Rencontre historique entre le président soudanais et le chef rebelle: la réconciliation est-elle pour demain?
Rencontre historique entre le
président soudanais et le chef rebelle
KAMPALA (AFP), le 27 juillet 2002
Le président soudanais, Omar al-Béchir, et le chef rebelle John
Garang se sont rencontrés pendant deux heures à Kampala, la
capitale ougandaise, un geste historique porteur d'espoir dans
une guerre civile qui ravage le Soudan depuis près de 20 ans.
Les deux hommes, qui ne s'étaient jamais rencontrés auparavant,
se sont serrés la main, avant d'entamer la rencontre, présidée
par le chef de l'Etat ougandais, Yoweri Museveni.
Ils doivent maintenant tenir une conférence de presse commune, a
précisé la porte-parole de la présidence ougandaise, Mary
Okurut. Entamée vers 13H00 locales (10H00 GMT), la rencontre
s'est achevée peu avant 15H00 locales (12H00 locales). Elle a
duré environ deux heures, comme prévu.
Cette rencontre intervient une semaine exactement après la
signature d'un protocole d'accord conclu par le régime islamiste
de Khartoum et l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA,
rébellion) - dont John Garang est le chef -, le 20 juillet à
Machakos, au Kenya.
Ce protocole offre au sud une période d'autonomie de six ans, à
l'issue de laquelle il devra se prononcer sur son maintien dans
le pays lors d'un référendum d'autodétermination.
Depuis 1983, le Soudan, plus vaste pays d'Afrique, est en proie
à une guerre civile opposant les rebelles sudistes à majorité
chrétienne et animiste, aux gouvernements successifs du nord
arabo-musulman.
Le conflit a fait près de deux millions de morts et au moins
quatre millions de déplacés.
"Un huis-clos réunissant MM. Garang, al-Béchir et Museveni
est prévu au terme de la réunion élargie", a indiqué
samedi à la mi-journée par téléphone à l'AFP Yasser Armane,
un porte-parole de la rébellion sudiste, joint à Asmara
(Erythrée).
Ce huis-clos n'a pas été confirmé par les responsables
ougandais.
Le colonel Garang est accompagné de ses proches collaborateurs
Nhail Deng et Daniel Kody, a précisé M. Armane.
"La SPLA estime que cette réunion consolidera le protocole
d'accord de Machakos (Kenya) et créera un partenariat dans le
processus de paix entre le régime de Khartoum et la SPLA",
a affirmé le porte-parole.
"Nous nous attendons à ce que la question de la
participation de l'Alliance nationale démocratique (AND,
regroupant l'opposition nordiste et la SPLA) soit évoquée afin
de parvenir à une unanimité nationale" concernant le
processus de paix, a-t-il également déclaré.
Cette rencontre avait été "préparée avant les dernières
négociations qui se sont déroulées à Machakos" au Kenya,
selon un communiqué de la SPLA reçu vendredi soir au Caire.
MM. al-Béchir et Garang n'évoqueront pas les questions
épineuses qui demeurent en suspens et discuteront uniquement des
"moyens de "consolider le protocole d'accord conclu le
20 juillet à Machakos", selon le texte.
"Ils laisseront les questions fondamentales et techniques
pour la prochaine session de négociations", poursuit la
SPLA dans son communiqué.
Après l'accord de Machakos, les deux parties sont convenues de
se retrouver à la mi-août au Kenya pour poursuivre les
pourparlers sur les autres dossiers: le partage du pouvoir et des
richesses, les droits de l'Homme et un cessez-le-feu.
Les négociations se tiennent sous l'égide de l'Autorité
intergouvernementale de développement (IGAD, regroupant sept
pays d'Afrique de l'est), avec le parrainage des Etats-Unis.
Sud-Soudan: six ans d'autonomie
avant un référendum
NAIROBI
(AFP), le 22-juillet, 2002
Le Sud-Soudan va entrer dans une période d'autonomie de six ans
à l'issue de laquelle il choisira par référendum entre son
maintien dans le Soudan et la sécession, a déclaré dimanche à
Nairobi un porte-parole de la rébellion de l'Armée de
libération des peuples du Soudan (SPLA).
Cette déclaration survient au lendemain d'un protocole d'accord
signé samedi à Nairobi, au Kenya, entre le gouvernement de
Khartoum et la SPLA de John Garang.
