Carnaval de Notting Hill : les "blacks" défilent dans les quartiers branchés
AFP, Londres, dimanche 26 août 2001, 23h02
- Il est 13H00. Une sorte de tremblement de terre musical annonce dimanche le début des défilés aux mille couleurs et aux rythmes caribéens du 37ème carnaval de Notting Hill, à Londres, la plus grande fête de rue d'Europe où deux millions de personnes étaient attendues d'ici à lundi soir.Sifflets et clairons en mains, des milliers de spectateurs venus du monde entier dansent, ignorant la pluie et une forte présence policière dans un quartier devenu, au fil des ans, très branché et les loyers exorbitants.
Un hélicoptère de la police survole en permanence le parcours de 5 kilomètres. Les "bobbies" sont omniprésents, par groupes de cinq ou dix, tous les 20 mètres. La police montée oriente la foule.
Quelque 10.000 policiers, 1.500 de plus que l'année précédente, ont été mobilisés pour ce long week-end, après les deux meurtres de l'année passée.
Dans la soirée, un jeune homme d'une vingtaine d'année a été poignardé. Il a été transporté à l'hôpital mais ses jours ne semblaient pas en danger, selon la police qui s'est refusée à lier cette agression au carnaval et n'a pas modifié son dispositif.
Les 80 caméras de vidéo-surveillance disposées par la police sont visibles partout. "Les flics ne veulent pas être vus en train d'acheter une vidéo du carnaval alors ils font leur cassette pirate", ironise Declan, un Irlandais habitué du carnaval depuis 20 ans.
Dimanche, c'était le défilé des enfants et l'ambiance était très familiale.
Lundi, jour férié en Angleterre (Bank Holiday), chars de "steel bands" aux costumes flamboyants suivront.
Créé dans les années 60 en réponse à des attaques raciales, ce qui n'était qu'un petit défilé costumé d'immigrés de la Trinidad et de Jamaïque décidés à défendre leur identité s'est peu à peu transformé en un gigantesque rendez-vous cosmopolite.
Les chars ont fait place à d'immenses camions ouverts pavoisés aux couleurs chatoyantes des Caraïbes et qui crachent un mélange de calypso, soca, pop, reggae, house et funk.
Pour moi, le carnaval "c'est une histoire de couleurs", dit Julia, 26 ans, l'une des nombreuses vendeuses de sifflets. "Londres est une ville multiculturelle et le carnaval célèbre cette réalité", ajoute-t-elle.
Derrière, suivent les groupes d'enfants qui portent parfois des déguisements deux fois plus grands qu'eux. Les plus petits doivent avoir trois ans. Ils portent des ailes de papillon géantes en dentelles blanches, des rosaces multicolores ou encore des têtes de lion et d'antilope.
Tous se déchaînent lorsqu'ils passent devant le jury. Dans une joyeuse pagaille, les enfants, emmenés par leurs parents, leurs professeurs, balancent, ondulent et tentent de faire impression.
"Ce que je regarde en premier, c'est le balancement du corps", explique Dawreen Charles, la soixantaine alerte, l'une des membres du jury et co-fondatrice de la manifestation.
"J'ai commencé toute petite. A l'école, j'avais du mal à m'exprimer. Je dansais pour utiliser le langage des mains et du corps. De là est née la volonté de créer ce carnaval", raconte-t-elle en dansant sur sa chaise.
"Il y avait une identité très forte", renchérit Tony Blenman, organisateur du festival depuis 26 ans.
Pourtant, "beaucoup de gens sont partis à cause des loyers trop chers, dit-il. Cela devient de plus en plus une zone de blancs", regrette-t-il.
Certains habitants ont fermé leurs volets et sont partis. D'autres ont choisi de rester, à grand renfort de sonos, juchés sur les fenêtres des maisons victoriennes.
Le carnaval est de plus en plus en plus critiqué pour des raisons de sécurité liées à une affluence de plus en plus grande dans un quartier aux rues particulièrement étroites.
Pour cette raison, le maire de Londres, Ken Livingstone, et les autorités locales entendent modifier le parcours des défilés en 2002.
"C'est impossible, s'insurge Claire Holder, directrice générale du Notting Hill Festival Trust. Si vous mettez le carnaval à Hyde Park ou dans un autre quartier, vous tuez le carnaval".
Le Carnaval de NOTTING HILL GATE à Londres 2002: Date (29 juillet 2002)