Kabila mort, Hommage du 21e Sommet France-Afrique à Kabila
Kinshasa confirme la mort de Kabila, qui sera enterré mardi
par Tom Tshibangu
(KINSHASA, Reuters - jeudi 18 janvier 2001, 16h00 )Mettant fin à deux jours d'incertitude, les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) ont confirmé la mort de Laurent-Désiré Kabila à Harare.
"Le corps sera rapatrié dimanche à Kinshasa et les obsèques auront lieu mardi," a précisé à Reuters une source proche du ministère de l'Information.
L'annonce officielle du décès de Kabila, arrivé au pouvoir en 1997 après la chute du maréchal Mobutu, devait être faite dans la journée à la radio et à la télévision.
Touché par balles mardi dans des circonstances encore mal connues - par l'un de ses gardes du corps ou par un officier supérieur - Kabila a été transporté par avion mercredi au Zimbabwe, le principal allié militaire du gouvernement de l'ex-Zaïre.
C'est à Harare qu'il est officiellement mort mercredi après-midi, même si selon de nombreuses sources diplomatiques, occidentales comme africaines, le décès serait intervenu pendant, voire avant, le transfert.
Le calme régnait jeudi à Kinshasa, où les habitants ont vaqué à leurs occupations, au lendemain d'une journée de congé à l'occasion de l'anniversaire de la mort du dirigeant nationaliste Patrice Lumumba.
Minute de silence à Yaoundé
A Yaoundé, les participants au sommet franco-africain de Yaoundé ont observé une minute de silence à la mémoire du président congolais.
Tous les délégués présents de la salle se sont levés à la demande du président en exercice de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), Gnassingbé Eyadema, chef de l'Etat togolais.
Le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan a ensuite lancé un appel à la paix en République démocratique du Congo (RDC).
Les autorités d'Harare ont indiqué qu'elles publieraient un communiqué officiel après consultations avec les médecins congolais qui ont opéré le président Kabila.
De sources politiques, on souligne que le Zimbabwe, principal soutien militaire du gouvernement Kabila, souhaite assurer une transition en douceur à Kinshasa et asseoir le pouvoir du fils de Kabila, Joseph, 31 ans, chargé mercredi de diriger le gouvernement et l'armée.
Les autorités de Kinshasa ont entretenu volontairement l'incertitude concernant le sort de Kabila afin de se donner le temps de consolider la position de "l'héritier", personnalité mal connue dans son pays comme à l'extérieur.
La tâche de Joseph Kabila s'annonce ardue. Il devra résister à ses rivaux potentiels, dissuader les rebelles et leurs alliés rwandais de tenter une nouvelle poussée vers Kinshasa et affirmer son autonomie vis-à-vis de ses soutiens zimbabwéen et angolais.
Défi gigantesque dans ce pays, le troisième du continent par sa superficie, réduit à un champ de manoeuvres par pas moins de six armées africaines et objet de toutes les convoitises en raison de ses immenses ressources minières.
Hommage à Kabila en ouverture du 21e sommet France-Afrique
-par Nicolas Marmié - (YAOUNDE, AP -jeudi 18 janvier 2001, 15h12)
Le 21e sommet France-Afrique s'est ouvert jeudi à Yaoundé, au Cameroun, en présence de 24 chefs d'Etat africains, du président français Jacques Chirac et d'une cinquantaine de délégations représentant la quasi-totalité des pays du continent. La cérémonie d'ouverture a été marquée par un hommage silencieux rendu à la mémoire du président congolais Laurent-Désiré Kabila.
''Je vous demande d'observer une minute de silence à la mémoire du président congolais'', a déclaré à cette occasion le chef de l'Etat togolais Gnassingbe Eyadéma, président en exercice de l'Organisation de l'unité africaine (OUA). La totalité des chefs d'Etat présents et le secrétaire général des Nations unies Kofi Annan se sont levés, alors que Kinshasa n'avait toujours pas officiellement confirmé la mort du successeur du maréchal Mobutu, assassiné mardi.
M. Annan, qui a salué ''l'engagement fidèle de la France aux côtés de l'Afrique'', a également reconnu que sa ''joie d'être présent à Yaoundé'' était ''tempérée par les incertitudes sur le sort du président Kabila''. Le secrétaire général de l'ONU a ensuite exprimé sa ''sympathie pour le peuple congolais en ce moment d'incertitudes''.
L'ombre de la République démocratique du Congo (RDC) devrait planer jusqu'à la clôture vendredi de cette grand'messe franco-africaine, qui bénéficie pour la première fois de son histoire d'une représentation algérienne en la personne du président Abdelaziz Boutflika. Parmi les autres participants figurent le roi Mohammed VI du Maroc et le président ivoirien récemment élu Laurent Gbagbo.
Ce dernier a confirmé à l'Associated Press que le président de RDC était ''certainement mort'' après l'attentat qui l'a visé mardi à Kinshasa. ''Kabila représentait tout le contraire de ma propre démarche vers la démocratie'', a ajouté le nouvel homme fort d'Abidjan.
Le sommet s'est ouvert avec près d'une heure de retard, le roi Mohammed VI faisant son entrée simultanément avec le président Chirac dans la salle de cérémonie du palais des congrès de Yaoundé. Dernier arrivé, le président Bouteflika a été longuement applaudi.
''Dès lors que ce sommet est ouvert à tous les pays d'Afrique et pas seulement aux anciennes colonies française, l'Algérie se devait d'être présente'', expliquait sous couvert de l'anonymat un membre de la délégation algérienne.
Chaque chef d'Etat étranger a été accueilli par deux rangées de jeunes femmes vêtues de pagnes aux couleurs vives célébrant ''l'amitié franco-africaine'', avec pour illustration une main blanche serrant une main noire.
