Braquage record à Abidjan : deux milliards de francs CFA (3 millions d’euros) se volatilisent de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO)

RFI, Dossier d'actualité - le 28/08/2002 - Un braquage record à Abidjan : main basse sur plus de deux milliards de francs CFA au cours d’une opération menée «en douceur» dans la cour de la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest.

C'est un scénario digne d'Hollywood. Comme à l'accoutumée, mardi matin vers 11 heures, un transporteur de fonds stationne dans l'enceinte de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest. Il vient chercher l'argent liquide destiné aux banques de la place. Alors que le transfert a lieu, les deux portails de sécurité s'ouvrent pour laisser passer un véhicule portant une immatriculation administrative, celle de la présidence de la République, selon une source policière. Quatre hommes en sortent, armés de pistolets automatiques et de pistolets-mitrailleurs. Ils neutralisent sans les blesser les convoyeurs, puis font entrer cinq autres complices qui attendaient dehors. Sur 23 sacs bourrés de billets, ils en chargent 15 dans leur voiture et prennent la fuite. Durée de l'opération: 15 minutes, pour un butin estimé à au moins 2 milliards de francs CFA, 2,6 d'après le journal Soir Info qui titre en une : «Le hold-up du siècle». «Incroyable mais vrai», annonce l'indépendant Le Front; «incroyable mais pas inédit», précise le quotidien l'Inter, qui rappelle qu'un braquage similaire avait déjà eu lieu sous la transition militaire, en avril 2000. Arrivés à la BCEAO dans un véhicule de la présidence, les malfaiteurs en étaient repartis avec quatre milliards de francs CFA. La stupéfaction n'en est pas moins grande. Située en plein coeur du quartier d'affaires d'Abidjan, derrière de hautes grilles de protection, l'imposant building de la BCEAO fait figure de forteresse. Pour y pénétrer, il faut montrer patte blanche, les guérites en béton des gardiens ne sont pas accessibles depuis l'extérieur de la banque. Hier, en fin d'après-midi, les employés se gardaient de faire des commentaires, l'un d'entre eux, délégué pour éconduire les journalistes affirmait que les responsables de l'institution n'étaient pas «officiellement informés des faits»; travaillant dans la tour, certains disaient n'avoir rien vu, un autre encore se contentait d'une phrase lapidaire mais qui en dit long sur la rapidité de l'opération: «ils sont entrés et sortis».

Comment des braqueurs peuvent-ils entrer et sortir de la banque centrale, en voiture de surcroît? C'est la question que tout le monde se pose. Non seulement les deux portails de sécurité se sont o! uverts comme par enchantement, mais en plus, le système de sécurité qui relie la BCEAO au commissariat n'a pas fonctionné. Selon le journal du parti au pouvoir, Notre Voie, les forces de l'ordre ont été alertées environ une heure après les faits. Dans ces conditions, on comprend que la police soupçonne des complicités internes. Suspect numéro 1, un agent de sécurité de la BCEAO: arrivé le matin du crime vêtu en civil, contrairement à son habitude, il a fui avec les voleurs. En se rendant chez lui, les enquêteurs ont constaté qu'il avait déménagé. Quant à son épouse, également employée a la BCEAO, elle est en France depuis un mois. «Comment les bandits ont-ils pu quitter avec facilité la banque et le quartier sans être inquiétés alors que les lignes de téléphone fixes et mobiles étaient fonctionnelles et le personnel en vie ?» questionne le quotidien indépendant Le Jour. Autant de zones d'ombre que la police et la gendarmerie devront éclaircir, pour dissiper par la même occasion le discrédit qui les frappe avec ce braquage. Des témoins sont entendus, la surveillance aux frontières est renforcée. En attendant, les malfaiteurs et leurs sacs courent toujours.

Virginie GOMEZ (RFI)


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