L'armée angolaise annonce la mort de Jonas Savimbi mais le milieu diplomatique demeure réservé
L'armée angolaise annonce avoir tué Jonas Savimbi --Par Casimiro Sionac
Pour Washington, Jonas Savimbi était devenu un obstacle à la paix
La télé portugaise diffuse l'image du corps de Savimbi
L'armée angolaise annonce avoir tué Jonas Savimbi --Par Casimiro Siona
Selon l'armée, Jonas Savimbi est mort vendredi après-midi aux environs de 15h (14h00GMT) lors d'une attaque de l'armée contre des forces de l'UNITA (Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola) dans la province de Moxico dans le sud-est du pays.
Le porte-parole du président angolais Jose Eduardo dos Santo, Aldemiro Vaz de Conceicao, a déclaré que l'armée détenait la dépouille de Savimbi dans la province de Moxico et s'apprêtait à diffuser des images de son corps.
La mort de Jonas Savimbi n'avait encore pu être confirmée de source indépendante. Les responsables de l'UNITA, cachés dans le maquis angolais, n'ont pu être joints.
Jonas Savimbi, 67 ans, a été l'un des personnages clé de la lutte pour le contrôle de l'Afrique du temps de la Guerre Froide, avant que son refus de la démocratie ne l'isole sur le plan international. Il n'est pas apparu en public depuis plusieurs années.
Si elle est confirmée, sa mort pourrait ouvrir la voie à une paix durable en Angola où la guerre civile fait rage, avec des interruptions, depuis 27 ans. L'hostilité nourrie par Jonas Savimbi envers le président Jose Eduardo dos Santos, au pouvoir depuis 1977, a en effet frustré à plusieurs reprises les efforts de la communauté internationale pour mettre fin au conflit. Trois accords de paix ont échoué successivement.
Mais la menace persistante constituée par l'UNITA a aussi permis à MPLA (Mouvement populaire de libération de l'Angola) de rester uni contre cet ennemi commun. La mort de Jonas Savimbi pourrait ainsi faire éclater une lutte interne au sein du parti au pouvoir.
Le gouvernement angolais a annoncé qu'il allait désormais se préparer à la fin de la guerre civile. Il s'est dit prêt à mettre pleinement en oeuvre l'accord de paix conclu sous l'égide des Nations unies en 1994 et qui prévoyait la tenue d'élections démocratiques. L'accord avait été rompu en 1998 et la guerre civile avait repris.
Au cours de l'année écoulée, les forces gouvernementales avaient réussi à déloger l'UNITA de son principal fief. Ces derniers mois, l'armée angolaise disait se rapprocher des forces de Jonas Savimbi dans la province rurale de Moxico, à environ 700km au sud-est de Luanda. Plusieurs hauts responsables de l'UNITA ont récemment été capturés dans cette zone.
On ignorait encore si un successeur à Jonas Savimbi pourrait être trouvé dans les rangs de l'UNITA, qu'il avait fondé en 1966 pour combattre la puissance coloniale portugaise et dirigé depuis d'une main de fer. Le vice-président de l'UNITA, Antonio Dembo, ainsi que le proche conseiller de Savimbi, Paulo Lukamba Gato, seraient en vie et se cacheraient dans des parties rurales de l'Angola.
Fils d'un employé des chemins de fer, élève des missionnaires protestants, Jonas Savimbi est diplômé en sciences politiques de l'université de Lausanne, il parle quatre langues européennes et trois langues africaines.
En 1975, peu avant le départ des Portugais, la puissance coloniale, Savimbi rejoint les mouvements nationalistes d'Agostino Neto et Holden Roberto et tente de mettre sur pied avec eux un gouvernement transitoire pour conduire le pays à l'indépendance. Mais cette tentative échoue et le MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l'Angola, pro-soviétique) de Neto prend et garde le pouvoir à Luanda, avec le soutien des Cubains.
Savimbi se replie alors dans le centre et le sud de l'Angola, où avec l'aide de soldats sud-africains et d'armes américaines, il organise la guerilla, se présentant comme un défenseur de la démocratie et un rempart contre le communisme, les Soviétiques et les Cubains. En 1986, Jonas Savimbi se rend à Washington, où il est reçu comme un chef d'Etat par le président de l'époque Ronald Reagan dans le bureau Ovale de la Maison Blanche.
