pire il faut le craindre, pourrait être à venir.
Le premier président de la 2ème république de Côte d'Ivoire M. Laurent Gbagbo qui a été porté au pouvoir par une véritable insurrection populaire, n'aura pas trop de sa sagacité, de sa clairvoyance et de son humanisme, qualités qu'on lui reconnaît volontiers, pour tenter de désamorcer la bombe.
Il lui faudra pour cela, de réels talents de rassembleur, de réconciliateur et de chef autour d'un seul mot d'ordre : "sauver la Côte d'Ivoire".
Abidjan, Côte d'Ivoire -O- PANA MM/SG 28 octobre 2000


Actualité internationale et africaine 2