Le Sida, les firmes pharmaceutiques et la vente des médicaments génériques en Afrique du Sud : une victoire contre les profits à tout prix
RECUL DES MULTINATIONALES PHARMACEUTIQUES : Après Pretoria, quelle politique contre le sida ?
Kofi Annan se félicite de la décision des laboratoires pharmaceutiques d'abandonner leur procès contre le gouvernement sud-africain.
Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, s'est félicité aujourd'hui de la décision des laboratoires pharmaceutiques d'abandonner leur procès contre le gouvernement sud-africain concernant la vente en Afrique du Sud de médicaments génériques contre le sida. Affirmant que cette décision devrait faciliter l'accès à bon prix aux médicaments anti-sida de tous les malades, M. Annan a exprimé l'espoir que le règlement à l'amiable de ce procès augurerait une nouvelle ère de coopération entre gouvernements et secteur privé en matière de soins de santé. Pour sa part, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que le règlement de ce différend devrait permettre aux autorités sud-africaines de concentrer tous leurs efforts sur l'élaboration d'actions concrètes en faveur de la population séropositive du pays.
L'industrie pharmaceutique renoncent à poursuivre Pretoria --par Ravi Nessman
C'est une victoire pour tous ceux qui luttent pour l'accès des malades du sida au traitement dans les pays en développement. Une quarantaine de laboratoires pharmaceutiques ont renoncé jeudi à poursuivre le gouvernement sud-africain et la loi visant à permettre la fourniture de médicaments contre le sida à des prix abordables, voire des versions génériques.
Cette plainte était considérée par les organisations de défense des droits de l'homme et les militants anti-sida comme une bataille décisive pour permettre d'assurer le traitement des 26 millions de personnes infectées par le VIH en Afrique.
''Avec le consentement de toutes les parties, votre honneur, nous vous demandons simplement de noter que la plainte est retirée'', a déclaré Stephanus Cilliers, l'avocat représentant les 39 firmes pharmaceutiques.
Les militants anti-sida, venus nombreux dans le prétoire, ont commencé à crier et chanter quand le juge a accepté cette requête. ''C'est vraiment la victoire de David contre Goliath'', s'est réjoui Zackie Achmat, directeur de l'association sud-africaine TAC (Campagne d'accès au traitement).
Depuis le début du procès, voilà six semaines, les réactions indignées avaient fusé de tous les recoins de la communauté internationale. Elles ont fini par avoir raison des laboratoires, dont l'image déjà fragile avait été sérieusement écorchée par cette plainte. Les ''majors'' avaient donc commencé par offrir les médicaments anti-sida qu'elles produisent à prix coûtant ou en dessous.
Le ministre de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang, a assuré que le gouvernement sud-africain n'a conclu aucun accord en échange de l'abandon de la plainte. L'Afrique du Sud a en revanche accepté de consulter le secteur pharmaceutique dans l'application de la loi, et réaffirmé qu'aucun accord commercial international ne serait violé.
Cette décision a été saluée par de nombreuses ONG et agences, comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Médecins sans Frontières, l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Fédération internationale des industries pharmaceutiques.
Selon MSF, cette issue heureuse ouvrira la porte aux autres gouvernements ''qui souhaitent garantir aux patients un accès durable à des médicaments à des prix abordables''. Plusieurs pays africains devraient aborder cette question des brevets et de la santé publique dans le cadre de l'OMS, en juin prochain.
Les laboratoires avaient porté plainte en estimant que cette loi de 1997, autorisant le ministère de la Santé à importer des versions génériques de médicaments brevetés ou d'imposer un prix unique pour les médicaments produits sur son sol, n'était pas assez précise et visait injustement les fabricants de médicaments. Elle n'a jamais été appliquée à ce jour en raison de l'opposition de l'industrie pharmaceutique.
Le gouvernement sud-africain ainsi que les militants anti-sida et les organisations de défense des droits de l'homme estimaient de leur côté que les firmes tentaient de tirer un profit d'un cauchemar de santé publique qui menace de dévaster l'Afrique du Sud et des dizaines d'autres pays pauvres, en les empêchant de recourir aux médicaments génériques, produits à moindre coût parce qu'ils ne sont plus protégés par un brevet.
Mais les militants sud-africains reconnaissent que la bataille pour l'accès au traitement ne fait que commencer: ''Nous avons remporté le premier round, mais il y a encore beaucoup a faire. Nous avons besoin d'un engagement beaucoup plus ferme, et d'un engagement politique de la part de notre gouvernement'', a ajouté Zackie Achmat.
Plus de 25 millions des 36 millions de personnes infectées par le VIH en Afrique vivent dans le sud du Sahara, l'une des régions les plus pauvres du monde. En 2000, 2,4 millions de personnes dans la région sont mortes des conséquences du SIDA. Rien qu'en Afrique du Sud, pays le plus touché, 4,7 millions de personnes sont porteuses de la maladie.
