Taubira, candidate à la présidentielle 2002, est-elle menacée par le PRG ?
Taubira ou comment s'en débarrasser
Les radicaux tentent de virer leur candidate... avec les formes.
Par Gilbert LAVAL
Le mercredi 13 mars 2002
(Libération [Quotidien] liberation.com)
C'est de la physique radicale élémentaire: le socialiste Lionel Jospin grimpe dans
les sondages, la candidate des radicaux de gauche Christiane Taubira dégringole. Dans le
coeur des dirigeants du PRG en tout cas. «Jospin va gagner et nous, nous n'aurons servi
à rien...», se désole cet abonné du bureau national. Les responsables radicaux, qui
ont imposé la candidature de la non-radicale Taubira à leur parti, ne savent plus
comment se débarrasser de l'affaire.
«Il s'agit de faire ça proprement», calcule un baron du PRG. Du coup, c'est le
directeur de la communication du parti qui s'y colle. Patrice Lefeu explique que, selon
l'institut de sondage CSA, les radicaux ne se reconnaissent pas dans cette candidature...
Il faut donc, selon lui, «repositionner la campagne». Sourire amusé d'un grand élu du
PRG qui n'était déjà pas d'accord avec la direction pour investir la députée
guyanaise. Il se satisfait aujourd'hui de constater que c'est Lefeu, le factotum de
Jean-Michel Baylet, qui lance le débat sur le retrait.
Angoisse. «Ils veulent flinguer Taubira comme ils ont déjà "scudé'' Hory en
1995», se rebelle le secrétaire général adjoint du PRG, Eric Montès. Lui a vu «mille
Antillais pour Taubira à Paris», des «danseurs de hip-hop et des élus beurs» à
Clichy et à Bondy, une centaine de «vieux radicaux-cassoulet» à Bergerac en Dordogne.
Eric Montès est chargé au PRG de réunir les parrainages de la candidate: sur 214 maires
radicaux de gauche, 203 lui auraient accordé leur signature «qu'on ne vienne pas nous
dire après ça que le parti, le socle radical, les banlieues ou les DOM-TOM ne suivent
pas Christiane Taubira». Si la candidate reste clouée au plancher à 0,5 % dans les
sondages, c'est, dit-il, «parce qu'elle n'a pas encore fait de télés. Mais ça va
changer, promet Montès. Le CSA est intervenu...». Le Conseil supérieur de l'audiovisuel
plus fort que les communicants du PRG? En tout cas, l'hypothèse toujours retenue par la
direction d'un score «minable» angoisse élus et ministres qui ne pèseraient plus
grand-chose face à leurs chers amis du PS...
En attendant, Taubira fait face. Et la direction du PRG la soutient, évidemment. Ses
représentants ne font part de leurs doutes que sous la garantie de l'anonymat le plus
total.
Mme Taubira est invitée à
"repositionner sa campagne"
La Monde (Parution du 12 mars 2002)
"Ce n'est ni un abandon, ni un lâchage, ni un repli." Mais peut-être un déni
? Patrice Lefeu, secrétaire général adjoint du Parti radical de gauche (PRG), se
défend de vouloir laisser en plan la candidate de son parti à la présidentielle,
Christiane Taubira. "Mais quand le message ne passe pas, c'est faire acte de
lucidité que de vouloir repositionner sa campagne", plaide son chargé de
communication.
Alors que les cadres du PRG opposés à la candidature de la députée de Guyane redonnent
de la voix depuis quelques jours (Le Monde du 8 mars), au vu du 0,5 % dont elle est
créditée dans les sondages, M. Lefeu a déclaré à l'AFP, lundi 11 mars, que le PRG
était en train de travailler à une nouvelle affiche et à une nouvelle orientation de la
campagne.
<http://a1692.g.akamai.net/f/1692/2042/1h/medias.lemonde.fr/medias/info/pixel_blanc.gif>
[Article au format texte pour impression] [Envoyer par email cet article à un ami]
<http://a1692.g.akamai.net/f/1692/2042/1h/medias.lemonde.fr/medias/info/pixel_blanc.gif>
Cette annonce a immédiatement suscité la colère de la candidate.
"Cette campagne est un compagnonnage", rappelle Mme Taubira, qui n'appartient
pas aux radicaux de gauche. "Moi, je suis loyale. J'attends la même loyauté en
retour. Ce n'est pas par la presse que je dois apprendre que le parti retravaille sur mon
positionnement de campagne, ni sur mon affiche", s'offusque la candidate. "Je
demanderai des explications en interne. M. Lefeu est bien sympathique, mais les droits sur
mon image, je les tiens de la loi, pas de lui", ajoute-t-elle. Mme Taubira s'indigne
de surcroît que toute cette agitation se fonde sur de mauvais sondages, indiquant qu'elle
n'a pas "une relation utilitariste à l'électeur".
"DISTORSION SUR LE MESSAGE "
De son côté, M. Lefeu explique que l'objectif initial de cette candidature, qui est de
"réunir le patrimoine radical et aller au-delà" , n'est pas rempli. Le
responsable de la communication a fait réaliser une enquête par CSA, début mars,
auprès d'un échantillon d'électeurs ne comprenant que des habitants des banlieues et
des DOM-TOM, ainsi que des radicaux et des sympathisants de gauche. "On a découvert
qu'il y avait distorsion sur le message. Il n'a jamais été question que Mme Taubira soit
la candidate des minorités. Il y a aussi le fait qu'elle bénéficie d'une très faible
notoriété", dit-il, reprenant ainsi les arguments des anti-Taubira. Il attribue la
stagnation de la campagne à "une erreur de communication". "Revendiquer
"Ma patrie, la République" [le slogan initialement choisi], c'est une bonne
idée. Mais si c'est une femme noire qui le dit, ce n'est pas évident : on a l'air de
vouloir le démontrer. Alors qu'en fait, c'est évident", explique-t-il.
Au PRG, l'embarras est total. Contacté par téléphone, son président, Jean-Michel
Baylet, n'a pas donné suite. Mais il a laissé entendre à des proches que le parti
prendrait une décision sur la poursuite de la campagne, avec la candidate, dans une
quinzaine de jours. Mme Taubira, qui a reçu le soutien de cinq intellectuels antillais de
renom (Le Monde du 9 mars), n'envisage toujours pas, pour sa part, de retirer sa
candidature.
Béatrice Gurrey
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 13.03.02
Actualité internationale et africaine 4