"Le sud décidera de demeurer au sein du Soudan par
référendum après une période d'autonomie de six ans", et
ce référendum fera l'objet d'une "supervision
internationale", a précisé à l'AFP Samson Kwaje,
porte-parole de la SPLA, en revenant sur des détails du
protocole d'accord qui ne figuraient pas dans le communiqué
commun publié samedi à Nairobi.
"Le référendum offrira deux options très claires: le Sud
demeurera au sein du Soudan, conformément à des dispositions à
mettre en place à la reprise des négociations, en août
prochain, ou le Sud optera pour la sécession", a-t-il
souligné. "Pendant la période de transition, le
Mouvement-Armée de libération des peuples du Soudan (SPLM-A)
gèrera les affaires du Sud-Soudan, selon des modalités à
déterminer à la session d'août des négociations, prévue au
Kenya", a-t-il ajouté.
Khartoum et la SPLA sont parvenus samedi à un protocole d'accord
sur leurs deux contentieux essentiels, "le droit à
l'autodétermination pour le peuple du Sud-Soudan et les rapports
entre Etat et religion", ont indiqué les deux parties dans
un communiqué conjoint à l'issue d'une session de négociations
ouverte le 18 juin dans la ville kényane de Machakos.
Khartoum avait proposé une période de transition de dix ans, la
SPLA avait demandé quatre ans seulement, et les deux parties ont
transigé à six ans sur proposition des médiateurs de
l'Autorité intergouvernementale de développement (IGAD), a-t-il
indiqué. L'IGAD regroupe Djibouti, l'Erythrée, l'Ethiopie, le
Kenya, la Somalie, le Soudan et l'Ouganda).
Les deux parties sont également convenues de se retrouver
mi-août au Kenya pour poursuivre leurs négociations sur les
autres dossiers du contentieux, le partage du pouvoir et des
richesses, les droits de l'homme et le cessez-le-feu, a confirmé
Samson Kwaje, rappelant les termes du communiqué conjoint.
Le dossier "partage des richesses" constitue un sujet
brûlant, car les ressources pétrolières du Soudan, 205.000
barils de pétrole par jour, proviennent du sud du pays.
"Quand la SPLA est entrée en guerre, en 1983, c'était pour
défendre le sud, à majorité animiste et chrétienne, contre la
Charia, la loi islamique, que Khartoum venait d'instaurer, mais
aussi pour obtenir un partage de l'argent du pétrole que le
gouvernement central monopolisait", rappelle un diplomate
occidental à Nairobi.
Durant la transition, il est prévu que le Soudan adopte un
régime législatif bicaméral, avec Sénat et Assemblée, et
dans lequel la Charia, la loi islamique, ne constituera pas la
base de la législation appliquée à l'ensemble du pays, selon
Samson Kwaje.
Le cessez-le-feu ne sera discuté, au prochain rendez-vous
d'août au Kenya, qu'une fois établis les principes de partage
du pouvoir et des richesses, ainsi que les accords de sécurité
et sur le statut des deux armées, du nord et du sud, a-t-il
poursuivi.
La SPLA et Khartoum ont conclu leur protocole d'accord "en
négociation directe", certes avec la médiation de l'IGAD
mais sans aucune autre influence extérieure, a affirmé M.
Kwaje.
Des "influences" se seraient toutefois exercées sur la
SPLA du colonel John Garang, lors de la session de négociations
qui s'est achevée samedi au Kenya, "pour qu'elle cesse de
brandir l'indépendance du sud comme un préalable impératif, et
qu'elle accepte de composer", a commenté dimanche un
diplomate en poste à Nairobi.
La communauté diplomatique internationale aurait fait les mêmes
suggestions "aux amis de M. Garang", a ajouté ce
diplomate, dans une allusion directe au Kenya, où le colonel
Garang séjourne souvent, a-t-il souligné. "La communauté
internationale est d'abord focalisée sur la perspective de la
paix qui va enfin pouvoir être conclue dans cette région du
monde, et elle va tout mettre en oeuvre pour que rien ne vienne
entraver le processus en cours", a-t-il poursuivi. Le
conflit a fait entre 1 et 1,5 million de morts et au moins 4
millions de déplacés, selon des sources humanitaires.
Rappel historique: près de vingt ans de conflit au Sud-Soudan (1983-2002)
Actualité internationale et africaine 4