Mbeki victorieux mais au pied du mur dans la lutte contre le sida
Le président Thabo Mbeki va être crédité d'une victoire marquante contre les géants pharmaceutiques, qui ont retiré jeudi leur plainte bloquant depuis trois ans la loi sud-africaine favorisant les médicaments génériques bon marché, mais devra répondre aux attentes qu'elle suscite.
Les organisations non-gouvernementales, qui ont mobilisé l'opinion publique mondiale aux côtés de l'Afrique du Sud contre les compagnies, entendent maintenant mettre de plus belle le gouvernement de Pretoria au pied du mur dans la bataille contre le sida.
La victoire de l'Afrique du Sud a valeur de symbole pour les autres pays en développement. "C'est une victoire, non seulement pour nous, mais aussi pour les peuples du monde entier", s'est rejouie la ministre de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang.
Il est vrai que la loi sud-africaine de 1997 est sortie totalement indemne de l'accord passé avec les compagnie. En particulier la section qui autorise l'importation parallèle de médicaments génériques ou "tout autre acte" nécessaire pour reduire le prix des médicaments.
"Les répercussions vont au-delà de l'Afrique du Sud. Beaucoup de pays en développement qui veulent adopter une législation en accord avec l'accord TRIPS (sur les droits de propriété intellectuelle) vont s'y référer", a souligné Ellen 't Hoen de Médecins sans Frontières (MSF).
A Londres, l'ONG britannique Oxfam a noté que les compagnies pharmaceutiques avaient des procédures similaire en cours au Brésil, pays qui - avec l'Inde et la Thailande - se livre à une production massive de médicaments génériques.
GlaxoSmithKline, la compagnie pharmaceutique britannique, la plus importante au monde en termes de ventes, a immédiatement assumé les conséquences à long terme de l'accord passé avec le gouvernement sud-africain. "C'est un encouragement pour que l'industrie investisse dans la recherche et le développement futur de nouveaux médicaments, y compris ceux qui concernent les maladies des monde en développement", selon un responsable de cette compagnie.
Pour les ONG et les syndicats sud-africains, la mise en oeuvre rapide de la loi sur les médicaments génériques devrait donc permettre à l'Afrique du Sud de commencer enfin à juguler le fléau qui fait de ce pays le plus touché au monde par le sida, avec 4,7 millions de séropositifs, soit une personne sur neuf.
Dès l'annonce du retrait de la plainte des compagnies, ils ont exigé la mise à disposition aussi rapide que possible, de médicaments anti-rétroviraux dans les services publiques de santé, en particulier pour prévenir la transmission du virus du sida de la mère à l'enfant.
Le secrétaire général de la COSATU, la puissante centrale syndicale alliée de l'ANC, le parti au pouvoir, a annoncé la couleur dès l'annonce du retrait des compagnies: "Nous allons mettre la pression sur le gouvernement dès maintenant pour que les médicaments anti-rétroviraux soit mis à la disposition des gens", a dit Zwelinzima Vavi.
Avec le succès de l'Afrique du Sud en justice, "il n'y a plus d'excuse", a dit M. Vavi, faisant référence aux réticences mises jusqu'à présent par le gouvernement sud-africain à distribuer les anti-rétroviraux, ainsi qu'au fumeux débat lancé l'an dernier par Thabo Mbeki lui-même sur le lien entre le virus VIH et le sida.
Mais la ministre de la Santé, Manto Tshabalala-Msimang a immédiatement tenu à refroidir les ardeurs en soulignant que, malgré l'issue du procès, les médicaments anti-rétroviraux restent trop coûteux et que leur inocuité n'est pas établie.
La bataille des ONG, qui avaient tu leur critiques contre le gouvernement sud-africain, va donc sans doute recommencer de plus belle.
Zachie Achmat, président de la Treatment Action Campaign (TAC) sud-africaine a déjà annoncé son intention de demander au gouvernement d'autoriser l'importation d'un médicament anti-retroviral générique fabriqué par la compagnie indienne Cipla.
Sida : les laboratoires abdiquent face à Pretoria
Les compagnies pharmaceutiques internationales ont retiré, jeudi 19 avril, devant la Haute Cour de Pretoria, la plainte qui bloquait depuis trois ans l'application d'une loi sud-africaine favorisant les médicaments génériques. Les ONG parlent d'une grande victoire pour la commercialisation de médicaments moins onéreux auprès de populations pauvres durement frappées par le virus du sida
.Les compagnies pharmaceutiques internationales ont retiré jeudi 19 avril, devant la Haute Cour de Pretoria, la plainte qui bloquait depuis trois ans l'application d'une loi sud-africaine favorisant les médicaments génériques. Me Fanie Cilliers, l'une des avocats des firmes, a annoncé cette décision en ajoutant que les 39 compagnies pharmaceutiques impliquées dans la procédure prenaient en charge tous les frais de justice du gouvernement sud-africain.
"Il y a un accord de toutes les parties pour simplement demander à Votre Honneur que la plainte soit retirée et les plaignants ont proposé de payer les coûts des défendeurs", a dit Me Cilliers au juge Bernard Ngoepe, à l'ouverture de la séance. La ministre sud-africaine de la santé, Manto-Tshabalala-Msimang, a déclaré, après l'annonce des compagnies : "Nous voulons dire merci au monde entier pour son soutien à l'Afrique du Sud."