Mais après l'effondrement de l'Union soviétique, le gouvernement angolais laisse tomber les théories marxistes pour se rapprocher des Etats-Unis, incitant les compagnies pétrolières américaines à investir des milliards de dollars dans le pays.
En 1992, lors des premières élections organisées en Angola, Savimbi refuse de reconnaître sa défaite et reprend les armes, ce qui accentue son isolement international alors que les puissances occidentales pressent pour la démocratie en Afrique.
La plupart des responsables de l'UNITA viennent de la tribu des Ovimbundus. Mais Savimbi a toujours refusé l'idée que la guerre civile était une guerre ethnique.
En 20 ans de guerre, l'UNITA a ammassé une force de combat de plus de 60.000 hommes mais a souffert du manque de moyens aériens. L'UNITA est censée détenir un stock de diamants, vendus au marché noir international, qui lui a permis de continuer la lutte malgré les sanctions des Nations unies. De son côté, le gouvernement angolais a financé la guerre contre les forces rebelles grâce à la production de pétrole off-shore.
Depuis l'éclatement de la guerre civile après l'indépendance en 1975, les deux camps se sont rendus coupables d'atrocités, selon les organisations humanitaires.
Pour Washington, Jonas Savimbi était devenu un obstacle à la paix
AFP, 23 février, 18h21 - Les Etats-Unis ont longtemps soutenu Jonas Savimbi, considéré comme un "combattant de la liberté" pendant la Guerre froide, avant de rompre peu à peu les ponts avec leur ancien protégé devenu un obstacle à la paix en Angola.
En 1986, le patron de l'Union nationale pour l'indépendance totale de l'Angola (UNITA), dont la mort a été annoncée vendredi par Luanda, était reçu à la Maison Blanche comme un véritable chef d'Etat par le président Ronald Reagan.
L'administration Reagan, en guerre contre le communisme international, a fourni une aide financière et militaire très importante à l'UNITA, parti pro-occidental en lutte contre le Mouvement populaire de libération de l'Angola (MPLA, pro-soviétique), soutenu par un fort contingent cubain.
L'assistance clandestine de L'Agence centrale de renseignement (CIA) à la formation de Jonas Savimbi est estimée à plusieurs dizaines de millions de dollars pendant les années 80, notamment sous la forme de missiles sol-air Stinger.
Les Américains n'ont pas envoyé de troupes en Angola, laissant ce travail à l'Afrique du sud de l'apartheid.
La fin de la Guerre froide et les progrès de la démocratie en Angola -- instauration du multipartisme en 1991 et première élections libres en 1992, remportées par l'UNITA -- vont conduire les Etats-Unis à changer leur fusil d'épaule.
En mai 1993, l'administration du président démocrate Bill Clinton reconnaît le régime du président José Eduardo dos Santos.
Il faudra néanmoins attendre 1999 pour que les Etats-Unis décident de couper tout contact avec l'UNITA, à la suite de la rupture du processus de paix et de la reprise fin 1998 à grande échelle de la guerre civile.
L'UNITA avait pour sa part cessé dès 1998 sa collaboration avec les pays de la troïka --Etats-Unis, Russie et Portugal-- chargée de veiller au processus de paix.
En septembre dernier, le président George W. Bush proroge d'un an les sanctions américaines contre l'UNITA, estimant que ce mouvement représente toujours une menace pour la paix en Angola.
Les sanctions prises par Washington interdisent notamment toute livraison d'armes ou de pétrole à l'UNITA, prévoient le gel des avoirs de cette organisation et de ses responsables aux Etats-Unis ainsi que l'interdiction de l'importation de certains diamants (qui servent à financer le parti de M. Savimbi) d'Angola.
En dépit de ces sanctions et de l'interdiction de tout contact officiel avec le mouvement rebelle angolais, le Pentagone avait reconnu en février 2001 que son responsable des Affaires africaines, Bernd McConnell, avait rencontré en septembre 2000 et fin janvier 2001 --peu après l'investiture présidentielle de M. Bush-- à Washington le représentant de l'UNITA aux Etats-Unis, Jardo Muekalia.