''La France peut et veut relayer dans ces grandes enceintes internationales les aspirations et les préoccupations qu'expriment les pays africains'', a souligné Jacques Chirac en ''ami de l'Afrique'' dans son discours d'ouverture de ce 21e sommet placé sous le signe des ''défis de la mondialisation''.
Avec une participation ''d'à peine 1''' dans le commerce mondial, ''l'Afrique, globalement, est restée en marge du reste du monde et a même vu sa position régresser'', a déploré le président Chirac avant de plaider pour une coopération régionale accrue permettant ''une vision stratégique partagée par le continent''.
Le dossier congolais, qui alimentait toutes les conversations en marge des débats officiels, n'a pas été abordé directement par le chef de l'Etat français qui a toutefois rappelé que Paris ''condamne et condamnera, comme partout dans le monde, les atteintes à la personne humaine, le recours à la violence, la prise du pouvoir par la force.''
(LONDRES, Reuters - jeudi 18 janvier 2001, 15h04)
Le chargé d'Affaires de République démocratique du Congo à Londres, Henri N'Swana, a confirmé à la BBC que le président Laurent-Désiré Kabila était mort mercredi après-midi après avoir été grièvement blessé la veille à Kinshasa.
A Lubumbashi, ville natale de Laurent-Désiré Kabila, les autorités locales ont reçu des consignes pour organiser des obsèques grandioses au président congolais, a-t-on appris de sources proches des milieux politiques et industriels de la grande cité minière.
Selon ces sources, contactées par téléphone depuis Lusaka, le gouvernement a ordonné aux dirigeants du grand groupe minier Gecamines de préparer la cérémonie dans la capitale du Katanga, la province la plus riche du pays.
La dépouille mortelle de Kabila sera transportée par avion de Harare jusqu'à Lumumbashi (ex- Elizabethville) et exposée sur place pendant trois jours, ajoute-t-on.
Son corps sera ensuite enterré, à moins qu'un mausolée ne soit érigé pour accueillir le cercueil.
La confusion persiste autour du sort de Kabila
(KINSHASA, Reuters - mercredi 17 janvier 2001, 16h30)
Envers et contre des informations de multiples sources, la République démocratique du Congo (RDC) dément que le président Laurent-Désiré Kabila ait été tué, tout en annonçant que son fils Joseph prend en main le gouvernement et les forces armées.
Plusieurs pays étrangers - dont la Belgique, ex-puissance de tutelle de la RDC, et le Zimbabwe, principal allié de Kabila - ont déclaré que le chef de l'Etat congolais était mort après avoir été pris pour cible par un de ses soldats mardi.
Le ministre zimbabwéen de la Défense a parlé d'un "véritable assassinat".
Le ministre congolais de l'Information, Dominique Sakombi, a rejeté ces déclarations en assurant que Kabila avait été acheminé par avion à l'étranger pour être soigné.
Selon des sources gouvernementales zimbabwéennes citées par l'agence Ziana, Kabila serait décédé mercredi matin dans l'avion qui le transportait à Harare pour qu'il y reçoive des soins.
De source politique, on a déclaré à Reuters à Harare que les autorités de Kinshasa retardaient l'annonce de la mort de Kabila pour se donner le temps de prendre des mesures de sécurité propres à empêcher le pays de basculer dans l'anarchie.
Sakombi, intervenant à la radio nationale, a déclaré: "Le gouvernement de salut public, réuni en séance extraordinaire à la cité de l'OUA, a décidé de confier la direction gouvernementale et le commandement militaire au général-major Joseph Kabila."
Joseph Kabila, déjà commandant des armées, avait combattu au côté de son père durant l'insurrection qui entraîna la chute du dictateur Mobutu Sese Seko en 1997 et porta Kabila à la tête d'un pays d'Afrique centrale aux ressources minières convoitées.
"Le gouvernement souhaite au président un prompt rétablissement et un rapide retour parmi nous", a dit Sakombi en précisant que le gouvernement avait décidé "la réouverture de l'aéroport et du trafic aérien sur toute l'étendue du territoire" et réduit la durée du couvre-feu, désormais en vigueur de 22 heures à 5 heures du matin (21h00-O4h00 GMT).
Sakombi a déclaré à Radio France Internationale (RFI) qu'un des gardes du corps de Kabila avait fait feu sur lui "à bout portant" avant de s'enfuir et d'être abattu par d'autres militaires. "Malheureusement ils ont tiré sur lui (le garde) et il est mort. On ne saura jamais qui était le commanditaire ou s'il a agi seul", a-t-il ajouté.
L'agence zimbabwéenne Ziana a rapporté que Kabila avait reçu cinq balles tirées par un de ses conseillers abattu ensuite par d'autres conseillers présents dans la même pièce.
A Bruxelles, le ministère belge des Affaires étrangères a dit avoir connaissance d'informations de Kinshasa affirmant que Kabila était en vie, mais il a dit rester convaincu que le président congolais était mort.
Le chef de la diplomatie belge, Louis Michel, a déclaré à la radio que des incertitudes persistaient au sujet de l'identité de la personne qui a tué Kabila. Il reste à déterminer s'il s'agissait d'un général ou d'un garde du corps, a-t-il dit.
Le calme régnait à Kinshasa mercredi, jour férié /à la mémoire du Premier ministre congolais Patrice Lumumba, assassiné en 1961.
Le ministre de la Défense du Zimbabwe, Moven Mahachi, a fait savoir que son pays - dont quelque 12.000 soldats sont stationnés en RDC - continuerait de soutenir le gouvernement congolais contre les rebelles soutenus par le Rwanda et l'Ouganda. Le gouvernement namibien, autre allié de Kinshasa qui a déployé 2.000 soldats dans le pays, a aussi fait savoir qu'il les maintiendrait sur place.