La décision des compagnies intervient à la suite des protestations qui s'étaient élevées dans le monde entier contre l'action en justice des compagnies, accusées de faire passer leurs profits avant la vie des malades, en particulier des millions de malades du sida dans les pays pauvres.
Les compagnies pharmaceutiques bloquaient depuis 1998 la loi qui donnait au ministre sud-africain de la santé le pouvoir de passer outre les brevets de propriété intellectuelle pour importer, attribuer des licences ou produire des versions à bas prix des médicaments de marque.
Les compagnies estimaient que la remise en cause de leurs droits de propriété intellectuelle risquait d'aboutir à tarir leurs sources de revenus et, par là même, la mise au point de nouveaux médicaments.
Commencé le 5 mars, le procès avait été ajourné dès le lendemain au 18 avril pour permettre l'intervention dans la procédure d'une ONG représentant les malades du sida
Lutte contre le sida : l'ONU lance une campagne en faveur des médicaments génériques
Le secrétaire général de l'ONU a décidé de lancer une campagne hautement politique en faveur de l'accès aux médicaments génériques contre le virus VIH-sida dans les pays du sud. Kofi Annan entend, selon ses proches, profiter de l'offre, faite en janvier, de la société pharmaceutique indienne Cipla de fabriquer des médicaments génériques pour être distribués à des prix réduits aux personnes affectées par le VIH dont 90 % vivent dans des pays en voie de développement. Lors d'une téléconférence, mercredi 28 février, M. Annan ainsi que les responsables de la Banque mondiale et d'autres agences de l'ONU (dont Onusida) ont annoncé leur intention de soutenir la campagne auprès de l'industrie pharmaceutique occidentale et des gouvernements. Le secrétaire général veut accorder désormais une " une priorité absolue " à la question de l'accès aux médicaments et d'" assumer le leadership politique et moral "de cette lutte contre le sida.
Après l'Inde, d'autres pays, comme le Brésil et la Thaïlande, qui disposent de l'infrastructure nécessaire, ont déjà, depuis quelque temps, commencé la production de ces médicaments génériques, copies conformes des molécules originales, dont les brevets sont détenus par les grands laboratoires pharmaceutiques occidentaux.
Les traitements et les combinaisons de médicaments actuels, qui permettent de freiner efficacement la progression de la maladie, ne sont pas administrés dans les pays les plus touchés en raison de leurs prix de vente exorbitants, malgré les réductions des prix annoncées par les laboratoires.
Par ailleurs un grand nombre d'organisations non gouvernementales et activistes de la lutte contre le sida ont annoncé des manifestations dans plusieurs capitales du monde devant les sièges des grandes sociétés pharmaceutiques, lundi 5 mars. A New York, l'ONU a commencé à préparer une session extraordinaire de l'Assemblée générale consacrée à la pandémie. La France a annoncé la tenue d'une conférence internationale, le 30 novembre à Dakar. Sous la pression, croissante, de l'opinion publique, l'industrie pharmaceutique commence, disent des diplomates à " changer d'attitude de façon spectaculaire et tient maintenant un discours de conciliation ".
Pour sa part, la nouvelle administration américaine n'a pas encore arrêté sa position à l'égard de la question de l'accès aux médicaments. Selon des ONG présentes à New York, Washington n'aurait même pas accepté de participer à la conférence de Dakar car, disent-elles, " les républicains n'ont pas encore défini leur ligne vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique qui, malgré la pression publique, demeure ambivalente face à cette nouvelle vague de produits génériques ".
Afsané Bassir Pour
Trithérapies : moins chères et plus efficaces
Le rapport coût/efficacité des trithérapies dans la prise en charge de l'infection à VIH est favorable.
Cette bonne nouvelle - qui confirme les données connues dans notre pays - résulte d'un travail mené par une équipe de chercheurs américains auprès de 320 patients atteints du SIDA.
Comme c'est l'usage en la matière, les auteurs ont pris en compte tous les éléments qui interviennent dans la détermination de ces critères : durée de survie, qualité de vie et naturellement les dépenses de soins directes. Au terme de leur essai, le " coût par année de vie gagnée " s'est élevé à 23 000 dollars par rapport à des patients non traités. Comparant leurs résultats avec ceux des grandes études menées dans le même domaine, ils évaluent le coût de chaque année de vie gagnée grâce aux trithérapies " entre 13 000 et 23 000 dollars ".
Ce travail confirme et réactualise les données issues du rapport Dormont, publié en France dès 1997. Celui-ci avait en effet montré que la trithérapie permettait d'économiser, en France, 800 francs par malade et par mois grâce à la seule réduction du nombre des hospitalisations. Quelques mois plus tard le Dr François Bourdillon, responsable de la mission SIDA au Ministère de la santé, avait estimé à 220 000 le nombre des journées d'hôpital économisées grâce à ces traitements. L'économie annuelle réalisée se montait ainsi à 600 000 millions de francs !
Source :The New England Journal of Medicine, 15 mars 2001