"Nous ne pensons pas que ces rencontres soient en violation des sanctions parce qu'elles ne se sont pas tenues à titre officiel", avait alors expliqué un porte-parole du Pentagone en précisant qu'elles avaient eu lieu hors du Pentagone et des heures de service.
Les autorités américaines se montrent particulièrement discrètes depuis l'annonce vendredi de la mort de leur ancien protégé.
Interrogés samedi par l'AFP, des porte-parole de la Maison Blanche et du département d'Etat se sont refusés à tout commentaire, en ne voulant pas confirmer le décès de Jonas Savimbi et en répétant seulement avoir reçu des "informations multiples" faisant état de la mort du leader rebelle angolais.
La télé portugaise diffuse l'image du corps de Savimbi
Reuters, Lisbonne - samedi 23 février 2002, 19h01
- La chaîne de télévision publique portugaise RTP a diffusé des images présentées comme étant celles du corps de Jonas Savimbi, le chef des rebelles angolais de l'Unita dont Luanda a annoncé la mort vendredi au combat dans l'est du pays.D'après ces images, le cadavre de Savimbi, qui arbore sa barbe légendaire, repose à plat sous un arbre. Le chef de l'Unita est revêtu d'un treillis mais il est présenté nu-pied.
Des nuées de mouches tournent autour de son visage et on peut distinguer sur les images de télévision des impacts de balle dans la région du cou et une blessure à une main. Il est entouré de militaires et de badauds civils.
La RTP a précisé que ces images ont été tournées à Lucusse, une localité située à un millier de km au sud-est de Luanda.
Les autorités ont annoncé la mort du chef rebelle, vendredi, au cours d'affrontements avec les forces gouvernementales, faisant espérer une solution au conflit qui secoue le pays depuis 1975.
Un million de personnes environ ont trouvé la mort dans les combats livrés depuis cette date avec une intensité variable dans l'ex-colonie portugaise du sud-ouest de l'Afrique.
Savimbi, qui avait combiné charisme et ruse pour mener à bien sa longue lutte contre pour le pouvoir, est décédé à 67 ans au cours d'un combat contre des soldats dans la province de Moxico, a annoncé le gouvernement.
"Le gouvernement de la République d'Angola aimerait informer le public national et international de la mort de Jonas Malheiro Savimbi", a-t-il déclaré dans un communiqué.
L'Union pour l'indépendance totale de l'Angola (Unita) n'a pas exprimé de réaction officielle, mais un représentant officieux de l'Unita à Lisbonne, Rui Oliveira, a déclaré: "Nous attendons que nos forces de l'intérieur prennent contact avec nous, nous ne pourrons parler qu'ensuite."
La radio d'Etat a rapporté que le corps de Savimbi serait ramené samedi dans la capitale, depuis Moxico, et présenté au public.
UN RETARD ORCHESTRE?
Une source haut placée au sein des services de renseignements angolais a déclaré à Reuters par téléphone satellite que Savimbi avait été touché par "plusieurs balles" au cours d'un combat avec les forces gouvernementales.
Savimbi et certains de ses hommes étaient encerclés par l'armée depuis lundi, a-t-il dit, ajoutant qu'une vingtaine de personnes avaient trouvé la mort dans le combat qui lui a été fatal.
Une source militaire régionale à Pretoria a déclaré à Reuters que Savimbi était mort, en réalité, plus tôt dans la semaine, mais que Luanda avait reporté l'annonce de son décès pour qu'elle coïncide avec la visite lundi aux Etats-Unis du président angolais Eduardo dos Santos.
"De toutes les informations reçues ces dernières années concernant la mort de Savimbi, celle-ci semble la plus crédible", a déclaré cette source.
"Selon nos informations il serait mort en réalité au début de la semaine, lundi ou mardi. Mais le gouvernement voulait tirer un profit maximum de sa mort à l'approche de la visite du président à Washington, la semaine prochaine", a ajouté cette source.
On ne sait pas où se trouvent les deux plus proches conseillers de Savimbi, le vice-président de l'Unita Antonio Dembo et le secrétaire général Paulo Lukamba Gato, ce qui soulève des interrogations quant à leur éventuelle capture près de la frontière zambienne.
Images de La dépouille de Savimbi